C’est parce que tu (@Blackline) va un peu trop vite dans le développement de la méthode de Hückel
Rappelons tout d’abord que le but est, in fine, de résoudre l’équation de Schrödinger, qu’on va mettre sous la forme H^∣Ψ⟩=E∣Ψ⟩. Ici, ∣Ψ⟩ est une orbitale moléculaire (OM), dont E est l’énergie. H^ est le Hamiltonien, dont la forme nous importe assez peu.
Équation séculaire
Une manière "classique" de résoudre cette équation, c’est de prendre le complexe conjugué et d’intégrer:
⟨Ψ∣H^∣Ψ⟩=E⟨Ψ∣Ψ⟩.
Dans un monde idéal, ⟨Ψ∣Ψ⟩=1, mais imaginons un instant qu’on ne le sais pas. Cette équation devient:
E=⟨Ψ∣Ψ⟩⟨Ψ∣H^∣Ψ⟩
Comme tu le sais très bien, une orbitale moléculaire est une combinaison linéaire d’orbitales atomiques, autrement dit,
∣Ψ⟩=j∑cj∣ψj⟩,
où les cj sont les coefficients LCAO, et les ∣ψj⟩ sont les orbitale atomique (dans le cadre de la méthode de Hückel, les orbitales 2pz, mais minute). Pour les mathématiciens: oui les ∣ψj⟩ représente une espèce de base (de fonctions), et les coefficients LCAO forment un espèce de vecteur.
Autrement dit,
E=∑jkcj⋆ck⟨ψj∣ψk⟩∑jkcj⋆ck⟨ψj∣H^∣ψk⟩.
Posons dès à présent que Hjk=⟨ψj∣H^∣ψk⟩ (soit la valeur du Hamiltonien pour les fonctions de base j et k, dont la valeur nous importe peu dans l’absolu) et Sij=⟨ψj∣ψk⟩, qu’on va appeller l’intégrale de recouvrement, parce que ça ressemble à s’y méprendre à un produit scalaire (voilà d’où vient ta matrice S, d’ailleurs, mais j’y viens). Notons également que, vu la nature hermitienne du Hamiltonien, Hjk=Hkj, et que, de même, Sjk=Skj. Donc, en toute généralité,
E=∑jkcj⋆ckSjk∑jkcj⋆ckHjk.
Notons que cette équation dépend fortement du choix des coefficients cj⋆ et ck. On va les choisir de telle manière à ce qu’ils minimisent l’énergie. Autrement dit, on cherche les minimums de la fonction ci-dessus, donc à ce que
∀p:∂cp∂E=0.
(c’est la méthode variationnelle, employée pour résoudre la version Hartree-Fock)
(oui, on devrait normalement vérifier qu’il s’agit d’un minimum).
Dévellopement du machin
Donc, on différencie membre à membre,
∂cp∂⎝⎛Ejk∑cj⋆ckSjk⎠⎞=∂cp∂⎝⎛jk∑cj⋆ckHjk⎠⎞⇔∂cp∂Ejk∑cj⋆ckSjk+Ejk∑[∂cp∂cj⋆ck+∂cp∂ckcj⋆]Sjk=jk∑[∂cp∂cj⋆ck+∂cp∂ckcj⋆]Hjk. Sauf que, évidement, puisque les coefficient sont indépendants,
∂cp∂ck=δkp,
et donc,
∂cp∂Ejk∑cj⋆ckSjk+Ejk∑[∂cp∂cj⋆ck+∂cp∂ckcj⋆]Sjk=jk∑[∂cp∂cj⋆ck+∂cp∂ckcj⋆]Hjk⇔∂cp∂Ejk∑cj⋆ckSjk+Ejk∑[δjpck+δkpcj⋆]Sjk=jk∑[δjpck+δkpcj⋆]Hjk⇔∂cp∂Ejk∑cj⋆ckSjk+2Ek∑ckSjk=2k∑ckHjk⇔∂cp∂Ejk∑cj⋆ckSjk=2k∑ck(Hjk−ESjk). Et donc, quand ∂cp∂E=0,
k∑ck(Hjk−ESjk)=0,
qui doit être vérifié pour tout j. C’est ce qu’on appelle (les) équation(s) séculaire(s). À noter que jusqu’ici, on a (quasi) rien fait comme approximation, donc cette équation, pour peu qu’elle aie une solution (et qu’on sache calculer Hij et Sij), est tout à fait exacte. Et il se trouve qu’il s’agit effectivement d’une équation aux valeurs propres, ou pour un j donné, E est la valeur propre et les {ck} forment un vecteur propre (donc encore une fois, ce que le chimiste appelle les coefficients LCAO).
Or, et puisqu’il s’agit d’une équation au valeurs propres, la première chose à faire est normalement de trouver le déterminant séculaire, qui dont être non-nul pour que les {ck} obtenus soient non-triviaux (comprendre, qu’au moins un soit différent de zéro). Donc il s’agit d’obtenir,
det(Hjk−ESjk)=0.
Et là, on a un problème
(EDIT: ce genre d’équation, avec Sij=0 porte en fait un nom, il s’agit d’un sous-espace caractéristique, ou en anglais generalized eigenvector, mais je ne sais pas exactement de quoi il retourne).
La méthode de Hückel
On a un problème, puisque comme je l’ai dit, ça requiert de pouvoir évaluer Hij et Sij, ce qui n’est pas un problème simple. Et c’est là que la méthode de Hückel intervient, puisqu’elle dit qu’on ne considère à priori que les orbitales 2pz du carbone, donc que
Hjk=⎩⎪⎨⎪⎧αβ0si j=k,si j=k et les atomes j et k sont lieˊs,sinon.
(ce qui signifie qu’il faut adapter α et β quand au moins un des atomes considérés n’est pas un atome de carbone, wink wink)
Mais aussi, et surtout, que le recouvrement entre orbitales atomiques différentes est nul:
Sjk={10si j=k,sinon.
Et honnêtement, dans l’histoire, c’est encore cette dernière approximation qui est la plus dégueulasse (mais qui nous simplifie la vie en rendant l’équation aux valeurs propres extrêment simple à résoudre).
(EDIT: cette approximation fait aussi que l’orbitale moléculaire liante et antiliante ont la même différence en énergie par rapport aux orbitales atomiques, voir ici)
Conclusion
Et voilà pourquoi