Hasard, quantique et théorie du chaos

Jusqu'où peut-on peut-t-on voir les choses d'un point de vue déterministe ?

a marqué ce sujet comme résolu.

Bonjour,

Je précise avant tout que je n’ai pas fait d’études dans les sciences et que mes connaissances s’arrêtent à celles du lycée et de ce que je lis dans Science & Vie.

J’ai eu une fois une discussion avec quelqu’un à propos de la notion de hasard et je me demande s’il y a plusieurs interprétations possibles selon si on en parle dans le domaine des mathématiques, de la philosophie ou de la physique ; ou si je fais une grossière erreur.

Je suis quelqu’un qui voit tout de manière déterministe et je me permets de lui dire que le hasard n’existe pas vraiment, il ne s’agit que d’une manière pour nous humains de dire que nous ne savons pas assez pour prédire ce qui peut se passer et que nous utilisons les probabilités pour avoir une idée de cet aléatoire. Je dirais que le hasard est un concept culturel pour tenter de trouver une explication à quelque chose.

Par exemple, nous utilisons les probabilités pour tenter de prédire le résultat d’un lancer de dé. Cependant, si nous avions les moyens de mesurer la hauteur que le dé atteint, si nous pouvions mesurer la vitesse de rotation du dé, si nous pouvions connaître la force et la direction du courant d’air qui passe à ce moment-là dans la pièce, et peut-être qu’il nous faudrait encore d’autres paramètres, nous pourrions prédire sur quelle face précisément va tomber ce dé.

Ça semble correspondre à ce que je lis sur la page Wikipédia du « hasard »

les systèmes présentant un ou plusieurs points de bifurcation. Le système est alors parfaitement déterministe, dans l’absolu, mais le manque de précision dans la connaissance (la mesure) de l’état présent du système rend impossible la prédiction de son comportement futur, en pratique. Ce genre de système est appelé chaotique. […]

Sont également parfois considérés comme « hasardeux » les systèmes dynamiques dont le niveau de complexité est tel que l’esprit humain ne peut en déterminer le devenir. […]

Puis est venu le sujet de la mécanique quantique, où il semblerait que l’on ne puisse, par exemple, qu’obtenir une probabilité de la position d’un atome. Je lis dans un article de Pour la Science :

[…] Cette physique ne prédit pas à coup sûr le résultat d’une expérience donnée, mais ne fait que prévoir les probabilités des résultats possibles.[…]

J’ai toujours entendu que la mécanique quantique bouleversait certaines idées classiques et qu’elle pouvait être contre-intuitive. Ce que je comprends, c’est que nous avons du mal à appréhender certains aspects, qu’il est difficile de faire une mesure et je lis dans cet autre article de Pour la Science que même le concept de mesure est remis en cause par la physique quantique.

Mon interlocuteur insistait que la notion de hasard est bien une notion tangible, scientifique et ici intrinsèque à la mécanique quantique. Cependant, je reste sur mon idée que nous parlons de hasard et de probabilité à partir du moment où nous atteignons nos limites dans la connaissance d’un domaine et que nous cherchons une explication.

Est-ce que c’est une idée défendable que de dire que d’un point de vue holistique tout est absolument déterministe, que le hasard n’est qu’une manière pour nous de tenter d’appréhender des choses, même pour la mécanique quantique ?

Ou est-ce que le hasard est un concept vraiment en soi, impossible à éliminer ?

Est-ce que je mélange trop les concepts de hasard, aléatoire, complexité et de théorie du chaos ?

Est-ce qu’il y a des réponses différentes selon si l’on parle par exemple de philosophie ou de physique ?

Est-ce qu’il y a des ressources accessibles au grand public pour vulgariser ces notions de théorie du chaos, complexité et hasard ?

+0 -0

Alors, je vais distinguer trois cas.

1, le hasard gentil, usuel. Je tire une pièce ou un dé. À priori, oui, c’est prévisible avec assez de données. Je ne vois aucun obstacle théorique à faire un robot qui ferait faire un nombre de tour donné à une pièce. C’est de la mécanique Newtonienne, si on contrôle comme il faut les forces et moment, c’est OK.

2, le chaos. C’est autre chose. Un système chaotique est un système intrinsèquement dépendant des conditions initiales. Même avec des équations parfaitement déterministes, un petit écart sur les conditions initiales donnera un écart important au bout d’un certain temps.
Autrement dit, dans un système non chaotique, bonne connaissance du départ => bonne connaissance de l’arrivée à tout temps.
Dans un système chaotique, meilleure connaissance de départ => bonne connaissance de l’arrivée plus longtemps. Mais tôt ou tard, ce sera mauvais.

3, la physique quantique. L’interprétation de la physique quantique a fait couler beaucoup d’encre. La théorie dit qu’un objet est dans une superposition d’état. Par exemple, 12+>+12>\frac{1}{\sqrt{2}} |+> + \frac{1}{\sqrt{2}} |->. Mais à la mesure, on trouvera, avec une probabilité 1/2, soit +>|+>, soit >|->.

L’école dominante est celle de Copenhague. Lors de la mesure, la fonction d’onde (l’état) s’effondre et donne un état fixe. Cet effondrement est aléatoire et ne dépend pas de variable cachée. Selon cette école, la physique quantique est non déterministe. Et ça a choqué plein de savant.

Il existe des écoles dans lesquels ce phénomène est déterministe, mais elles sont aujourd’hui minoritaires. Elles font typiquement appel à des variables cachées.

Je ne m’y connais pas assez en philosophie ou en histoire des sciences pour détailler plus, désolé.

+10 -0

Il existe des écoles dans lesquels ce phénomène est déterministe, mais elles sont aujourd’hui minoritaires. Elles font typiquement appel à des variables cachées.

Notons qu’il semble qu’à ce jour toutes les expériences menées pour mettre en évidence qu’il y a des variables cachées en mécanique quantique (dont celle tirée de l’expérience de pensée EPR) n’ont pas abouties en ce sens. Donc jusqu’à preuve du contraire, la position de l’école de Copenhague sur le sujet fait plutôt autorité car confortée par ces expériences.

Et après n’oublions pas que par le phénomène de décohérence quantique la mécanique quantique n’implique pas que le hasard complet à l’échelle microscopique se traduit par un hasard complet valide à l’échelle macroscopique.

+5 -0

En parlant de déterminisme, j’ai eu une discussion récente avec un copain qui m’a dit que cela ne l’étonnerait même pas que notre univers fût le résultat d’une grosse simulation (ça rappelle les romans de Werber, la trilogie des dieux).

Comme le PO je n’ai pas vraiment de grosses connaissances scientifiques et je partage assez son avis. Dans le monde de l’infiniment petit, lorsqu’on s’aperçoit qu’en observant une particule il est (dites-moi si je me trompe) impossible de prédire son état, pour moi, là se situe tout le hasard.

Et là encore dites-moi si je me trompe, mais c’est à cause de ce genre de phénomènes qu’on n’arrive plus à miniaturiser le matériel informatique, car les transistors se retrouvent incapables de maîtriser les électrons (qui se comportent comme des ondes, c’est ça ?) dans le domaine de l’infiniment petit. Ce hasard est bouleversant maintenant que j’y pense.

Quel est votre avis sur tout ça ?

Edit : si ça peut en intéresser quelqu’un, une courte vidéo sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=DC0U5viudt0

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Et là encore dites-moi si je me trompe, mais c’est à cause de ce genre de phénomènes qu’on n’arrive plus à miniaturiser le matériel informatique, car les transistors se retrouvent incapables de maîtriser les électrons (qui se comportent comme des ondes, c’est ça ?) dans le domaine de l’infiniment petit. Ce hasard est bouleversant maintenant que j’y pense.

On arrive encore à miniaturiser même si le rythme ralenti maintenant cela reste encore possible d’aller plus loin.

Le problème n’est pas tellement le caractère aléatoire de la mécanique quantique que les semi conducteurs exploitent par ailleurs depuis toujours (effet tunnel, dopage, tout ça tout ça).

D’abord il y a un problème de nature technologique : plus tu veux réaliser quelque chose de petit avec une grande précision, plus c’est difficile à faire et plus c’est cher. On s’en rend pas compte mais concevoir un processeur avec des transistors si petits cela ne s’improvise pas et demande des techniques très complexes qui en eux même justifient parfaitement la difficulté d’aller plus loin dans la miniaturisation.

Ensuite, il y a des problème car on s’approche du transistor qui fait la taille d’un atome (ou disons quelques uns). Aller plus bas n’a de toute façon aucun sens physique, comment tu fais un transistor avec moins de quelques atomes ? S’assurer de la stabilité du transistor dans ces conditions est difficile, tu as des phénomènes physiques qui deviennent problématiques, ne serait-ce les courants de fuite, etc. Plus ton transistor est petit, plus l’électronique est géré finement et plus les petits effets négligeables à l’échelle macroscopiques deviennent problématiques. Tu ne routes pas et ne conçois pas un réseau de transistors à cette échelle tout comme tu le ferais en taille humainement manipulable. Et cela reste aussi assez indépendant de la nature de la mécanique quantique. Même si elle apporte elle aussi ses propres problématiques évidemment. Mais j’ai l’impression que même sans on aurait globalement les mêmes difficultés.

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Merci pour vos réponses. J’ai aussi trouvé une vidéo de « Science étonnante - L’intrication quantique » qui explique bien le phénomène je trouve.

Donc d’après l’école de Copenhague qui est aujourd’hui la théorie la plus admise en mécanique quantique, l’état d’une onde se décide au hasard au moment de la mesure.

Je lis cependant sur la page Wikipédia de cette théorie :

La mécanique quantique et l’interprétation de Copenhague ne remettent pas en cause le principe de causalité ou principe de raison suffisante qui déclare que tout a une cause. En effet, pour l’école de Copenhague, la réduction du paquet d’onde et le caractère statistique de la mécanique quantique ne proviennent pas du hasard et du fait que « Dieu jouerait avec les dés » pour reprendre une expression d’Einstein mais du fait de l’interaction avec l’appareil de mesure et des incertitudes que cela implique.

Est-ce que l’on peut dire que l’on considère l’état de sortie de cet état de superposition comme du hasard car nous ne maîtrisons pas l’interaction de l’appareil de mesure avec l’onde étudiée ?

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Dans le monde de l’infiniment petit, lorsqu’on s’aperçoit qu’en observant une particule il est (dites-moi si je me trompe) impossible de prédire son état, pour moi, là se situe tout le hasard.

Oui et non. L’état de la particule, c’est sa fonction d’onde. Un truc du genre racine carrée |+> … que je mettais au-dessus. Si tu mesures l’état de la particule, tu va trouve |+> ou |->, pas un truc avec des racines. Mais attention, si tu remesures l’état de la particule, tu trouveras dorénavant toujours ce que tu as trouvé la première fois. En observant une particule, tu ne peux pas remonter à son état avant mesure, mais tu va aussi altérer son état. C’est tordu, mais ça a été validé expérimentalement…

Est-ce que l’on peut dire que l’on considère l’état de sortie de cet état de superposition comme du hasard car nous ne maîtrisons pas l’interaction de l’appareil de mesure avec l’onde étudiée ?

C’est une interprétation possible.

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Depuis 1982 (Expérience d’Aspect), on sait vérifier que le déterminisme ne s’applique PAS dans certaines circonstances. Voir à ce sujet Inégalités de Bell.
Il s’agit là de résultats expérimentaux jamais contredits.

etherpin

Non ça n’invalide pas le déterminisme. Ça montre qu’il n’y a pas de variables cachées locales, mais on peut toujours sauver le déterminisme avec des variables non-locales.

Depuis 1982 (Expérience d’Aspect), on sait vérifier que le déterminisme ne s’applique PAS dans certaines circonstances. Voir à ce sujet Inégalités de Bell.
Il s’agit là de résultats expérimentaux jamais contredits.

etherpin

Non ça n’invalide pas le déterminisme. Ça montre qu’il n’y a pas de variables cachées locales, mais on peut toujours sauver le déterminisme avec des variables non-locales.

Looping

A ma connaissance, ces résultats expérimentaux n’ont jamais été contredits. Peux-tu citer au moins une expérience destinée à mettre en évidence "des variables non locales" ?? Ou même un projet d’expérience ?

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En parlant de déterminisme, j’ai eu une discussion récente avec un copain qui m’a dit que cela ne l’étonnerait même pas que notre univers fût le résultat d’une grosse simulation (ça rappelle les romans de Werber, la trilogie des dieux).

Ge0

Il s’avère que cette thèse a été défendue par un philosophe (et probablement d’autres), Nick Bostrom, dans un article que l’on peut lire Ici (en anglais).

Le vidéaste Monsieur Phi a fait une bonne vidéo là-dessus.

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