Le cloud souverain Européen : les causes de l'echec

Pourquoi l'initiative ne prend toujours pas ?

a marqué ce sujet comme résolu.

Bonjour chers agrumes,

Aujourd’hui j’aimerai savoir ce que vous pensez du projet de Cloud Souverain Européen. Surtout, le pourquoi du comment on en parle beaucoup mais sans rien voir ?

Pour la petite histoire, on en parle depuis des années maintenant, mais on ne voit rien arriver.

  • En 2013 les initiatives de Bull&SFR et de Thales&Orange n’ont rien donné
  • En 2019 l’initiative Franco-Allemande (Gaia-x) n’a pas porté ses fruits

Nous sommes en 2022, et toujours rien.

De ce que j’ai compris des causes de l’echec jusqu’ici,

L’Europe est incapable techniquement de s’aligner sur la concurrence ?

Lorsqu’on voit ce que propose la concurrence (Google, Amazon, Microsoft), ainsi que les défis techniques sous-jacents (maîtrise de l’infrastructure, catalogues des produits open source remasterisé, etc), on pourrait se dire que finalement l’Europe n’est pas capable de suivre.

A votre avis, est-ce vrai ?

Un problème de bureaucratie ?

Le Cloud Souverain Européen vient avec un défi que les autres ne se sont pas imposés au départ : la problématique de propriété de la donnée.

Et l’on sait que dès qu’un projet technique requiert une armée de juriste (oui, logiciels de paie, je penses a vous) il va avancer au ralenti.

Est-ce que finalement il ne faudrait pas décider de livrer quelque chose quitte a l’améliorer au fur et à mesure, plutôt que d’attendre une arlésienne qui n’arrive jamais ?

Sur qui compter ?

En France (Europe ?), est-ce qu’il existe des acteurs techniques assez compétent pour relever les défis techniques ?

Merci d’avance pour les retours.

Alors je ne sais pas ce qu’il en est pour l’Europe/La France, mais je peux faire un petit retour sur ce que nous avons en Suisse.

Il y a quelques années, la Suisse a lancé un appel d’offre pour un prestataire Cloud, et c’est la que les débats on commencé, avec notamment Infomaniak (un pilier de l’hébergement en Suisse), qui s’insurge indiquant que cet appel d’offre est explicitement dédié au géant tel que Google ou Microsoft.

Et du coup cela créer passablement de débat, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine qui a relancé la polémique.

Quelques liens si tu es intéressé:

Et ici un article d’Infomaniak qui défend leur point de vue, avec lequel je suis en grande partir d’accord.

Bien évidemment, je n’ai pas suivi avec très grande attention cette histoire et je n’ai fais que résumé ce que j’en savais, donc c’est certainement incomplet/légèrement différent de la réalité.

Le problème est plus politique que technique, surtout parce que le sujet d’origine est 100 % politique. Le principe même de « cloud souverain » implique des débats extrêmement complexes (même avec la meilleure volonté du monde) sur les propriétés et souveraineté des données en droit international, et des intrications avec les licences des logiciels – surtout si on parle de logiciels développés par des éditeurs hors UE.

Techniquement, on sait faire de l’hébergement et UE et même en France (coucou OVH). Le matériel, par contre, est très dépendant des conceptions et des produits en provenance des USA, on a un vrai manque de ce côté en France. Faire en sorte que « les données soient hébergées en France » (ou en UE) c’est quelque chose qu’on sait tout à fait faire aujourd’hui.

Par contre, garantir que ces données ne vont pas s’enfuir on ne sais où à cause d’un obscur contrat de licence d’un logiciel perdu dans la pile…

Ajoute à ça que ces projets de cloud souverain sont des projets publics, et que le public est très mauvais pour gérer des projets informatique, surtout de cette envergure. À cause des lobbyings qui arrivent à imposer des dépendances à des grands acteurs US (explicitement ou de fait – les appels d’offres forgés pour correspondre à un acteur précis et prédéfinis sont très communs), et à cause du lobbying et des règles d’attribution des marchés qui les envoient systématiquement sur de très gros acteurs (Orange, Capgemini…) qui sont énormes mais ne sont pas forcément les plus pertinents dans le contexte. Pire : travailler avec le public pose plein de problèmes, comme les spécifications qui changent selon l’humeur politique du moment, et les paiements très tardifs.

Ajoute à ça que si c’est un projet européen, s’ajoutent la blague habituelle (la même qu’avec Airbus, Arianespace…) : les états cherchent tous à avoir leur part du gâteau, et ce qui devient important n’est pas « que le projet soit le plus efficace possible » ni même que le projet fonctionne » mais « que les entreprises nationales récupèrent au moins ce qu’on mets en argent public dans le projet »_.

Pour moi, la vraie surprise aurait été que ces projets aboutissent.

Salut,

Pour ma part c’est sans doute lié au fait qu’un organisme public veuille concurrencer des institutions privées et qui ne sont, de surcroit, pas limitées à l’Europe.

Est-ce que finalement il ne faudrait pas décider de livrer quelque chose quitte a l’améliorer au fur et à mesure, plutôt que d’attendre une arlésienne qui n’arrive jamais ?

Je pense. Mais selon moi, reléguer cela au rang des institutions publiques est une erreur. Une institution privée, par la recherche du profit, aura davantage quelque propension à innover, là où une institution publique ne possède pas ce genre de problématique.

En France (Europe ?), est-ce qu’il existe des acteurs techniques assez compétent pour relever les défis techniques ?

SpaceFox a mentionné OVH.

Très honnêtement je ne pense pas que ça soit un problème de public ou de privé, en soi. On a des coopérations européennes plus ou moins publiques qui ont réussi de très beaux projets industriels (Airbus, l’ESA…).

Pour moi, la réussite d’un projet de haute technologie, c’est plus un problème de gouvernance, de moyens mis et de but défini. Si les pouvoirs publics (quels qu’ils soient) décident qu’un projet est important pour la nation, y mettent les moyens et ont un but clairement défini, ça peut aller très loin. C’est par exemple le gros de l’histoire de la conquête spatiale. Là aussi, on a su aller vite quand on s’en est donné les moyens.

L’un des problèmes de l’informatique, c’est que les pouvoirs publics n’ont jamais l’air d’avoir compris l’importance de maitriser ce genre de technologie, et tout reposer sur une poignée d’acteurs principalement américains. La Chine et, il me semble, la Russie, développent des compétences pour maitriser toute la chaine informatique en interne (jusqu’à l’électronique et la production de processeurs), mais je crois que ce sont les seuls.

Indéniablement, c’est un gros problème politique : dans le cadre européen, chaque état veut une part de gâteau. Il n’y a qu’à imaginer les surcoûts de l’organisation d’Airbus, qui a dû développer un gros porteur juste pour trimbaler les morceaux de fuselage, et je passe sur les problèmes d’accès au site de Toulouse ….

Mais c’st aussi des problèmes de management. Le datacenter d’Orange est probablement bien fait au plan technique, mais (au moins il y a 5–6 ans) la production des services était une usine à gaz (j’espère que ça a évolué), alors qu’à la même date, OVH avait mis au point un process très fluide.

Au delà des aspects techniques et management, il y aussi les aspects marketing. Avec une offre mal fichue au départ, les services ne remportent pas l’adhésion, l’entreprise patine au lieu de se développer.

Dans le même genre, mais pas pour les mêmes causes, on a vu aussi foirer le projet de moteur de recherche franco-allemand.

Dans le cadre franco-français, il y a l’espace santé, ave des promesses alléchantes, à condition de pouvoir s’y inscrire, et ensuite d’y avoir accès. Un projet lancé en 2004, et qui n’a pas encore fait ses preuves de confidentialité.

Je pense que ce qui manque, tant en France qu’en Europe, c’est l’esprit "start up". Au lieu de cela, nous préférons une jungle administrative et décisionnelle.

Mais dans cette optique, il ne faut pas non plus en faire trop, j’en veux pour exemple les EUA qui ne savent plus faire décoller les nouvelles grosses fusées, à mon avis du fait qu’ils sont all"s trop loin dans l’esprit "stzart up".

Pour en revenir au Cloud Souverain, on aurait dû soutenir OVH après le décollage pour qu’ils aient des datacenter bien sécurisés. Mais ce n’est pas eux qui étaient bien vus à l’époque, c’était Orange+Capgemini.

:ange: Rappel : depuis Tchernobyl, nous savons que les nuages ne passent pas nos frontières !

+0 -1

En France (Europe ?), est-ce qu’il existe des acteurs techniques assez compétent pour relever les défis techniques ?

Merci d’avance pour les retours.

firm1

Thales et Google ont annoncé il y a quelques mois une joint venture S3NS pour proposer un cloud souverain français : https://www.s3ns.io/
Le site parle de cloud de confiance s’inscrivant dans la stratégie nationale pour le cloud. Je suppose que c’est leur version du cloud souverain…

Thales a d’ailleurs déjà monté une plateforme cloud Thales Trustnest Platform (dont une partie est conçue pour la défense). On peut espérer qu’ils savent à peu près ce qu’ils font…

Par contre, ce qui est inquiétant, c’est que Thales n’a pas l’air au point en termes de sécurité cloud : https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-cyberattaque-contre-thales-lockbit-publie-des-donnees-85485.html

Merci pour vos retours à tous.

Donc si je résume un peu, on fait surtout face à un problème politique qu’à un problème technique. Coté politique, on est loin de l’esprit "start up", ce qui a certes des avantages (chacun peut avoir sa part du gâteau, esprit fédérateur, maitrise des données, etc.) mais aussi ses inconvénients (lenteur, risque de voir le projet ne jamais aboutir si on arrive pas à se mettre d’accord, etc.).

D’ailleurs comme le signale @Mzungu, si Thales s’est associé avec Google pour son "cloud", ça veut dire qu’ils ont compris que le fameux Cloud souverain restera une utopie ? ça ressemble a un aveux d’échec.

La Suisse semble avoir (d’après les liens de @WinXaito) compris très tôt la blague.

Donc on peut en conclure que finalement il n y avait pas de réelle volonté de faire aboutir le projet ? Et qu’on a juste dépensé de l’argent public dans le vide ?

Mais dans cette optique, il ne faut pas non plus en faire trop, j’en veux pour exemple les EUA qui ne savent plus faire décoller les nouvelles grosses fusées, à mon avis du fait qu’ils sont all"s trop loin dans l’esprit "stzart up". :ange: Rappel : depuis Tchernobyl, nous savons que les nuages ne passent pas nos frontières !

etherpin

Ça dépend de laquelle tu parles. La SLS c’est à peu près l’inverse de l’esprit « start-up », quoi qu’on puisse mettre dedans, c’est l’interventionnisme de l’état à mort (et sans doute trop, d’ailleurs). Le starship, c’est l’excès inverse : on développe et teste tout en même temps très vite, et advienne que pourra – quitte à prendre des retards idiots parce qu’on a ignoré une fois de trop les autorités de contrôle, qui ont donc serré la vis.

Sur qui compter ?

En France (Europe ?), est-ce qu’il existe des acteurs techniques assez compétent pour relever les défis techniques ?

Merci d’avance pour les retours.

firm1

Sur la partie politique j’ai pas spécialement de réponse ou d’avis à partager.

Maintenant, je connais au moins deux acteurs français qui ont clairement une stratégie produit « Cloud ». Scaleway Elements (FR) a un catalogue de produits « cloud » qui ne cesse de grandir au point qu’une infra purement Scaleway est envisageable pour certains projets là où avant seul AWS (ou GCP ou Azure) le permettait. Et bien entendu OVH (FR), déjà cité, qui semble suivre le même chemin.

Ces deux cloud providers s’étendent physiquement légèrement en dehors de la France, mais sans être au niveau d’un AWS/GCP/Azure sur leurs points de présence à travers le monde. Les catalogues sont aussi bien plus petits, mais je dirais que le principal y est pour la plupart des projets modernes. Enfin, quant à la qualité et stabilité des services, ça a l’air très dépendant d’un produit à l’autre et même les plus grands ne se sont pas montrés tout-à-fait irréprochables là-dessus.

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