Notion de tribu

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

Bonjour,

Cette année, notre prof de probas nous a introduit la notion de tribu de la façon suivante.

On considère une expérience aléatoire, comme un lancer de dé. On suppose connaître l'ensemble des issues (ou éventualités) possibles, appelé ensemble fondamental et noté $\Omega$. On définit un évènement comme un ensemble d'éventualités, donc comme une partie de $\Omega$.

Les évènements étant des ensembles, on peut effectuer des opérations dessus. Ce que l'on souhaite, c'est qu'une union d'évènements en soit un, tout comme le complémentaire d'un évènement dans $\Omega$. De plus, on souhaite qu'une union dénombrable d'évènements en soit un.

En somme, l'ensemble des évènements doit être stable par passage au complémentaire et par union dénombrable. On parle alors de tribu.


Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on a considéré un ensemble fondamental, $\Omega$, puis défini les évènements comme ses parties. Or il me semble clair que l'ensemble des parties de $\Omega$ est une tribu. Je ne comprends donc pas à quoi sert cette notion, où interviennent ces restrictions sur la passage au complémentaire et sur l'union dénombrable.

Merci.

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La notion de tribu est de fait peu intéressante dans le cadre d'une expérience discrète.

Quand on s'intéresse aux probabilités continues, en revanche, les tribus correspondent (intuitivement) aux ensembles mesurables, ceux pour lesquels on peut définir la probabilité de survenir.

La construction classique (la tribu des boréliens de $\mathbb{R}$, et ce n'est pas un titre de heroic fantasy) consiste à prendre les intervalles fermés ($[a;b], [a;+\infty], \dots$), à clore par passage au complémentaire et par union dénombrable.

Ces constructions sont effectivement assez puissantes : tout ensemble que tu peux décrire correspond à une construction de ce style (par exemple, $\mathbb{Q}$ est dedans trivialement : c'est une union dénombrable de singletons). Sous l'hypothèse de l'axiome du choix, il existe cependant des ensembles qui n'en font pas partie.

Comme application rigolote, il y a le paradoxe de Tarski Banach, qui explique que tu peux couper une sphère en 5 morceaux, leur faire subir des translations / rotations, et construire avec deux sphères de dimension identique à la première. Si les morceaux étaient mesurables, ce serait impossible (parce que les transformations décrites conservent le volume, et que le volume a changé). Ce n'est possible que si on autorise à couper en des ensembles non mesurables.

Pour aller plus loin : on peut démontrer, sous l'axiome du choix, que $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ est non mesurable.

Edit : ah oui, et sur la distinction évènement / ensemble mesurable. S'il existe un ensemble non mesurable (ie qui n'est pas dans la tribu), il s'agit quand même d'un évènement. C'est juste que parler de sa probabilité de survenir n'a pas de sens.

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C'est un peu comme la notion de topologie (d'ailleurs ces deux notions sont très proches). Tu peux toujours prendre le cas trivial où tu prends l'ensemble des parties, mais c'est pas très intéressant.

Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on a considéré un ensemble fondamental, $\Omega$, puis défini les évènements comme ses parties.

Vayel

Ton incompréhension vient peut-être du fait que ce sont seulement quelques parties que l'on considère et pas toutes.

Ton incompréhension vient peut-être du fait que ce sont seulement quelques parties que l'on considère et pas toutes.

Ah ! Et pourquoi ne pas toutes les considérer ? Quel est l'intérêt de former une tribu, c'est-à-dire de ne conserver que certains évènements ?

Je pense que mon incompréhension vient également du fait que j'ai du mal à assimiler la notion d'ensemble fondamental abstrait. En effet, si on considère par exemple deux dés et qu'on regarde le résultat de notre lancer, on peut prendre $\Omega = \lbrace (i, j), 1 \leq i, j \leq 6 \rbrace$, mais aussi prendre un espace probabilisé $(\Omega, \mathcal A, P)$ et travailler avec des variables aléatoires représentant le résultat de chaque lancer. Or je ne comprends pas trop l'intérêt de la seconde option.

Merci.

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Je pense que mon incompréhension vient également du fait que j'ai du mal à assimiler la notion d'ensemble fondamental abstrait.

Normal, ça veut pas dire grand chose. En revanche, bien savoir poser $\Omega$ est important mais dans la majorité des cas :

  • soit $\Omega$ est fini ou dénombrable et tu prends la tribu discrète ;
  • soit $\Omega$ est plus gros (comme $\mathbf{R}$) et il faut prendre une tribu moins grosse.

Ah ! Et pourquoi ne pas toutes les considérer ? Quel est l'intérêt de former une tribu, c'est-à-dire de ne conserver que certains évènements ?

Vayel

Si tu fais par exemple une mesure (disons une taille). Tu obtiens un encadrement d'un nombre réel : un truc de la forme $a\pm b$ avec $a,b$ réels et $b$ petit (c'est ton incertitude). Et bien l'événement associé est une boule centrée en $a$ et de rayon $b$. Tu n'auras jamais $b=0$ et donc ta tribu sera moins grosse que $\mathcal{P}(\mathbf{R})$ puisque les singletons n'y seront pas.

C'est peut-être bof, mais c'est l'exemple le plus simple que je vois.

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Ah ! Et pourquoi ne pas toutes les considérer ? Quel est l'intérêt de former une tribu, c'est-à-dire de ne conserver que certains évènements ?

Dans de nombreux cas l'ensemble des évènements est trop gros, ou trop malaisé à manipuler (et parfois sans intérêt). Travailler sur l'ensemble des parties de $\Omega$ est alors prohibitif.

L'intérêt de travailler avec une tribu c'est de d'avoir quelque chose de plus simple que $\mathcal{P}(\Omega)$ tout en ayant toutes les hypothèses dont on a besoin qui soient vérifiées :

l'ensemble des évènements doit être stable par passage au complémentaire et par union dénombrable

Après, tu demandes des exemples.
Bon, en voici un, "maison", je ne vous promet pas qu'il est correct (s'il est faux corrigez moi) :

Tu considères une cible. Tu lances des fléchettes sur cette cible, et la zone touchée par la fléchette est assimilée à un point. On suppose que tout les tirs de fléchette atteignent la cible, et que la distribution de probabilités est uniforme.
On peut arbitrairement découper notre cible en $n$ régions. On aurait alors pour évènements : "la fléchette touche la région n°$i$" avec une probabilité proportionnelle à la surface de la dite région. L'ensemble de ces évènements forme bien une tribu : stable par passage au complémentaire et par union dénombrable (union finie en l’occurrence).
En revanche, la probabilité de toucher un point est difficile à définir : la surface d'un point étant nulle la probabilité de l'atteindre serait théoriquement nulle elle aussi. Pourtant à chaque lancée ta fléchette atteint un point (c'est ainsi qu'on a défini notre fléchette : un point pris au hasard dans la surface couverte par la cible), qui comme tout les autres avaient une probabilité nulle d'être atteint et qui, pourtant, a été atteint !
Mieux vaut travailler avec les évènements concernant les régions que les évènements du type "la fléchette a atteint le point de coordonnées $(x_i, y_i$)".

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Je pense qu'il y a une grosse confusion, Algue-Rythme.

Avoir des ensembles de mesure nulle ne pose aucun problème.

La raison pour laquelle on parle de tribu plutôt que de sous-ensemble, c'est qu'on ne sait simplement pas définir de mesure correcte sur tout $P(\Omega)$, alors qu'on sait le faire pour tout élément d'une tribu (par définition de la tribu).

D'ailleurs, ça n'a rien à voir avec la cardinalité, vu que la tribu de Lebesgue a même cardinal que $P(\mathbb{R})$.

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la pointe de la flèche n'est pas de mesure nulle

Même si le problème est formulé de façon "physique" ça n'est qu'un enrobage, j'assimile effectivement ma pointe à un point du plan (un point au sens mathématique du terme, même si ça n'est pas possible physiquement). Et mon point est bien de mesure nulle, non ?

J'y connais rien en théorie de la mesure, je viens de faire 2-3 recherches à l'arrache, il se peut que je me trompe.

La raison pour laquelle on parle de tribu plutôt que de sous-ensemble, c'est qu'on ne sait simplement pas définir de mesure correcte sur tout P(Ω), alors qu'on sait le faire pour tout élément d'une tribu (par définition de la tribu).

Du coup, je vais moi aussi me mettre à demander des exemples : t'as un exemple simple de truc non mesurable (à part $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ dont la démonstration ne semble pas être triviale) ?

Bah non, justement. Déjà, il faut l'axiome du choix pour dire qu'il existe un ensemble non mesurable. Et tout ensemble qu'on sait décrire avec les termes classiques est mesurable (dans la tribu de Lebesgue) par la manière même dont on le décrit.

$\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ est, il me semble, l'exemple canonique. Je crois que la démo n'est pas si difficile (si ça avait une mesure, elle serait nulle, mais si elle est nulle alors la mesure de $\mathbb{R}$ serait nulle).

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Bon, en fait, il y a quelques confusions dans ce que j'ai raconté, donc reprenons :

  • la tribu des boréliens, de cardinal $\mathbb{R}$ (pas facile à montrer) est obtenue en prenant les ouverts, et en cloturant par passage au complémentaire et réunion dénombrable. Elle contient déjà pas mal d'ensemble, mais il existe forcément des ensembles non boréliens, par cardinalité.

  • la tribu de Lebesgues est la tribu complétée des boréliens : on rajoute tous les sous-ensembles d'ensembles de mesure nulle. Cette tribu a pour cardinal $\mathbb{R}$, et il faut l'axiome du choix pour dire qu'il existe un ensemble non-mesurable (par exemple, il faut l'axiome du choix pour construire $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$).

Dans les deux cas, l'intérêt de parler de ces ensembles plutôt que de tout $\mathcal{P}(\mathbb{R})$ est qu'il est possible de définir facilement une mesure qui respecte les règles habituelles (union disjointe, mesure de $\emptyset$).

Dès qu'on est sur un univers $\Omega$ dénombrable, cet intérêt s'évapore, et toute tribu qui contient les singletons de $\Omega$ est en fait $\mathcal{P}(\Omega)$.

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Je veux pas dire, mais j'ai l'impression que vous faites des réponses plus compliquées que la question… Il parle d'une introduction aux statistiques et vous lui parler de théorie de la mesure et de tribu des boréliens. Vous n'avez pas un peu plus simple et intuitif en stock ? ^^

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Je veux pas dire, mais j'ai l'impression que vous faites des réponses plus compliquées que la question… Il parle d'une introduction aux statistiques et vous lui parler de théorie de la mesure et de tribu des boréliens. Vous n'avez pas un peu plus simple et intuitif en stock ? ^^

Demandred

Ce ne sont pas des statistiques là.

Cette année, notre prof de probas nous a introduit la notion de tribu de la façon suivante.

Vayel

edit : d'ailleurs si Vayel pouvait réagir pour guider les prochaines réponses, ça serait pas inutile.

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La tribu des boréliens est la tribu engendrée par les ouverts. C'est une tribu raisonnable car elle permet de mesurer beaucoup de choses — en fait, elle permet de mesurer tous les éléments de la topologie, ce qui est assez naturel comme attente. Une autre façon de voir la tribu des boréliens, qui est tout à fait équivalente, est de la comprendre comme la tribu engendrée par la topologie, i.e. la plus petite tribu contenant tous les ouverts.

Sur cette tribu, on définit une mesure, appelée la mesure de Lebesgue, qui coïncide sur les intervalle à la longueur. Il est difficile de montrer que c'est la seule mesure stable par translation qui vérifie cette propriété. Le problème est que pour la tribu des boréliens, certains ensemble négligeables (un ensemble est dit négligeable s'il est inclus dans un ensemble mesurable de mesure nulle) ne sont pas mesurables.

Du coup, on considère une autre tribu, plus grosse, engendrée par les boréliens et tous les ensembles négligeables de la tribu borélienne. Cette tribu est beaucoup plus grosse, car elle est notamment indénombrable. Mais on peut faire plus de choses avec, car tous les négligeables sont mesurables.

En outre, on n'utilise pas la tribu des parties de $\mathbb R$, parce qu'on ne sait pas définir dessus une mesure qui serait équivalente à la mesure de Lebesgue. En gros, on ne sait rien faire de « raisonnable » d'un point de vue de la mesure, si on prend toute les parties de $\mathbb R$. C'est un peu comme pour la topologie : on pourrait mettre la tribu des parties de $\mathbb R$, mais c'est beaucoup trop gros et toute fonction serait continue, ce n'est pas très satisfaisant.

$\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ est, il me semble, l'exemple canonique. Je crois que la démo n'est pas si difficile (si ça avait une mesure, elle serait nulle, mais si elle est nulle alors la mesure de $\mathbb{R}$ serait nulle).

Mouton

Non seulement $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ est Lebesgue mesurable, mais c'est un borélien. En effet $\mathbb{Q}$ est borélien de mesure nulle en tant qu'union dénombrable disjointe de singletons. Par complémentaire $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$ est borélien de mesure infinie.

par exemple, il faut l'axiome du choix pour construire $\mathbb{R}/\mathbb{Q}$).

Mouton

C'est également faux, puisque les deux manières classiques de construire les réels (coupures de Dedekind, et complété par les suites de Cauchy) ne font à aucun moment intervenir l'axiome du choix.

Pourquoi maladroitement ? Je n'ai jamais vu utiliser l'opérateur $/$ pour une différence d'ensemble (contrairement à $\backslash$, par exemple), et je l'utilisais ici dans sa signification première : un quotient. Ma notation est d'ailleurs utilisée assez spontanément dans l'article que tu pointes…

D'ailleurs, s'il y avait ambiguité, il était possible de me poser la question plutôt que de supposer que ma réponse était grossièrement fausse (et comme c'est l'exemple qu'on trouve partout, par exemple sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribu_de_Lebesgue#Ensembles_non_mesurables , je doute que quiconque ait regardé un jour de la théorie de la mesure puisse ne pas comprendre ce que je voulais dire, mais bref). Je suis impressionné de voir que ce post qui me reprend aussi agressivement récupère deux pouces verts.

– Mouton

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