Cet article fait partie d’une série d’articles sur le RER de la région Île-de-France (RER A, RER B et RER D).
Je tiens à remercier Franklin Jarrier et son site carto.metro.free.fr pour m’avoir autorisé à utiliser sa carte consacrée au RER. N’hésite pas à consulter son site, il y a plein d’autres cartes intéressantes, notamment le métro de Paris.
Merci également à Aabu pour ses retours de validation, ainsi qu’à zeqL, lama en chef et premier validateur. Enfin merci à tous ceux qui ont fait des retours, dont Titi_Alone.
Si les études menant à la création du RER prévoient la création des transversales Est-Ouest et Nord-Sud, une transversale sur la rive gauche de la Seine est aussi de la partie.
- Cette ligne doit réutiliser des tronçons existants pour former une transversale au cœur de Paris, afin de limiter les coûts.
- Elle va permettre une diffusion des voyageurs sur tout le tronçon grâce à ses multiples correspondances.
- Elle va être la première gérée intégralement par la SNCF.
- Elle va être horriblement lente, mais ça, ça n’était pas voulu à l’origine.
Vous l’avez bien compris, on parle bien du RER C. Démarrons la leçon d’histoire pour comprendre comment cette ligne est devenue la quatrième par sa fréquentation et pourquoi elle a acquis son surnom de « pieuvre ».
RER C : une pieuvre à 7 branches
La ligne des Invalides à Versailles-Rive-Gauche
L’histoire du RER C remonte à loin, très loin. En fait, une partie de la ligne C actuelle est l’ancienne ligne des Invalides à Versailles-Rive-Gauche, ouverte, par tronçons, à partir de 1840 ! C’est donc une des toutes premières lignes ferroviaires franciliennes.
Elle n’ouvre pas directement en entier mais commence par une section de Versailles à la gare Montparnasse. Mais la desserte des Invalides, la ligne qui nous intéresse, n’est réalisée qu’en 1867, provisoirement, pour l’exposition universelle ; le tracé ne deviendra définitif à la fin de l’année 1877. La ligne se termine alors à Issy-Val de Seine.
Mais voilà, le trafic banlieue augmentant petit à petit, la Compagnie de l’Ouest se trouve dans une situation qui ne lui plaît pas. La gare Saint-Lazare est limitée dans ses flux par un goulet d’étranglement de seulement 6 voies et la gare Montparnasse a un débit tout aussi limité car exiguë. Une solution pour écouler tous ces voyageurs pressés est une nouvelle ligne qui partira de la gare des Invalides, sous-exploitée, puis rejoindra Versailles-Château en mai 1902, après avoir été prolongée en 1901 à Meudon-Val-Fleury.
Si tu as du mal à visualiser, tu peux t’aider de la carte du RER de Franklin Jarrier pour mieux comprendre.
La ligne de Quai-d’Orsay à Paris-Austerlitz
Cette ligne a été créée pour l’exposition universelle de 1900 (diantre, que d’expositions universelles à Paris en ces temps-ci). Elle consiste simplement à prolonger les trains arrivant à la gare d’Austerlitz (appelée à cette époque gare d’Orléans car appartenant à la compagnie du Paris-Orléans). Les trains sont en provenance de Dourdan et de Étampes, ainsi que de Massy-Palaiseau par Choisy-le-Roi.
Pour la précision, sachez que la gare de Dourdan voit passer quelques trains en directions de Dourdan - La Forêt, sur voie unique ; Étampes est également, à partir de 1970, reliée par une voie unique à la gare de Saint-Martin d’Étampes, sur la voie impaire, pour permettre le retournement des trains sans cisailler sauvagement les voies TER et autres Intercités.
Distantes de moins d’un kilomètre, ce serait vraiment bien de les relier, parce que les gares terminus, c’est pénible, il faut retourner les trains.
La jonction et l’inauguration
Dans les années 1970, la SNCF voyant la RATP, qui semblait bien s’amuser avec son nouveau métro régional, se dit qu’elle aimerait bien en avoir un à elle. Ça tombe bien parce que le plan d’aménagement édité en 1972 prévoit la création d’une transversale. Mais pour ça, il va falloir creuser un tunnel et enfin relier ces deux gares.
Mais les travaux ne consistent pas à bêtement creuser puisque c’est toute la ligne de Versailles aux Invalides qui est modernisée, avec réélectrification en 1500 volts par caténaire en lieu et place du 750 volts par troisième rail, ainsi qu’un renouvellement voie et ballast, réfection des ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs) et allongement des quais à 220 mètres.
Finalement, le 26 septembre 1979, on inaugure officiellement la jonction Musée Orsay - Invalides et la création de la Transversale Rive Gauche, qui devient en 1980 la ligne C du RER avec son prolongement de Versailles à Saint-Quentin-en-Yvelines - Montigny-le-Bretonneux (oui, c’est long à prononcer, mais le RER C aime bien les gares compliquées), en réutilisant les voies empruntées par les lignes N et U.
La création de la VMI
Mais cette ligne ne suffit pas à la SNCF. Elle veut, pour équilibrer le trafic (gros flux de la banlieue sud vers Austerlitz contre flux relativement faible pour la banlieue versaillaise), créer une branche qui desservira la banlieue nord en réutilisant plusieurs tronçons. Cette liaison s’appellera vallée de Montmorency - Invalides ou VMI.
Pour comprendre son origine, il faut savoir que le plan d’aménagement de l’Île-de-France prévoyait, en 1965, la création d’un RER reliant Saint-Lazare à Montparnasse en passant par Invalides (RER dont aurait bien besoin la gare Montparnasse, surchargée et accessible seulement par des métros tout aussi chargés). Mais dans les années 1980, ce projet était déjà annulé. Et comme il était prévu que la ville nouvelle de Cergy soit desservie par le RER A en empruntant les voies en provenance de Saint-Lazare (comme si bien expliqué dans l’article dédié), il ne reste que la vallée de Montmorency et notamment la gare d’Ermont - Eaubonne qui reste sans liaison RER.
Mais toujours dans une optique de réduire les coûts, la SNCF décide d’utiliser des infrastructures sous-exploitées : la ligne des Grésillons et la Petite Ceinture.
L’idée est bonne mais dérive rapidement. D’abord, la mairie de Paris réclame que les voies de la Petite Ceinture soient couvertes, soi-disant pour réduire le bruit (sachant que le tout sera recouvert de parking pour voitures). Après, c’est la commune de Saint-Ouen qui souhaite voir le RER en souterrain. Cela entraîne du retard et des coûts supplémentaires. Par exemple, la gare de Saint-Ouen se retrouve dans une cuvette, c’est à dire encadrée de deux fortes rampes qui limitent la vitesse des trains. La VMI devient ainsi une branche lente, limitée à 60 km/h voire 40 km/h, bien loin de la vitesse qu’on attend d’un réseau express.
Ainsi, le temps de parcours moyen pour Ermont - Champ-de-Mars est de 35 min pour 20 kilomètres, soit une vitesse moyenne de 35 km/h, à comparer aux 55 km/h sur le RER A.
Les coûts ont tellement dépassé le budget que la rénovation et la modernisation de la ligne des Grésillons se fait en amputant le budget banlieue et la construction de la gare de Place de Clichy est différée. De plus, de lourds travaux dans Paris, au niveau de la Petite Ceinture, doivent être entrepris pour dégager un gabarit suffisant pour deux voies, ce qui retarde encore plus le tout. Enfin, comme la région nord est électrifiée en 25.000 volts alternatifs contre 1.500 volts continus pour le tronçon parisien et le reste de la ligne, il va falloir acheter du matériel bi-courant.
Tant bien que mal, la SNCF met cette branche en service le 25 septembre 1988, avec comme terminus Montigny - Beauchamp et Argenteuil.
Des prolongements
Le RER C a vu, depuis 1992, des changements. D’abord, c’est l’intégration officielle de Austerlitz à Versailles-Chantiers via Massy-Palaiseau et Juvisy, à ne pas confondre avec la ligne via Massy-Palaiseau et Choisy-le-Roi.
Ensuite, le 28 août 2002, le RER C a un nouveau terminus septentrional en la gare de Pontoise en lieu et place de Montigny - Beauchamp. Cette dernière devient le terminus de toutes les missions originellement destinées à Argenteuil puisque le 27 août 2006, la branche Ermont - Argenteuil est supprimé du RER C et intégrée au réseau Saint-Lazare. Depuis, la ligne n’a pas bougé.
La ligne C en résumé
Après ces passages harassants dus aux histoires différentes des multitudes de tronçons que réutilise le RER C, place à une partie plus tranquille … ou pas.
La ligne C en carte
La ligne C est bien connectée au métro sur son tronçon central, offrant des correspondances avec 12 des 14 lignes de métros (toutes sauf la 7 et la 11, ainsi que les 3 bis et 7 bis, mais elles sont tellement petites qu’elles ne comptent pas), bien que certaines réclament de sortir de la gare pour atteindre la station de métro correspondante.
Par contre, elle n’est que peu connectée aux autres lignes du RER, puisqu’elle n’offre qu’une correspondance dans Paris, avec le RER B, à Saint-Michel - Notre-Dame et qu’une correspondance avec une autre ligne, le RER D, à Juvisy. Pour être vraiment exhaustif, sachez que le RER B et le RER C se croisent aussi aux gares de Massy-Verrières et Massy-Palaiseau.
Notons également que le RER C possède 16 arrêts intra-muros contre 18 pour toutes les autres lignes de RER réunies (une gare desservie par plusieurs lignes est comptée pour chaque ligne).
La ligne C en chiffres
- Environ 195 millions de voyageurs par an, soit 540 000 par jour, ce qui la classe en quatrième position.
- 531 trains par jour.
- 187 kilomètres de voies.
- 84 points d’arrêt.
- 10 terminus différents dont le plus éloigné à 57 km de Paris Austerlitz !
Le matériel roulant
La ligne C utilise une famille de matériels roulants à deux étages appelée Z 2N, qu’on retrouve également sur le RER D ainsi que d’autres lignes Transilien. Toutes les rames de cette famille peuvent se coupler avec d’autres, même si elles ne sont pas de la même série.
D’abord, il y a les Z5600, les toutes premières Z2N livrées dans les années 1980. Elles sont mono-courant 1500 volts continus, on ne peut donc pas les croiser sur la VMI. On peut les trouver aussi sur le RER D ou la ligne R.
Ensuite, premières Z2N bi-courant pour assurer la desserte de la VMI, je cite les Z8800. De même que leurs cousines du dessus, on peut les trouver, en plus du RER C, sur les Transiliens N et U.
Comme les Z8800 donnent satisfaction, la SNCF décide de passer commande d’un matériel semblable mais disposant des dernières innovations ferroviaires. Cela permet également d’anticiper le vieillissement du matériel roulant. Ainsi naissent les Z20500, qu’on retrouve sur les RER C et D ainsi que les lignes P et R.
D’ailleurs, pour savoir si une rame est affectée au RER C ou au RER D, il suffit de compter le nombres de caisses. Une rame à 4 caisses est affectée sur la première, une à 5 caisses sur la seconde.
Puis la technologie faisant son chemin, de nouvelles améliorations voient le jour et équipent la toute dernière génération, celle des Z20900. Parmi les innovations, il y a le dispositif de fin de soirée qui permet de neutraliser l’ouverture des portes des motrices, ne laissant ainsi que deux remorques ouvertes aux voyageurs, permettant de les regrouper. Il y a aussi les vitres teintées et la ventilation réfrigérée, ce qui n’empêche pas des gens de laisser les fenêtres ouvertes, ne comprenant manifestement pas que la ventilation du train ne refroidira pas l’air dehors.
Ces rames sont uniquement affectées au RER C. Donc si tu ne sais pas où tu es mais que tu en vois une passer, une gare de la ligne C n’est sans doute pas loin.
Une ligne complexe
Un tronçon central indigne
Eh oui, faire passer 24 trains par heure en pointe dans des tunnels centenaires, avec des gares très rapprochées, dans une infrastructure peu adaptée à un service intensif de banlieue, ce n’est pas l’idéal.
Ce constat est valable tant pour la VMI que pour le tronçon commun transversal. La vitesse n’est que de 60 km/h au maximum, avec des chutes à 40 km/h.
Bien entendu, des choses sont faites pour tenter d’améliorer la situation, comme l’installation d’une caténaire rigide aussi appelée profil aérien de contact, afin de dégager un peu de place dans le tunnel et éviter des chutes de caténaires qui prennent un temps fou à réparer.
Mais le plus gros chantier reste celui des travaux Castor.
Travaux Castor
Chaque été depuis 1996 / 1997, le trafic est interrompu pendant plusieurs semaines sur le tronçon central du RER C afin de procéder à de lourds travaux nécessaires pour plusieurs raisons.
- Les tunnels sont juste en dessous de la voirie dont la circulation automobile, inexistante en 1900, est très importante aujourd’hui.
- La Seine, par ses variations de hauteur, abime les fondations du tunnel.
- Le trafic ferroviaire est important depuis la création de la ligne, avec des centaines de trains par jour qui passent.
Les travaux consistent à injecter du ciment à haute pression dans le sol, opération appelée jet-grouting, ainsi qu’à consolider les parois avec une coque de béton. La vidéo suivante, produite par SNCF Réseaux, illustre bien ces travaux.
Saint-Michel - Notre-Dame
Cette gare du tronçon central est un véritable enfer à elle seule. Contrairement aux autres gares où le quai est à 55 cm du sol voire même 92 cm, ce qui permet un accès plain-pied au train, ici, le quai ne fait même pas 20 cm. Monter dans le train se transforme en escalade voire en enfer avec des valises, des enfants ou des poussettes.
De plus, les quais sont étroits et la gare est en courbe puis contre-courbe, ce qui empêche le conducteur de voir l’intégralité du quai, malgré la présence de caméras.
Enfin, alors que les gares d’Invalides, Musée d’Orsay, Austerlitz et Bibliothèque François Mitterrand sont toutes à quatre voies, Saint-Michel - Notre-Dame n’a que deux voies, ce qui réduit la souplesse de l’exploitation en cas d’incident.
La Seine
Le tronçon central est aussi très proche de la seine, ce qui, comme le prouvent la crue de début juin 2016, entraîne des inondations dans le tunnel. Si l’eau vient à monter au-dessus de 5,75m, elle inonde les voies entre Saint-Michel - Notre-Dame et Musée d’Orsay.
Pendant le mois de juin 2016 et malgré les précautions prises par la SNCF, le tronçon central a bel et bien été noyé et demande donc de pomper l’eau, attendre le séchage complet puis vérifier les installations et la sécurité avant de rouvrir la ligne.
Un trafic très chargé au sud de la ligne
Si la VMI est relativement tranquille, puisque elle ne partage ses voies qu’avec la ligne H entre Pontoise et Ermont-Eaubonne, le sud de la ligne est bien chargé, notamment à partir d’Austerlitz.
En effet, en plus des trains de la ligne C circulent des TER, des Intercités, des TGV et du fret, puisque la ligne C réutilise une partie de la ligne de Grande Ceinture très fréquentée par les trains de marchandises.
De multiples mesures sont envisagées pour remédier aux conflits de circulation et à la propagation des retards.
- Réaménager le nœud de Brétigny afin d’éviter des cisaillements des trains allant à Étampes ainsi que le fret par ceux allant à Dourdan. Est prévu également de mieux séparer les missions rapides des missions lentes terminus Brétigny.
- Répartir les trains de fret sur toute la journée au lieu de concentrer les circulations en heures creuses, ce qui empêche l’extension de la pointe pour les usagers de la C.
- Envoyer les missions en provenance de Dourdan et Étampes en gare d’Austerlitz surface. Cela permettra de réduire un peu le nombre de trains en circulation sur le tronçon parisien. De nouvelles voies ont été créées à Austerlitz dans cette optique.
- Solution lourde mais efficace : créer de nouvelles voies entre Austerlitz et Juvisy pour mieux séparer les différents flux.
- Et afin de garantir la solidité du tout, des travaux de renforcement de l’alimentation électrique ainsi qu’une modernisation de la signalisation sont prévus.
Réduction du nombre de branches
La ligne C, avec ses sept branches, est complexe à comprendre lorsqu’on n’est pas habitué, ce qui est le cas de beaucoup de touristes, nombreux sur cette ligne desservant de nombreux lieux et monuments.
Dans l’optique d’améliorer la situation, il est prévu de débrancher la section Versailles-Chantiers - Massy-Palaiseau via Juvisy et le transformer en tram-train, le Tram Express Sud, après prolongement jusqu’à Évry. Le tracé réutilisera ce qui est aujourd’hui le RER C puis s’en débranchera après la gare d’Épinay-sur-Orge pour passer en mode tramway jusqu’à son terminus oriental.
Les travaux débutent au premier semestre 2016.
Le RER C a été la première ligne du réseau gérée entièrement par la SNCF et son bilan est mitigé. Si la desserte de la banlieue sud est relativement efficace avec des vitesses élevées, celle de la banlieue nord via la VMI est catastrophiquement lente et rend le tracé peu attractif, encore plus depuis que toutes les missions de la branche nord sont omnibus. Le tronçon central est lui aussi lent.
Mais tout n’est pas noir. La fréquentation de la ligne le prouve. Elle offre notamment beaucoup de correspondances avec le métro ; seule une gare sur le tronçon parisien n’est pas en correspondance avec une ligne de métro ou de tramway. De plus, elle permet de visiter de nombreux monuments.
Cela ne doit pas faire oublier que les investissements doivent être conséquents et réguliers si la ligne veut offrir un service de qualité.