Quand je parlais de la Suède avant mon voyage ou à mon retour, on me ramenait souvent à sa météo. La Suède, ce pays resté coincé à l’ère glaciaire. Sur ma série de billets consacrés à la Suède, ce vaste sujet méritait bien que je lui en dédie un1.
Si vous avez loupé le précédent billet, rendez-vous ici.
J’ai vécu dix mois à Linköping, dans le sud du pays. Dix mois dont trois d’hiver, pendant lesquels j’ai vu se déferler le froid et la neige.
Alors pour casser les mythes tout de suite : oui, il y a eu pas mal de neige, mais il ne fait pas si froid !
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Enfin presque, j’en profite aussi pour divaguer sur certaines traditions. ↩
La neige étend son manteau blanc
Le mois de novembre avait été très pluvieux, je crois même qu’il n’y a pas eu un seul jour sans pluie.
Mais début décembre, la neige a fait sa première apparition et a remplacé la pluie.
Très vite, un voile blanc s’est déposé sur Linköping (et probablement une bonne partie du pays), qui perdura jusqu’au mois de mars.
Cette couche de neige persistante permettait de compenser au moins en partie le principal reproche que je fais à l’hiver suédois : la nuit.
Non pas que je n’aime pas la nuit, mais quand le soleil se couche vers 15h et qu’il fait nuit noire à 16, c’est peut-être un peu abusé !
Les lumières se réverbérant sur la neige atténuaient ainsi d’une lueur douce l’obscurité de la nuit.
Et bien heureusement la durée du jour n’est plus courte qu’en France que pendant 6 mois.
Le plus frustrant est peut-être de voir le soleil atteindre son zénith, mais surtout de constater qu’il ne dépasse pas la hauteur du bâtiment d’en face…
Les températures sont restées assez douces cet hiver-là, descendant rarement au-delà des -5°C. Je dois dire que je m’étais attendu à beaucoup moins.
Je me suis alors renseigné auprès de mes colocataires qui m’ont affirmé que les autres années étaient habituellement plus froides, et ça semblait effectivement être le cas quand j’ai consulté ensuite les historiques météorologiques.
Cette douceur explique sûrement les chutes de neige fréquentes qu’il y a eu tout le long de l’hiver.
Je me suis d’ailleurs plutôt plaint du chaud que du froid pendant cet hiver, la faute aux nombreux bâtiments surchauffés. Que ce soit l’université, les commerces, ou même ma chambre pour laquelle je ne pouvais régler le thermostat. Résultat des courses, je me retrouvais souvent à devoir ouvrir la fenêtre, en plein hiver.
En parlant de chaud, j’ai aussi pu à quelques occasions me soumettre à la tradition suédoise du sauna.
Certains immeubles de Ryd étaient en effet équipés de sauna dans leurs sous-sol, et il nous était possible de les réserver.
La tradition ici, c’est de quitter le sauna en plein milieu pour aller faire l’ange dans la neige.
Mais il faut dire que les emplettes faites plus tôt dans la journée au System bolaget, l’enseigne d’État qui a le monopole sur la vente d’alcool, aidaient à mieux appréhender ce plongeon dans la neige.
Un vélo dans le froid
Les premières chutes de neige, j’en ai fait connaissance alors que j’étais à vélo.
Je revenais du centre-ville et ne m’étais pas vraiment préparé à cela, il faisait beau en partant.
Mais d’un coup, le vent s’est levé et des petits flocons tranchants sont arrivés en abondance.
Je ne portais pas de gants, et je ne suis pas assez habile pour conduire un vélo les mains dans les poches.
J’essayais tant bien que mal de rentrer mes mains dans mes manches, mais les dix minutes de trajet ont été fastidieuses et j’ai regagné ma chambre avec les mains glacées.
Il était alors plutôt bienvenu de pouvoir les poser sur le radiateur inexorablement trop chaud.
Malgré cela, c’est mon vélo qui a le plus souffert du froid.
Il n’allait déjà pas très bien à la base, avec notamment le câble du dérailleur sectionné.
Mais le froid n’a fait qu’empirer la situation et très vite la chaîne s’est mise à dérailler à chaque trajet.
Je ne vous raconte pas comme il était agréable de se déporter sur le bas-côté et d’aller triturer la chaîne pleine de cambouis à travers des gants trempés, un vrai plaisir.
Je finirai par l’abandonner à la fin de l’hiver, en le laissant sans antivol sous un abri1. Il n’y a pas fait long feu et je plains beaucoup la personne qui en a pris possession.
En parlant d’antivol, lui aussi m’a donné du fil à retordre lors des températures négatives.
Il est en effet plutôt difficile d’insérer une clef dans une serrure gelée. À cela plusieurs solutions, convenables ou non.
Celle que j’ai adoptée est plutôt de chauffer la clef avec un briquet avant de l’insérer.
Mais il a suffi d’une fois, un soir en repartant de l’université, pour que je force un peu trop et casse la clef dans la serrure.
J’étais alors rentré à pieds et avais fait appel à un agent d’entretien le lendemain pour sectionner l’antivol.
Les serrures sont une chose, mais le gel provoquait surtout l’apparition de plaques de verglas sur les pistes cyclables. Il y avait notamment sur celle reliant Ryd à l’université un petit passage sous un pont qui ne voyait pas le soleil, et où les plaques persistaient donc toute la journée. Je m’en suis sorti sans une seule chute, mais je n’en étais parfois pas très loin.
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Et je terminerai l’année avec une bicyclette que me prêtait l’un de mes voisins. ↩
La fika
La fika n’a pas particulièrement à voir avec l’hiver, mais j’ai estimé que ce billet était la bonne occasion pour parler de ce phénomène typiquement suédois. « fika » c’est le verlan (ou presque) de « kaffe », et ça évoque donc une pause café. Mais loin d’être une simple pause, ça constitue une telle institution qu’il me fallait l’évoquer.
Au travail ou à la maison, c’est un moment convivial où l’on se retrouve autour d’une boisson chaude (tout le monde ne boit pas de café !) et de pâtisseries à déguster. Ce serait bien fade s’il n’y avait qu’à boire.
La Suède n’est pas une grande terre gastronomique1, mais on peut lui reconnaître les kanelbullar.
Le kanelbulle, littéralement « boule à la cannelle », ressemble au pain aux raisins de chez nous mais fourré d’un mélange beurre/cannelle et recouvert de perles de sucre.
Une autre pâtisserie dont j’ai fait connaissance en Suède, c’est la tarte au daim. Vous savez, le daim, cette friandise suédoise formée d’une plaque de caramel enrobée de chocolat. Et bien ils en font des tartes, et c’est très bon. En France, on peut notamment en trouver chez Ikea.
Dans notre corridor, la tradition était d’organiser une fika chaque dimanche en fin d’après-midi. C’est la personne en charge des tâches ménagères pour la semaine qui s’occupait aussi d’organiser ce goûter hebdomadaire. Comme nous venions tous d’horizons divers, ces rendez-vous étaient l’occasion de voyages culinaires intéressants.
Pour ma part, en tant que seul français de la colocation, j’ai voulu leur cuisiner chaque fois une spécialité différente du pays. J’avais peu touché à la pâtisserie avant cela, mais il m’a fallu me retrousser les manches pour préparer tarte tatin, choux à la crème ou kouign-amann. Pas toujours avec succès.
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À mes yeux du moins, mais j’en reparle plus bas. ↩
Noël avant l'heure
La féerie de Noël
Rien que le sproutch sproutch dans la neige en fait partie selon moi (le splotch splotch de fin de saison un peu moins en revanche).
Celle-ci s’est installée dans le corridor quand des bougies sont venues fleurir les espaces communs. Les bougeoirs étaient d’ailleurs assez… intéressants, puisqu’il s’agissait pour la plupart de cadavres de bouteilles de rhum ou de whisky.
Mais le plus féerique, c’est le sapin de Noël, décoré de bougies électriques, qui a pris place à côté du canapé. Les bougies sont très courantes ici pendant la période de l’avent, en référence à la Sainte-Lucie, une fête célébrée le 13 décembre où des jeunes filles défilent avec une couronne de cierges sur la tête.
Noël au corridor, c’est aussi un repas. Celui-ci avait lieu une semaine avant le jour J car nous rentrions ensuite pour la plupart dans nos familles respectives.
Ce dîner faisait écho au kräftskiva (festin d’écrevisses) qui avait eu lieu fin août, où nous nous étions tous retrouvés pour un repas commun.
Ici, pas d’écrevisses mais différentes spécialités suédoises préparées pour l’occasion : köttbullar, gratin de pomme de terre aux harengs, crumble de pommes à la cannelle, etc.
J’ai heureusement échappé au surströmming, cette infâme préparation de hareng fermenté.
Le mois de décembre, enfin, est aussi le mois du marché de Noël.
À Linköping, il a lieu dans la vieille ville. C’est un quartier assez particulier parce qu’il n’est pas le centre historique de la ville.
Il est en fait constitué des anciennes bâtisses de la ville qui y ont été déplacées, plutôt que détruites, quand les quartiers neufs ont été construits. Il se compose donc de typiques maisons suédoises de bois rouge. Un cadre sympathique pour le marché de Noël.
À part ça, c’est un marché qui ressemblait beaucoup à ceux que je connaissais : avec ses confiseries, ses figurines de bois, ses pulls de laine, etc. Sauf que ça sent un peu moins le saucisson et un peu plus le poisson séché.
Détour en France
Je ne devais pas à la base rentrer en France pour les fêtes. Il était plutôt prévu que ce soit ma famille qui me rejoigne et que nous passions Noël en Suède. Des conflits d’emploi du temps en ont fait autrement, et je me suis donc retrouvé début décembre à envisager les solutions possibles pour me rendre en France.
Je pensais alors prendre l’avion avec Air France entre Stockholm et Paris, comme je l’avais fait à l’aller, en allongeant le trajet de part et d’autre avec du train. Mais à l’approche de Noël, les prix des billets s’étaient envolés, et je ne me voyais pas dépenser une fortune juste pour passer les fêtes en famille.
J’étais prêt à abandonner quand on m’apporta la solution : un vol Ryanair le 22 décembre entre Nyköping et Beauvais. D’un côté, je pouvais rejoindre Nyköping (une petite ville entre Stockholm et Linköping) en bus, et de l’autre je pouvais prendre une navette entre Beauvais et Paris, un métro jusqu’à la gare de l’Est, puis un train jusque Nancy.
Bon, avec tous ces moyens de transport et correspondances j’en avais pour 13h de trajet (et c’est sans compter la voiture en bout de chemin pour aller jusque chez mes parents), mais ça ferait l’affaire.
Ces vacances étaient aussi l’occasion de revoir quelques amis, eux aussi à l’étranger pour un an et qui revenaient dans le coin pour les fêtes, ou encore de régler quelques formalités administratives comme une demande de procuration pour les élections européennes qui approchaient.
Le 7 janvier 2014, j’ai repris le chemin inverse depuis Nancy, pour être de retour dans mon lit de Linköping le soir.
Et de trois ! Trois billets maintenant, la moitié de la série, qui retracent mes premiers mois en Suède.
Vous pensiez que c’était tout pour la neige et le froid ? Que nenni ! Dans le prochain billet, je vous parlerai de mes vacances dans le grand Nord, en Laponie.