S'isoler quelque temps de la société ?

Dernièrement, je me suis demandé :

Et si je m’isolais quelque temps de tout contact social ?

Entendons-nous : par « quelque temps », je veux dire une à deux semaines. Il n’est pas ici question de devenir un ermite jusqu’à la fin de mes jours, du moins pas dans un premier temps. Par isolement, je fais mention à une vie solitaire au beau milieu de la nature, sans contact humain de quelle nature que ce soit.1

Là, vous me prenez peut-être pour un fou. Peut-être vous dites-vous que je cherche à fuir quelques problèmes. Détrompez-vous, tout cela est raisonné et a des objectifs bien définis :

  • Optimiser mon temps ;
  • Développer mon autonomie.

Optimiser mon temps

Partons du postulat suivant :

Mon temps est précieux.

Or un moyen de perdre son temps est de ne pas s’en rendre compte, de verser dans la routine, de suivre ses automatismes. Par exemple, il est possible de se persuader que regarder la télé tous les soirs est indispensable à notre bonheur et de prendre conscience du contraire en découvrant une autre activité. Ce que je souhaite alors, c’est déterminer les éléments superflus de ma vie pour me concentrer sur l’essentiel. J’envisage deux approches.

L’approche descendante consiste à partir d’où je suis et à déterminer progressivement les éléments à expulser. Elle permet d’opérer un changement en douceur. Seulement, elle est sujette au biais psychologique de l’aversion à la perte : nous accordons une importance excessive à ce que nous possédons (que ce soit un objet, une habitude, une pensée…). Par exemple, vous pourriez refuser de m’acheter mon vélo pour 50 euros tout en refusant, si vous le possédiez déjà, de me le vendre pour cette somme : dans le premier cas, vous pensez qu’il ne vaut pas le montant, dans le deuxième si. Difficile alors de faire la part des choses entre l’essentiel et le superflu avec lucidité.

La démarche ascendante est inverse : se séparer de tout et intégrer progressivement ce qui parait indispensable. Clairement, le changement est plus brutal et le risque plus grand. D’où mon compromis : simuler une telle rupture en partant s’isoler quelque temps. Il faut juste garder en tête le contexte adouci par rapport à une rupture réelle : il est plus facile d’apprécier son isolement quand on a un plan de secours. Pour contrer ce biais, il est possible d’augmenter progressivement la durée de l’expérience : deux semaines puis un mois puis trois mois… plutôt que de tout lâcher au bout de deux semaines satisfaisantes.

Développer mon autonomie

Nous partageons tous cette observation :

Nous sommes la personne avec qui nous passons le plus de temps.

Il me paraît donc important d’apprécier ma propre compagnie. Plus encore, dépendre des autres pour atteindre ses objectifs (par exemple, le bonheur) introduit trop de vulnérabilité dans ma vie. J’attache donc de l’importance à ma capacité à me suffire (le plus possible) à moi-même. En m’isolant de la société, je m’éduque : je peux constater comment je réagis face à la solitude ainsi qu’apprendre à la supporter (puisque j’y suis contraint).

En outre, je suis curieux d’observer ce que je vaux en dehors du cadre social, de mes petites habitudes, du confort matériel et émotionnel (ma famille, mes amis), etc. Par exemple : puis-je faire une chose pour elle-même ou me faut-il un retour positif (reconnaissance, admiration…) de la part de mon environnement ? Puis-je me contenter du moment présent ou ai-je besoin de mon jus d’orange pressé le matin pour être heureux ? Suis-je soumis aux normes sociales, temporellement et spatialement locales, pour donner un sens à ma vie2 ou suis-je en mesure de m’affranchir de ces… futilités ?3

Enfin, je souhaite mettre au défi mon mental : avec tout ce temps libre, est-il capable de produire des pensées intéressantes, de clarifier celles qu’il a au quotidien, de faire preuve de créativité… ?


  1. Je ne me suis pas encore interrogé sur les détails techniques mais il se peut que je m’autorise à faire des courses au village le plus proche. 

  2. Nihilistes, manifestez-vous dans les commentaires. 

  3. Notez que le raisonnement aide à déterminer de quel côté du « ou » il est préférable de se positionner. Seulement, il ne permet à priori pas de répondre à la question « en suis-je capable ? ». 



Il va de soi que je ne prétends pas dire des choses intéressantes. Je souhaitais simplement mettre mes pensées sur le papier pour les clarifier.

Vos commentaires sont évidemment les bienvenus. N’oubliez simplement pas de distinguer le propos théorique (les objectifs à atteindre) de la solution pratique envisagée.

35 commentaires

J’ai du mal à me concevoir que la vie n’a aucun sens si elle est possible. Ce sont à mon avis ce que les gens font de leur vie qui "n’a aucun sens", si c’est une affaire de perturber délibérément un équilibre culture/nature qui est essentiel selon moi pour la survie de notre espèce.

Exemple Elon Musk

ça donne un sens à la vie, je crois…

Je crois qu’il ne faut pas confondre "le sens de la vie" et "donner un sens à sa vie".

Sinon pourquoi les espèces seraient-elles mues d’un instinct de reproduction ? Pourquoi certaines espèces cherchent à se reproduire à tout prix au point d’en mourir ? Je ne parle plus des êtres humains et des autres espèces qui copulent pour le plaisir, mais bien par instinct de survie.

Ge0

Parce que ceux qui ne se reproduisent pas n’ont pas de descendant et donc l’espèce s’éteint ?

+2 -0

Je crois qu’il ne faut pas confondre "le sens de la vie" et "donner un sens à sa vie".

Justement. Si question de sens il y a, je pense qu’elle se pose sur le sens de la vie des gens plus que sur le sens de la Vie avec un grand V.

Parce que ceux qui ne se reproduisent pas non pas de descendant et donc l’espèce s’éteint ?

Non.

Ce sont à mon avis ce que les gens font de leur vie qui "n’a aucun sens"

Personnellement j’ai exactement le point de vue opposé : la vie elle-même n’a aucun sens, mais les gens vivent leur vie de façon à lui en donner un, à leurs yeux ou à ceux des autres.

Je citais le Mythe de Sisyphe de Camus dans ce billet, et c’est exactement sa signification. La vie elle-même est symbolisée par le cycle de Sisyphe qui pousse son rocher jusqu’en haut de sa montagne pour… le laisser retomber et tout recommencer, perpétuellement. En soi, ce cycle n’a aucun sens et ne sert à rien, c’est un châtiment, un travail vain et absurde, mais Camus considère que du moment que Sisyphe a reconnu l’absurdité et le caractère immuable de son existence, alors il peut parvenir à l’accepter et lui donner un sens. Il conclut sur cette phrase célèbre : « il faut imaginer Sisyphe heureux ».

+3 -0

En soi, ce cycle n’a aucun sens et ne sert à rien, c’est un châtiment, un travail vain et absurde, mais Camus considère que du moment que Sisyphe a reconnu l’absurdité et le caractère immuable de son existence, alors il peut parvenir à l’accepter et lui donner un sens. Il conclut sur cette phrase célèbre : « il faut imaginer Sisyphe heureux ».

nohar

Je ne comprends pas la partie en gras. Je veux bien admettre qu’accepter la nature de l’existence nous rende heureux, mais en quoi cela lui donne-t-il du sens ?

Peut-être que le sens de la vie, c’est de lui donner un sens ?

Ce serait plus le sens de notre vie que le sens de la vie alors.

+1 -0

Peut-être que le sens de la vie, c’est de lui donner un sens ?

Phigger

Ça peut être aussi de concevoir la licorne rose invisible.

Essayer de deviner le sens de la vie, c’est essayer de déterminer une raison intrinsèque, une essence, à cette vie. Une volonté supérieure qui aurait voulu concevoir la vie (globale ou de chaque individu) dans un but précis. Tu retombes très vite sur les concepts religieux où des divinités auraient tout conçu dans un certain but.

Bref, comme pour tout ce qui est religieux, cela restera des suppositions indémontrables. Je ne trouve pas l’exercice particulièrement intéressant.

Par contre chacun, avec notre propre existence, pouvons donner un sens à notre vie particulière. Mais cela reste un exercice individuel, lié à ce que nous voulons faire. Pour certain se sera juste d’en jouir au maximum, pour d’autre faire le bien autour de soi, de participer à un projet d’envergure, de découvrir quelque chose d’important ou de simplement laisser une trace de passage. Il n’y a pas de bonne ou de mauvais sens à donner à sa vie. Que quelqu’un préfère passer sa vie devant la télé ou qu’il souhaite participer à éliminer le SIDA, cela reste personnel et tant que cela ne fait pas de mal aux autres cela doit être respecté.

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Par contre chacun, avec notre propre existence, pouvons donner un sens à notre vie particulière. Mais cela reste un exercice individuel, lié à ce que nous voulons faire. Pour certain se sera juste d’en jouir au maximum, pour d’autre faire le bien autour de soi, de participer à un projet d’envergure, de découvrir quelque chose d’important ou de simplement laisser une trace de passage. Il n’y a pas de bonne ou de mauvais sens à donner à sa vie. Que quelqu’un préfère passer sa vie devant la télé ou qu’il souhaite participer à éliminer le SIDA, cela reste personnel et tant que cela ne fait pas de mal aux autres cela doit être respecté.

La partie en gras est axiomatique. Mais si on se permet de l’être contre le "mal", pourquoi se l’interdire sur la question de regarder la télé toute sa vie ? Où est la limite ?

+0 -0

Je ne comprends pas la partie en gras. Je veux bien admettre qu’accepter la nature de l’existence nous rende heureux, mais en quoi cela lui donne-t-il du sens ?

Tu vois une causalité là où il n’y en a pas. Accepter la nature absurde de son existence est une prémisse pour lui donner un sens, mais l’un n’entraîne pas nécessairement l’autre.

+0 -0

Justement. Si question de sens il y a, je pense qu’elle se pose sur le sens de la vie des gens plus que sur le sens de la Vie avec un grand V.

Ge0

Mais dans ce cas là c’est une question personnelle, chaque personne décide de si oui ou non elle veut donner un sens à sa vie.

Et si l’on pense comme cela, on ne peut alors pas dire que "la vie à un sens", au mieux on peut dire que "sa(ma) vie à un sens".

La partie en gras est axiomatique. Mais si on se permet de l’être contre le "mal", pourquoi se l’interdire sur la question de regarder la télé toute sa vie ? Où est la limite ?

Vayel

Le "l’" se réfère a quoi exactement ? C’est flou !

tant que cela ne fait pas de mal aux autres cela doit être respecté.

Renault

Ça me laisse dubitatif ça, pas sur le fond, on ne peut qu’être d’accord (enfin je crois … :p). Mais sur l’application concrète et la mesure du "mal fait aux autres".

Puis ces histoire de sens à la vie, c’est un truc de personne qui croit au libre arbitre ça … :-°

La partie en gras est axiomatique. Mais si on se permet de l’être contre le "mal", pourquoi se l’interdire sur la question de regarder la télé toute sa vie ? Où est la limite ?

Vayel

Le "l’" se réfère a quoi exactement ? C’est flou !

Au fait d’être axiomatique. Pourquoi pourrait-on l’être quand on dit que blesser les autres c’est mal alors que, dans le message de Renault, ça n’a pas de sens de considérer arbitrairement une activité (par exemple, éradiquer le SIDA) mieux qu’une autre (regarder la télé) ?

Puis ces histoire de sens à la vie, c’est un truc de personne qui croit au libre arbitre ça … :-°

Un autre sujet que j’aimerais bien aborder dans un billet. ^^

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Sinon pourquoi les espèces seraient-elles mues d’un instinct de reproduction ? Pourquoi certaines espèces cherchent à se reproduire à tout prix au point d’en mourir ? Je ne parle plus des êtres humains et des autres espèces qui copulent pour le plaisir, mais bien par instinct de survie. Et en ce qui nous concerne, on est évolué par rapport aux autres espèces (on en a même asservies certaines…) et j’ai bon espoir, comme je l’ai dit dans mon message précédent, qu’on évolue dans le bon sens même si ça a l’air mal barré.

Ge0

De mon point de vue, ce n’est pas tant que les espèces sont mues par un « instinct de survie », c’est juste qu’elles sont apparues et existent toujours parce qu’elles ont une capacité de reproduction. Plus précisément, je pars du principe que ces espèces ont émergés (je recommande la vidéo de Science étonante sur le « jeu de la vie » à ce sujet) à force de combinaison « aléatoire » (à défaut de meilleur mot) et que, dans le lot, elles ont obtenu une capacité de reproduction qui leur a permis de se maintenir là où d’autres formes de vies qui n’avaient pas cette capacité ont disparus.

Sans aller jusqu’aux structures complexes que sont les êtres vivants, on peut déjà s’arrêter à des structures plus simples comme les virus. Techniquement, c’est un ensemble de protéines qui est capable de se reproduire, mais uniquement en employant les moyens d’une autre structure (une cellule normalement). Selon moi, il n’y a pas ici « d’instinct de survie », de « volonté de perpétuer l’espèce » ou autre, c’est juste que ce machin est apparu un jour et a réussi à se maintenir jusqu’à maintenant car il peut se répliquer.

Peut-être que je ne débite que des conneries au final.

Ge0

Qui sait ? Peut-être que moi aussi. ;)

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