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Le 11 février 2019, un article est paru dans l’Express, signé Benoist Fechner, Jérôme Dupuis et Ludwig Gallet : « Juan Branco, le radical chic qui veut la peau de la Macronie ». N’ayant pas l’habitude de lire ce genre de contenus, le degré de subjectivité m’a surpris : il est tel qu’il est difficile pour le lecteur de se faire une opinion nuancée sur les idées personnage, voire du personnage lui-même.
Le niveau d’objectivité attendu des journalistes est lui-même subjectif et on pourrait organiser un long débat autour de cette seule question. Quoi qu’il en soit, il est risqué de s’en remettre aveuglement aux journalistes pour nous informer.1 Aussi, je souhaitais dans ce billet relever ce qui me semble des biais dans l’article de l’Express afin de se rendre compte qu’il nous informe, certes, mais selon un angle bien particulier.
Je vous invite bien sûr à lire l’article au préalable afin de vous en faire votre propre opinion. Et à ne pas oublier que je suis moi-même biaisé.
Le contexte, partiel et partial
Le 24 janvier 2019, Juan Branco publie aux éditions Divergences un livre intitulé « Contre Macron » dans lequel il analyse la structure du pouvoir du président Emmanuel Macron, ses origines, comment il s’est construit et ce que ça implique sur sa politique présente et future. Le texte se veut une analyse abstraite, conceptuelle.
Dans un second ouvrage intitulé « Crépuscule », dont la publication papier est prévue mi-mars 2019, il fournit des informations tangibles (dont j’ignore la nature et la validité) sur comment Emmanuel Macron a été poussé au pouvoir, notamment par de puissants acteurs économiques comme Xavier Niel.
Pour résumer très grossièrement, Juan Branco ne soutient pas le pouvoir en place et l’Express décide de lui consacrer un article entier. Question : qui, des idées ou de la personne, va être mis en avant ? Sous quelle forme ?
Revue de l’article
« radical » est le mot choisi pour désigner Juan Branco. On ne peut nier que ce terme rappelle l’« islamisme radical » dont on entend souvent parler et, qu’appliqué à une personne, il fait souvent référence à de l’intransigeance. On commence donc avec une connotation péjorative.
Le mot « chic » se réfère à l’allure de la personne et est subjectif. Est-on face à un article dans lequel on va apprendre la couleur préférée de monsieur Branco et le gel douche qu’il utilise avec un commentaire sur la marque de ses vêtements ?
Manifestement non, puisqu’il est écrit qu’il veut « faire la peau de la Macronie ». On ne comprend pas ce que « faire la peau » signifie concrètement mais avec un peu de chance, ce sera détaillé plus loin. Quoi qu’il en soit, on notera que l’expression est très suggestive. Juan Branco aurait par exemple pu « s’opposer à la Macronie » ou bien « la remettre en question ».
L’article commence donc avec un titre très subjectif, dans lequel on mélange des jugements sur les idées (« faire la peau de la Macronie ») à des jugements sur la personne (« radical chic »). Un titre qui incite à la prudence, au risque de verser dans l’attaque ad personam, c’est-à-dire de chercher à discréditer des arguments en s’en prenant à la personne qui les énonce (« de toute façon il vote pour X, tout ce qu’il dit est forcément stupide »).
On embraye avec le premier paragraphe, mis en exergue par sa position dans l’article et la taille de sa police :
On apprend ici que Juan Branco ne fait pas, il joue. Avant même de connaître ses idées et ses actes, on nous dit qu’il occupe un rôle.
Je ne m’attarderai pas sur le « bien né ». Faire en sorte que le lecteur se fasse une opinion de la personne (en l’occurrence, au travers de ses origines…) avant d’analyser ses arguments est assez douteux.
Les auteurs continuent avec la forme plutôt que le fond, les émotions plutôt que les arguments, en mentionnant des mouvements politiques (« Mélenchon », « gilets jaunes »). Or personne n’ignore qu’on a tous des à prioris sur ces mouvements, préjugés qu’on s’empressera d’appliquer à Juan Branco.
Mais va-t-on un jour nous dire ce qu’il pense, sans trop d’adjectifs ni d’insinuations ? Peut-être juste plus bas, puisqu’on peut lire une citation du concerné :
Quoi de plus objectif qu’une retranscription mot pour mot de ce qui a été dit ? Mais il faut se poser une question : pourquoi ces mots-ci en particulier ? Là encore, les auteurs ne nous parlent pas des idées centrales du propos de monsieur Branco, mais d’une réaction émotionnelle qu’il a eu dans un contexte particulier.
La citation se termine sur l’exclamation « C’était jouissif ! » sans plus d’explications. Or il est tentant de faire le rapprochement avec les attaques contre la République dont on entend parler régulièrement ces temps-ci. Une attaque contre la République, jouissif ? Quel salaud ce Branco ! À moins que…
Les auteurs continuent dans la suggestion tout au long de l’article, notamment au travers d’adjectifs très connotés (que je ne citerai pas ici pour ne pas les extraire de leur contexte). Ils se permettent même d’interpréter les réactions de l’interrogé :
Avec un peu de chance, on a droit à une introduction un peu spectaculaire pour ferrer le lecteur. Avec un peu de chance, on nous détaille plus bas les arguments qu’opposent Juan Branco contre la Macronie, de sorte qu’on puisse initier une réflexion de fond. Voyez plutôt :
Pour information, Juan Branco a cette année 30 ans. Mais quel âge ont les journalistes pour remonter des évènements datant de l’adolescence, d’il y a 15 ans ? Évènements pour lesquels, accessoirement, on nous fournit aucune preuve.
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Attention, je ne prétends pas qu’aucun journaliste n’est digne de confiance. Par contre, je soutiens que l’indépendance intellectuelle est un effort nécessaire pour comprendre le monde qui nous entoure.
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Je crains qu’il ne faille se rendre à l’évidence : il n’y a pas d’arguments dans cet article. Pas de débat. Pas de sources. Mais de l’interprétation, des insinuations, de la subjectivité.
Je ne dis pas que leur propos est faux mais que :
- Il est partial (et pas qu’un peu) donc freine l’analyse de fond (à dessein, ne soyons pas naïfs) ;
- Il porte sur la personne plutôt que sur ses arguments (ad personam) ;
- Aucun moyen n’est fourni au lecteur pour s’assurer de la véracité des affirmations.
Pour connaître les arguments de Juan Branco et nuancer l’opinion que vous vous êtes faite de lui en lisant cet article et ce billet, vous pouvez notamment consulter les ressources suivantes :
- Sa réaction sur Twitter ;
- Son interview sur Thinkerview ;
- Une conférence où il parle du contenu de ses deux derniers livres, « Contre Macron » et « Crépuscule » ;
- Sa chaîne Youtube ;
- Sa page Wikipédia.
Merci pour votre lecture. L’écriture a été pour moi un exercice intéressant.