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Billet débat : la durée de vie des centrales nucléaires

40 ans ? 60 ans ? 100 ans ?

Quel est le pluriel de billet ? Bat, parce qu’un billet débat.

Maintenant que j’ai votre attention, parlons du vrai sujet de ce billet, la durée de vie des centrales nucléaires, en France et internationalement. Je le présente comme un débat, parce que je n’ai pas la réponse : je ne travaille ni pour EDF ni pour l’ASN, donc c’est juste des réflexions, que je partage ici.

À l'origine...

En construisant ces centrales, il a fallu donner une durée de vie. Pourquoi me demanderez-vous ? En effet, cette durée de vie n’est pas prescrite dans les décrets d’autorisation. Elle n’est en fait, à ma connaissance, indiquée que pour l’un des éléments de la centrale, le circuit primaire.

Le circuit primaire est le circuit sous pression qui transporte l’eau entre le coeur et l’échangeur de chaleur. Cette eau ne sort jamais de la centrale, et la perdre n’est en général pas bon signe. C’est pour cette raison qu’il fallait dire combien de temps cet élément pourrait fonctionner.

À l’époque, on n’en savait rien. Mais les centrales américaines venaient d’annoncer 40 ans, donc on a fait pareil. Et voila, une durée de vie des centrales venait d’être fixée. Rajoutons deux limites, qui sont que changer l’enceinte de confinement ou la cuve du réacteur est peu ou prou impossible, donc que si ils ont un problème, c’en est fini du réacteur. Par contre, de nombreux éléments ont une durée de vie plus courte, et sont simplement régulièrement changés.

Et ensuite...

Ensuite, c’est à l’autorité de sûreté nucléaire de décider si la centrale peut atteindre ces 40 ans. Tous les dix ans, il y a une grande inspection très détaillée, et la décision est ensuite prise, pour les 10 ans à venir. Bien sûr, si dans ces dix ans un problème survient, la décision peut toujours être révoquée.

Et donc maintenant, on arrive tranquillement à 40 ans, avec la première centrale atteignant cette marque cette année. Fessenheim pour ceux qui suivent. Mais ça fait déjà un moment qu’EDF se dit que ses circuits primaires, ses cuves, ses enceintes, et ben en fait, ils ne sont pas en si mauvais état du tout. Que la raison initiale d’avoir décidé 40 ans, et bien c’était pessimiste, dû à un manque d’information, et que ce serait dommage de fermer des centrales déjà construites, sûres, et qui produisent de l’électricité à un coût inégalable puisque déjà amorties (les investissement à faire à la suite de Fukushima, si ils tombent plus ou moins au même moment, ne sont dans mon esprit pas directement reliés avec l’extension de la durée de vie). Et c’est dans cette optique qu’ils aimeraient bien prolonger la durée de vie jusqu’à 60 ans au moins. Je mets ces mots en gras, parce que comme pour les 40 ans, la marque des 60 ans est choisie pour avoir quelque chose sur quoi travailler. Une durée pour laquelle montrer que les installations qui ne peuvent être changées n’en auront pas besoin. Mais qui pourrait encore une fois être sous-estimée.

Les problèmes...

Bien sûr, cette extension ne se fait pas en claquant des doigts, et il y a de nombreux défis. Le principal est probablement d’ordre technique. Il faut convaincre l’ASN (un organisme d’experts indépendants) que la centrales restera sûre pendant 20 ans de plus. Et il faut convaincre l’opinion publique, nourrie aux saillies de greenpeace et autres (des groupes de non-experts non-indépendants), que c’est une bonne idée.

Alors sur la partie greenpeace, il n’y a probablement rien à faire, vu que ça fait longtemps que les raisonnements logiques ont été abandonnés. Par contre, sur la partie opinion publique, il y a beaucoup qui est fait et qui pourrait être fait. Le principal axe de nos jour est probablement celui du réchauffement climatique. Rappelons-le, les centrales nucléaires relâchent moins de gaz à effet de serre par kWh produit que le charbon et le gaz, bien sûr, mais aussi que le solaire et l’éolien, et ceci en considérant le démantellement et la gestion des déchet. Le coût peut aussi être un argument, quand on voit ce qui se passe en Allemagne.

Sur la partie technique, c’est une approche différente. Il faut montrer que les effets du temps, de la température, de l’irradiation et de la fatigue n’ont pas eu d’effet. Pas facile en effet. Ces travaux sont en court, et on verra bien ce qui se passe, mais les décisions devront être prises pour des raisons scientifiques.

Mais l’ASN n’aurait pas tout intérêt à ce que ces centrales continuent ?

Bien sûr, mais jusqu’à présent, leurs décisions n’ont jamais été prises sur ce critère. On peut penser aux investissement demandés après Fukushima, alors qu’on est pratiquement sûrs que tout ça ne servira jamais. On peut penser dernièrement aux réacteurs Isis et Osiris fermés à Saclay, alors que le personnel là-bas aurait préféré continuer. Des exemples de ce genre, il y en a des tas.

Conséquences indirectes

Il y a aussi des conséquences indirecte à prendre en compte avant de décider, mais c’est plutôt du coté politique.

La nouvelle génération de centrales

En France, un certain nombre de rapport a préconisé la construction d’entre 6 et 10 EPR. Ce nombre a été choisi pour permettre de relancer l’industrie, et de faire des économie d’échelle tout en améliorant la qualité. Maintenant, si on décidait de prolonger nos 58 réacteurs (ou 56, puisqu’on dirait bien que pour Fessenheim c’est trop tard), on n’aurait pas besoin d’en construire beaucoup plus. Ça retarderait donc la construction de réacteurs qui seraient intrinséquement plus sûrs. Ce qui serait peut-être un mal pour un bien, vu que la GEN IV n’est pas encore (complètement) prête, et qu’en plus d’être plus sûre, elle nous débarrasserait aussi de la question des déchets.

Le développement des énérgies intermittentes

Alors qu’elles deviennent enfin presque compétitives à grand coup de subventions, les énergies intermittentes prendraient un sacré coup sur la tête : la grande majorité du coût de l’électricité nucléaire vient de la construction, pas de l’opération du réacteur, Et la, on rajouterait d’un seul coup 20 ans, déjà amortis !

Coûts des différents moyens de production d'éléctricité
Coûts des différents moyens de production d'éléctricité

Oubliez la comparaison aux autres énérgies, depuis 2008 elles ont bien changé. Par contre, ça montre très clairement que le prix du nucléaire est pour plus de la moitié dû à la construction, avec remboursement des prêts, etc.

À l'international

Une petite section courte pour montrer que beaucoup de pays se trouvent face aux même problèmes. Aux USA, la volonté des exploitants est de prolonger jusqu’à 80 ans. Au Canada, 90 ans. En Finlande, certains disent 100 ans. Et tous pour les mêmes raisons : "ce serait stupide de fermer des centrales qui fonctionnent sans risque parce qu’un nombre avait été écrit sur un papier avec des hypothèses pessimistes."


Je pense que c’est une bonne base pour un débat. Avant de commencer, je souhaite préciser de nouveau que je ne travaille pas ni pour EDF ni pour l’ASN, donc si c’est votre cas et que vous voyiez des erreurs, venez me corriger !

L’autre chose que je souhaite mentionner est que vous êtes tout à fait autorisé à venir à contre-courrant de ce que je dis. Il vous faudra certainement sourcer pour me convaincre.

À propos de sources, voici quelques unes de celles dont je me suis servi.

Et pour finir, je vous rappelle les principaux axes développés, mais n’hésitez pas à avoir de nouveaux arguments :

  • Le choix des 40 ans était un minimum.
  • Le nucléaire n’émet presque pas de gaz à effet de serre.
  • Il est très économique de continuer l’exploitation d’une centrale déjà construite.'
  • Continuer pourrait retarder les énérgies intermittentes et les centrales de nouvelle génération.

56 commentaires

Alors là il va me falloir des sources, parce que toutes les estimations que j’ai lues disent que les morts dûs à la radioactivité relâché à Fukushima seront moins de 5, avec 0 effet descernable sur les populations.

Un contre argument (un peu malhonnête certes) pourrait même être que la centrale à sauvé des vies, puisque tous les bâtiments autour ont été rasé, alors qu’elle a tenu et protégé ses occupants.

Et concernant le nombre de victimes, avec 20000 morts et disparus, et 550000 déplacés, je pense que le tsunami a affecté plus de gens que l’accident nucléaire (sauf si on compte le traumatisme des gens lisant les nouvelles depuis un autre pays). Pour ce qui est de la biodiversité, l’exemple de Tchernobyl nous permet de dire que les accidents nucléaires la favorise, puisque les zones d’interdiction deviennent de fait des réserves naturelles. A l’inverse, le tsunami a du raser pas mal d’habitats. Pour autant, il a juste du changer la population animale, il n’a pas stérilisé les terres.

@ache je suis aussi intéressé par tes sources. En ce qui me concerne, je propose cette vidéo et son pavé de sources, où l’on parle notamment de la radioactivité relâchée et de ses impacts.

Je note en plus trois choses en rapport avec ton message :

  1. Ce n’est pas parce qu’il y a de la radioactivité que c’est dangereux. C’est comme tout, c’est une question de quantité, et on sait que les populations autour de Fukusihma ont été évacuées (et surtout n’ont pas été autorisées à revenir) face à des taux de radioactivité extrêmement faibles et donc inoffensifs (cf le lien et ses sources). Je me rappelle aussi de gens qui à l’époque s’inquiétaient des taux qui avaient fortement augmenté à Tokyo, alors que les nouveaux taux étaient semblables voire plus bas à ce qu’on trouve naturellement en France et un peu partout dans le monde.
  2. C’est la première fois que j’entends parler d’un impact négatif sur la biodiversité. Au contraire, la zone d’exclusion de Tchernobyl est connue pour être devenue une réserve avec le retour d’animaux et de plantes rares.
  3. Pour les cancers, je serais curieux d’avoir ta source, les miennes (cf ci-dessus) sont en contradiction avec ton affirmation.

Ok, je viens d’avoir encore plus d’infos sur la fabrication des panneaux solaires. Je crois que je suis définitivement convaincu qu’en fait les énergies renouvelables, c’est n’importe quoi. Je crois que je vais changer de fournisseur d’électricité.

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Pas sous la main, un de mes profs m’a parlé du processus industriel. Idéalement, je ferais bien un travail de recherche là-dessus pour rédiger moi-même un article détaillé sur les impacts environnementaux, et ça me permettrait de confirmer tout ça, mais j’avoue que je vais avoir du mal à me motiver…

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Que ce soit sur la bio-diversité, que ce soit les 80 000 personnes évacuées la radioactivité a touché largement plus de monde. Rappelons que toutes l’île à subit des problèmes (d’alimentation principalement) à cause l’exposition aux radiations.

ache

Effet sur l’alimentation. Sur la biodiversité, j’avais vu un article qui exposait des photos d’animaux mutés. Il est difficile de trouver des informations sur les personnes évacuées. Mais je comprend bien qu’il est plus facile de revenir sur une zone dévastée que sur une zone contaminée.

De plus les cancers issues de l’exposition aux radiations sont très durs à évaluer on parle parfois de plusieurs milliers de cas qu’on ne peut attribuer directement à la centrale.

ache

Là dessus, je me basais sur des travaux d’un monsieur qui apparemment n’était pas fiable. En tout cas, je m’interroge encore sur le nombre de cancer de la thyroïde.


Outres ces questions, je m’interroge sérieusement sur l’argent investi dans le nucléaire comparé à celui investi dans les énergies renouvelables.

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