Empagement

Comment décider de ses marges

C’est un passage obligé lorsque l’on fabrique un document destiné à être lu longuement : faire une maquette.

La maquette, c’est entre autres la façon dont est disposé le texte sur la feuille. Il faut en particulier décider de son empagement : la façon dont le bloc de texte est disposé sur la page.

Les valeurs par défaut des éditeurs de textes n’ont aucun sens, alors que c’est pourtant un choix déjà largement discuté et travaillé dans les toutes premières éditions.

Nous expliquons ici comment retrouver l’empagement par neuf qui est une règle très harmonieuse.

Le calcul

Maquette d'empagement
Maquette d'empagement

Soit xx la marge de gauche (petit fond), yy la marge du haut (blanc de tête), zz la marge de droite (grand font) et tt la marge du bas (blanc de pied).

Nous avons l’équation z=2xz = 2x en raison du fait que sur une double page, le blanc central (donc deux fois le blanc du petit fond) doit être égal à chaque blanc latéral.

Pour avoir un alignement de la diagonale partant du bas extérieur vers le haut intérieur avec le bloc de texte, il faut que les rectangles de blancs le long de cette diagonales aient comme proportion celle de la page. Nous avons donc l’équation

yx=t2x=HL\frac{y}{x} = \frac{t}{2x} = \frac{H}{L}

Cela montre que t=2yt=2y.

Il reste à déterminer xx ou yy (ils se déterminent réciproquement). Toutes les valeurs sont possibles ici.

Une qualité visuelle que l’on peut demander consiste à avoir, sur une double page, autant de blanc horizontalement que de bloc de texte sur chacune des pages. En d’autres termes, le blanc horizontal qui mesure 23x=6x2\cdot 3x = 6x doit être égal à la longueur du bloc de texte, à savoir L3xL-3x.

Nous en déduisons x=L/9x = L/9 et donc y=H/9y = H/9. C’est l’empagement par neuf.


Voilà ce n’était pas difficile. Un calcul simple montre que pour avoir une disposition harmonieuse (il y en a d’autres, mais celle-là est très simple) consiste à prendre x=L/9x = L/9 et y=H/9y=H/9 comme blancs de gauche et de tête, et de prendre leur double pour les autres.

10 commentaires

Cette disposition a deux gros inconvénients de mon point de vue :

  1. Elle ne tient pas compte des effets pli central en cas d’impression du document. Ce pli va manger une partie des marges intérieures (selon la technologie de reliure et le nombre de pages, c’est plus ou moins important). Sur un document dédié à l’impression, il vaut mieux augmenter ces marges de façons à éviter d’avoir le texte trop collé au pli intérieur, et donc pénible à lire.
  2. Elle donne de grandes marges extérieures et surtout de bas de page. Ça peut être intéressant sur un document technique destiné à être annoté, ou être de la pure perte de place sur un document destiné à être simplement consulté (texte littéraire ou autre).

Mais mathématiquement elle est jolie.

PS :

  1. Une solution au point 1 consiste à ajouter une marge « technique » supplémentaire pour la couture à l’impression – le document peut ne plus être directement imprimable.
  2. Le problème des grandes marges rejoint en fait les notions de mises en page luxe / demi-luxe / standard.

Elle ne tient pas compte des effets pli central en cas d’impression du document. Ce pli va manger une partie des marges intérieures (selon la technologie de reliure et le nombre de pages, c’est plus ou moins important). Sur un document dédié à l’impression, il vaut mieux augmenter ces marges de façons à éviter d’avoir le texte trop collé au pli intérieur, et donc pénible à lire.

Tu peux très bien demander à ton imprimeur quelle marge de pli ajouter, ensuite tu modifies LL comme nécessaire, et la même règle s’applique et donne le même résultat visuel.

C’est ce que tu dis :

Une solution au point 1 consiste à ajouter une marge « technique » supplémentaire pour la couture à l’impression – le document peut ne plus être directement imprimable.


Elle donne de grandes marges extérieures et surtout de bas de page. Ça peut être intéressant sur un document technique destiné à être annoté, ou être de la pure perte de place sur un document destiné à être simplement consulté (texte littéraire ou autre).

C’est aussi un confort visuel : on a moins de distractions périphériques. C’est aussi pour ça que j’ai précisé "destiné à être lu longuement". Pour des notes ou des textes à survoler, c’est inutile.

Le problème des grandes marges rejoint en fait les notions de mises en page luxe / demi-luxe / standard

Avec le canon des ateliers, c’est pas les mêmes techniques d’empagement. Ces techniques reposent sur une répartition en 4:5:6:7 des blancs. Selon le choix de luxe/demi-luxe ou standard, on décide de la largeur du texte. Le blanc restant en largeur est divisé par 1010 (disons aa) et on fait x=4ax= 4a, y=5ay=5a, z=6az=6a et t=7at=7a.

Mais cette technique a le gros inconvéniant de ne pas du tout prendre en compte les proportions de la page, car seule la largeur est considérée.


C’est le choix du 9 qui décide de la quantité de blanc. On peut très bien a priori choisir un nombre plus grand, qui donne des marges plus petites mais une proportion du bloc de texte toujours de même rapport que la page.

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C’est aussi un confort visuel : on a moins de distractions périphériques. C’est aussi pour ça que j’ai précisé "destiné à être lu longuement". Pour des notes ou des textes à survoler, c’est inutile.

Mon avis personnel sur la question, c’est que l’effet réel de cette justification est marginal, si ça n’est pas tout simplement une simple question de tradition ou une lubie de gens du milieu.

Attention, un empagement bien soigné, c’est joli, ça c’est clair (et encore, les marges géantes en bas, je trouve que ça fait plus luxueux que joli). Mais personnellement j’ai un gros doute sur l’intérêt réel de la chose une fois évacué le côté esthétique.

Pourquoi ?

Parce qu’aujourd’hui, les documents lus longuement, c’est :

  • Des documents techniques
  • Des texte de référence
  • Des romans (ou textes littéraires en général, lus très longuement mais qui nécessitent normalement moins de réflexion)

Et que pratiquement tous ces documents, quand ils sont imprimés, le sont en général avec une typographie et une mise en page minimaliste (voire catastrophique) sans que ça ne gêne personne, en tous cas pas au point de préférer des formats mieux mis en page.

Typiquement on a jamais lu autant de romans que depuis qu’on a les livres de poche, qui sont presque toujours mauvais de ce point de vue :

  • Marges très petites
  • Typographie foireuse sur les vieilles éditions (polices peu lisibles ou déformées)
  • Mise en page douteuse sur les éditions récentes (césures complètement absentes par exemple)

Et je ne parle même pas des piles de documentation à lire sur navigateur internet, avec aucune forme de mise en page correcte.

Certains de ces défauts ont des conséquences assez visibles, en particulier des lignes difficiles à suivre donc texte pénible à lire parce que les lignes sont trop longues / trop serrées / trop d’espace entre les mots / etc. Mais je ne crois pas que les empagements jouent véritablement sur la lisibilité, tant que tu peux prendre le livre sans mordre sur le texte et que tu n’as pas à aller chercher le texte dans la couture. Je pense même que des notions comme le gris typographique, les limites de césures, la gestion des lignes veuves et orphelines ou même les alignements visuels sont plus importants pour la lisibilité que la proportion de marges dans la page (étant donné des marges raisonnables).

Après, ça ne reste que mon avis et je n’ai pas d’étude fiable sous la main pour l’étayer. Déjà parce que le milieu est très conservateur et qu’il y a beaucoup de suppositions qu’on tient pour acquises sans que personne n’ait d’intérêt à lancer des études sur le sujet (comme par exemple la lisibilité des polices avec ou sans serif sur ordinateur, qui avait été couverte par des études qui allaient contre l’opinion générale).

Et que pratiquement tous ces documents, quand ils sont imprimés, le sont en général avec une typographie et une mise en page minimaliste (voire catastrophique) sans que ça ne gêne personne, en tous cas pas au point de préférer des formats mieux mis en page.

Ça c’est clair. Et effectivement, comme tu le dis, les pratiques "luxueuses" de la typographie relèvent beaucoup plus de la tradition que du modernisme.

Mais, je pense qu’il faut quand même amender ce que tu dis, et que l’empagement peut avoir un impact réel à la lecture.

Mais je ne crois pas que les empagements jouent véritablement sur la lisibilité, tant que tu peux prendre le livre sans mordre sur le texte et que tu n’as pas à aller chercher le texte dans la couture. Je pense même que des notions comme le gris typographique, les limites de césures, la gestion des lignes veuves et orphelines ou même les alignements visuels sont plus importants pour la lisibilité que la proportion de marges dans la page (étant donné des marges raisonnables).

Tu as raison aussi. Ça n’a aucun sens d’étudier les marges si derrière le texte est mal mis en forme typographiquement. D’ailleurs c’est probablement ce qui demande le plus d’effort et de réflexion.

Cependant, les marges ont leur importance ! Déjà les marges horizontales déterminent la longueur d’une ligne. Et généralement on fatigue selon la longueur de la ligne plutôt que du nombre de lignes lors d’une lecture. Donc avoir une marge horizontale suffisamment grande permet d’améliorer substantivement le confort de lecture.

Ensuite, verticalement, je crois aussi que ça change le confort de lecture. Personnellement, j’utilisais des marges verticales beaucoup plus petites que celles que j’ai mises là. J’avais des pages avec une cinquantaine de lignes, et honnêtement, c’est trop. C’est peut-être parce que j’écris des maths, et que c’est vite technique et difficile, mais j’ai beaucoup moins de mal à me concentrer quand les pages permettent une sorte de respiration.

Après, ça ne reste que mon avis et je n’ai pas d’étude fiable sous la main pour l’étayer. Déjà parce que le milieu est très conservateur et qu’il y a beaucoup de suppositions qu’on tient pour acquises sans que personne n’ait d’intérêt à lancer des études sur le sujet (comme par exemple la lisibilité des polices avec ou sans serif sur ordinateur, qui avait été couverte par des études qui allaient contre l’opinion générale).

C’est probablement le plus gros souci. Je pense pas qu’il existe une "mise en page parfaite". Ou de pratique à absolument avoir.

Selon le texte, le lecteur, les moyens financiers pour l’impression, on ne peut pas faire les mêmes choix. Cependant, même si le radicalisme dans la tradition n’est pas le bon chemin, cela rappelle tout de même que des choix sont possibles et qu’une réflexion dessus est importante.

Après tout, que tu décides de mettre des marges plus petites ou pas, c’est ton choix et ça te permet aussi d’affirmer une identité. Par contre, c’est plus intéressant s’il y a une réflexion derrière et que la typographie se met au service du texte.

Je crois d’ailleurs à titre personnel que les moyens informatiques sont complètement sous-utilisés. Par exemple, des variations légères dans les espaces inter-mots peuvent donner des impressions de légèreté ou de lourdeur dans un texte. Ça pourrait complètement correspondre au texte ! Pourquoi pas, après tout, exprimer des sentiments à travers des manipulations typographiques ?

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Je crois d’ailleurs à titre personnel que les moyens informatiques sont complètement sous-utilisés. Par exemple, des variations légères dans les espaces peuvent donner des impressions de légèreté ou de lourdeur dans un texte. Ça pourrait complètement correspondre au texte ! Pourquoi pas, après tout, exprimer des sentiments à travers des manipulations typographiques ?

Ça c’est intéressant, et en fait ça a déjà été utilisé dans la série TV « Good Omens », où les affiches visibles en Enfer violent délibérément les règles de la typographie (notamment celles de crénage).

J’aime beaucoup la typographie et les questions de mise en page. Mais un paramètre doit être pris en compte : la consommation du papier. Avoir des grandes marges est souvent agréable et utile (pour les annotations, par exemple). Mais à mon sens, de nos jours, l’esthétique et le confort ne peuvent plus être les seuls paramètres à considérer. La consommation de matériau rentre également en ligne de compte — sans évidemment être le seul critère.

Sur le jour de contenu que produit Holosmos, je pense que ce n’est clairement pas un point de priorité, pour ne pas dire que c’est négligeable.

Phigger

Non la question du papier est importante, évidemment. On ne peut pas juste consommer 20% de papier en plus en se disant que ça ne fait rien.

Mais, comme l’a déjà souligné Spacefox, on n’est peut-être plus dans l’ordre du luxe que du confort mesuré. Est-ce qu’un texte mérite un tel effort écologique ? Pas toujours, mais parfois oui. D’ailleurs, souvent, les 20% de papier supplémentaires sont une goute d’eau dans la production du texte : impression d’épreuves pour relectures, etc.

Ce que je voulais dire, c’est que la production de contenus mathématiques ou de papiers de recherche, je pense que c’est une goutte d’eau dans les consommations de ressources.

Phigger

La tendance est à l’évaluation de tout …

Après on est consommateurs. On imprime souvent, donc ce sont de vraies quantités de papier en jeu

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