Depuis un mois, j’ai échangé ma connexion ADSL digne d’il y a 15 ans (18 Mbps / 900 kbps) contre une connexion 5G fixe. C’est l’occasion de faire un premier retour d’expérience.
Pourquoi une connexion 5G fixe ?
Parce que le capitalisme, c’est de la merde.
Ceci n’est pas de la simple provocation extrême-gauchiste : c’est l’authentique source de mes problèmes et de pourquoi je suis passé à cette connexion. Je m’explique :
J’ai acheté mon appartement (en plein centre-ville d’une grande ville française) en aout 2018 ; il n’y avait pas encore la fibre, mais le syndic avait fait toutes les démarches en ce sens, et plusieurs immeubles du quartier étaient déjà fibrés. En juillet 2019, j’ai reçu un courriel me prévenant que « la fibre était dans mon quartier, le raccordement de mon immeuble est prévu et que je serais mis au courant quand ce serait fait et que je pourrais souscrire ».
Depuis ? Rien.
Pourquoi « rien » ?
Comme je le disais : le capitalisme, c’est de la merde. Au moment du passage de la France au haut débit, il y avait en gros deux zones en France : les zones peu denses, où les mairies ont passé des contrats avec des opérateurs pour amener la fibre à tout le village ou presque ; et les zones denses ou chaque opérateur pouvait fibrer un quartier, une rue, un immeuble… moyennant X années (X a varié) de monopole sur les abonnements fibre qui y étaient vendus. Sauf que si ça a bien fonctionné pour les très gros immeubles, les opérateurs n’ont pas trouvé rentable de fibrer les petites copropriétés comme la mienne (8 lots). Oh, il y avait bien un contrat avec la mairie qui les obligeait à fibrer toute la ville avant le 1er janvier 2024, mais les opérateurs ont préféré se dédouaner en invoquant des « problèmes techniques » (lesquels ? mystère… l’immeuble d’à côté, strictement identique au mien, est fibré depuis des années) ou en payant les indemnités.
Pour les consommateurs, l’opacité est totale : depuis que des services commerciaux d’opérateurs ont cru malin de faire du chantage à l’installation de la fibre, les services d’installation ont interdiction de communiquer les plannings de déploiement à quiconque n’en a absolument pas besoin… De plus, tous ça n’est jamais géré en interne, mais à travers plusieurs niveaux de sous-traitance, qui sont toujours accusés de tous les problèmes (d’une façon générale, il manque en France une loi pour considérer qu’en cas de problème, le donneur d’ordre est pleinement responsable de ce qu’il a délégué à un sous-traitant, parce qu’en l’état c’est trop facile).
Pire : les services d’un même opérateur ne communiquent pas entre eux. Quand le câble ADSL de l’immeuble, soumis au soleil et au vent, a lâché, l’opérateur a préféré faire intervenir à ses frais 2 sous-traitants puis deux experts internes armés d’une nacelle pour effectuer une réparation à ses frais, plutôt que d’installer directement la fibre (ce qui lui aurait couté probablement moins cher).
Et évidemment je n’ai pas de VDSL – enfin si, j’ai théoriquement du VDSL, mais à plus de 2 km de mauvais câbles du central, ses performances sont moins bonnes que l’ADSL, et après essais il a été désactivé dans la configuration de ma box pour cette raison (la connexion VDSL étant prioritaire sur l’ADSL).
Voici donc comment, à cause de la défectuosité du capitalisme, je me retrouve toujours avec une connexion ADSL agonisante alors que je suis en plein centre-ville, alors que j’ai passé des vacances dans des locations perdues, mais fibrées.
Et donc voici que début juin, j’apprends que :
- Il existe des offres 5G « fixe », avec une box à mettre chez soi (en réalité depuis début 2024), et que
- Les limites de connexion (en débit et en durée de session) qui existaient, héritées de l’offre 4G « fixe » ont été supprimées début juin.
Ça se tente, non ?
C’est quoi, cette offre 5G fixe ?
Pour un prix proche de celui de la fibre (mais plus cher que l’ADSL), j’ai, officiellement, une connexion 5G « illimitée » et une box à brancher chez moi.
Mes inquiétudes, avant achat, sont :
- Les débits réels (téléchargement et envoi) ;
- Le ping ;
- La stabilité de la connexion ;
- Les éventuelles limitations de connexion ;
- Les capacité de la box ;
- La compatibilité avec les outils de télétravail (le VPN du boulot ne fonctionnait pas en partage de connexion 5G -> USB, par exemple).
Je me laisse un mois pour essayer, au pire j’annule la souscription (elle permet de le faire sans frais au moins le premier mois) et reviens à l’ADSL.
Je ne donne volontairement pas de nom parce que ce billet n’est pas sponsorisé et que le but n’est pas de faire de la publicité ; mais aujourd’hui seuls deux opérateurs proposent ce service en France.
Et donc, ça donne quoi ?
Avantages
- La connexion est réellement illimitée. J’ai testé pour vous, faites-moi confiance : ma session courante a 430 heures (~18 jours) et a dépassé les 2 To de transfert.
- Les débits sont suffisants : chez moi, entre 300 et 450 Mbps en téléchargement, entre 25 et 45 Mbps en envoi selon la charge de l’antenne relais – en supposant une box bien placée, cf inconvénients.
- Le ping est correct, entre 25 et 35 ms en Ethernet avec mon serveur perso chez Pulseheberg, avec assez peu de lags. On est très loin d’un ping de fibre, mais par rapport à l’ADSL c’est pas une grosse perte, et surtout c’est suffisant pour tous mes usages (qui n’impliquent pas de jeu compétitif).
- C’est beaucoup plus efficace que le partage de connexion 5G, à la fois grâce aux meilleures antennes, au meilleur placement possible de la box, et aux restrictions beaucoup moins importantes d’usage (limites de consommation, utilisation comme une box standard).
En résumé, c’est ce que j’attendais d’une connexion très haut débit moderne, même si je n’aurais pas été contre davantage de bande passante en envoi (pour les sauvegardes et l’envoi d’images Docker, par exemple).
Inconvénients
- La bande passante et le ping sont très sensibles au placement de la box. Vraiment. Placez-là près d’une fenêtre, pas trop près d’un obstacle métallique ; chez moi je peux perdre près de 10 dB sur le signal et la moitié de mes débits en plaçant la box 20 cm plus haut.
- La connectique de la box est ridicule : 1 port Ethernet, c’est tout (ça m’a couté un switch, la box ADSL avait 4 ports Ethernet).
- C’est pas une box classique (c’est du matériel Nokia avec une moustache fournie par le constructeur), et l’ergonomie de l’interface d’admin est complètement nulle.
- La connexion 5G semble être derrière un NAT du FAI (comme c’est souvent le cas avec les connexions mobiles), même si les IPs fournies donnent l’impression d’être routables sur Internet. En tous cas, il est absolument impossible d’accéder à la box ou au réseau derrière depuis Internet, et ce même s’il y a des options pour ouvrir des ports etc. dans les paramètres de la box. Cette affirmation est aussi valable pour les IPv6 – je ne comprends pas ce qu’ils ont fait.
- La box est incapable de gérer une connexion WiFi avec un serveur DHCP tiers (au hasard, un Pi-hole). Ça va me couter un routeur (ce qui est de toute façon une bonne idée vu mon réseau et mon usage).
- L’offre étant récente et ayant changé encore plus récemment, la principale source fiable d’informations à son sujet, c’est les vendeurs en magasin. N’espérez pas d’aide technique.
Je rajoute quatre inconvénients qui ne me concernent pas mais qui peuvent vous intéresser :
- Ça implique d’avoir la 5G chez soi. C’est une solution palliative pour les grandes villes où les FAI ne font pas leur boulot, pas pour les villages perdus.
- Ça ne fait ni téléphone fixe.
- Ça ne fait pas non plus boitier télévision ; par contre vous pouvez payer un supplément pour utiliser les applications de télévision sur ordinateur ou mobile.
- Le vendeur m’a dit que je pouvais embarquer la box avec moi en vacances pour profiter de la connexion illimitée ; mais c’est explicitement interdit par les CGU (je dois utiliser la box a l’adresse donnée dans le contrat). Je ne sais pas si le vendeur mentionne une tolérance ou s’il se plante…
En conclusion : il existe maintenant possibilité d’avoir une connexion 5G fixe réellement illimitée, avec des débits, ping et stabilité tout à fait acceptables en attendant une vraie connexion fibre. À condition de capter la 5G chez soi.
Mais la solution a beaucoup d’inconvients mineurs, et pour moi n’est intéressant qu’en attendant une véritable connexion fibre. En espérant qu’elle ne serve pas d’argument pour ne pas installer ladite fibre…
Alors, est-ce que ça peut vous servir ? Ça va beaucoup dépendre de votre cas particuler : les foyers avec une couverture 5G décente sans connexion fibre ne devraient pas être si fréquents que ça. Mais maintenant, vous savez que l’option existe.
La version « 4G fixe » existe aussi, mais avec de moins bons débits, un moins bon ping, et surtout des limites de consommation et de durée de session.
Pour la blague : j’ai eu le covid peu de temps après avoir installé cette box. Comme ça fait plusieurs mois que j’utilise la 5G sur mon smartphone, je mets ça sur le compte de la coïncidence (et plus exactement, du fait que j’ai encore des collègues qui viennent dans les locaux au lieu de télétravailler même quand ils agonisent) plutôt que donner raison aux complotistes d’il y a 4–5 ans.
Icône : antennes 2G et 5G, CC BY-SA 4.0 d’après une photo de Yumikember.