Comment financer la recherche scientifique ?

Le problème exposé dans ce sujet a été résolu.

J’ai eu une discussion sur le financement de la recherche. l’État met de moins en moins de sous pour financer la recherche. Or, l’État est un gros financeur. On voit de plus en plus apparaître du financement participatif (crownfunding). Pourquoi pas l’appliquer à la science ?

On peut imaginer que ça va de paire avec les sciences participatives et la science ouverte, dans le sens où la société prends à bras le corps les questions scientifiques ? Si elle peut participer, pourquoi pas financer ?

Vous en pensez quoi ?

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Pourquoi pas l’appliquer à la science ?

Ça peut avoir un intérêt, mais il ne faut pas oublier les inconvénients du financement participatif.

Le financement participatif s’adresse à tout le monde, des gens qui n’ont pas une culture scientifique assez poussée pour jauger de l’intérêt d’une recherche quelconque. Et c’est sans jugement de valeurs, je me considère aussi comme incapable de faire cette évaluation.

Du coup cela va attirer probablement des financements vers de la recherche concrète et sexy et peut être même farfelus (financer des pseudo sciences, ou des scientifiques bidons). Ce n’est pas un mal que la recherche fasse du concret, mais la recherche fondamentale est aussi nécessaire.

Or essayer de convaincre le citoyen lambda de donner des sous pour que les maths ou la physique fondamentale avancent, c’est délicat. Je doute que des projets tels que le LHC ou la résolution générale de l’équation Naviers-Stokes attire les foules. Pourtant ces sujets sont loin d’être anodins et sans intérêts, mais c’est difficile à le faire comprendre et pour le public à mesurer cet intérêt.

Bref, je pense que ce genre de financement peut être intéressant, mais pour donner un coup de pouce, pas en étant la pièce maitresse du financement de la recherche.

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Ca existe déjà :) Dans mon labo par exemple, il y a un projet Ice Memory qui cherche à forer des carottes de glaces de différents glaciers avant qu’ils ne fondent et garder ces carottes pour l’étude du climat des générations futur. Et évidemment, un projet scientifique n’ayant pas à vocations à produire des résultats ni a avoir aucune retombé pécuniaire, y’a pas eu de financement de l’état… Du coup, entre autre, il y a un crowdfounding : https://fr.ulule.com/ice-memory/.

Je n’ai pas du tout les idées claires sur ce type de fonctionnement. Certes ca peut rapporter des sous, mais

  • une fois de plus la société civile pallie les « défectuosités » de la recherche,
  • on ajoute des intermédiaires qui se font des sous sur le crowdfounding,
  • on ajoute du travail aux scientifiques/administratifs, qui ont moins de temps pour faire de la recherche
  • seuls les « riches » peuvent participer
  • si c’est pas médiatique, ca marche pas. Faut que ce soit soit « utile » soit épique…
  • etc.

Un post de blog que j’ai lu (et que je recherche activement dans mon historique) imputait une grosse partie des problèmes de la recherche aux frais qu’on paye en abonnement aux revues.

En cassant ce système, on pourrait

  • Rendre les recherches disponibles à tous (à défaut d’être compréhensible par tous). Plus de paywall
  • Augmenter grandement les budgets.

Quand on voit que l’accord France/Elsevier est de 171 697 159,27 euros HT (pour un périmètre de 476 universités et établissements hospitaliers sur 5 ans), qu’Elsevier se fait 35% de marge et Macron que coupe 330 millions de budget, ca fait réfléchir.

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Un post de blog que j’ai lu (et que je recherche activement dans mon historique) imputait une grosse partie des problèmes de la recherche aux frais qu’on paye en abonnement aux revues.

@Davidbrcz C’est de ça que tu parles ?

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La situation de l’édition scientifique est honteuse, mais honnêtement je ne pense pas que ce soit une cause principale des problèmes de financement scientifiques aujourd’hui. Financièrement c’est très lourd pour les bibliothèques unversitaires qui ont un budget petit devant le budget de recherche d’ensemble, et le fait que la dépense soit totalement injustifiée et illégitime la rend scandaleuse, mais en terme de volume d’argent, ça n’est pas négligeable mais ça reste petit.

Pour donner un ordre de grandeur, je trouve le chiffre sur internet: une année récente (je ne sais pas laquelle), le budget "achat d’abonnements scientifiques" du CNRS était de 15 millions d’euros. C’est beaucoup, mais c’est petit devant le budget total du CNRS, ou même le budget total de l’ANR qui est plus représentatif de "l’argent pour financer la recherche" (parce qu’il n’inclus pas les salaires des chercheurs, etc.), budget de 350 millions en 2005 et 955 millions en 2009. On ne peut pas comparer directement ces chiffres (les universités paient aussi des abonnements etc.), mais ça suggère que sur l’argent disponible (en plus des salaires) pour financer la recherche, l’édition scientifique consomme de l’ordre de 5-10% des ressources, ce qui n’est pas vraiment "une grosse partie".

Edit: tiens je n’avais pas vu les chiffres de Davidbrcz plus haut qui sont en contradiction avec ce que je disais. Donner 172 millions d’euros à Elsevier (qui est loin de couvrir tous les domaines d’édition scientifique) c’est effectivement n’importe quoi, et là ça représente un coût important par rapport à l’argent qui finance la recherche (ou les universités en général).

qwerty: ton lien vers "discussion" est mort chez moi (page blanche).

Personnellement je pense que cette question dépend beaucoup du type de recherche qu’on fait, mais que pour ce qui rentre dans le cadre des "recherches fondamentales", le meilleur modèle reste le financement par l’État. C’est un financement participatif par nature, et je pense que c’est aussi un rôle à occuper par les scientifiques que d’aller vers le public pour les convaincre de l’utilité des financements de recherche. Aujourd’hui c’est facile pour le politique d’avoir une version court-termiste des financements de recherche parce que les électeurs ne s’en soucient pas beaucoup – et on peut les comprendre, il y a toujours des profs, des infirmiers ou des policiers/militaires qui ont un rôle plus immédiat et plus visible et aussi besoin de sous.

Après il y a aussi la question de comment répartir l’argent (et pas de qui paie) qui est intéressante. Je pense que le modèle "financement par contrat" ne fait pas beaucoup de sens en dehors des sciences expérimentales, il se justifie surtout pour les projets qui ont des besoins d’équipement lourds, pour le reste il vaut mieux un financement par fond permanent qui donne plus de liberté et moins de paperasse. Même dans les sciences expérimentales, on peut distinguer les financements pour les équipements (liés à un projet), et les financements des personnes (liées à une compétence), et je pense que les personnes devraient aussi être financées sur des fonds de nature permanente.

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Personnellement je pense que cette question dépend beaucoup du type de recherche qu’on fait, mais que pour ce qui rentre dans le cadre des "recherches fondamentales", le meilleur modèle reste le financement par l’État. C’est un financement participatif par nature, et je pense que c’est aussi un rôle à occuper par les scientifiques que d’aller vers le public pour les convaincre de l’utilité des financements de recherche.

Et plus que ça c’est un financement qui inclut toute la société contrairement au financement participatif qui ne concerne finalement que très peu de personnes (et ce n’est même pas à cause de la distance entre la vie quotidienne et le scientifique mais juste parce que ce sont les gens volontaires qui y participent seulement).

Sans être dans le domaine, ça me paraît être une bonne idée pour financer un projet rejeté, mais qui risque d’avoir de mauvaises conséquences au sens où ça ne règle pas le problème et le cache en le compensant.

Je viens de tomber sur ce site, qui est un site canadien pour soutenir des projets scientifiques via du crownfunding. C’est encore un peu vide mais l’idée est là !

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Labfundr collects a 9% fee (and the payment provider collects a 2.9% plus 30 cents) on successful transactions.

this PDF

Je comprend qu’ils doivent rentrer dans leurs frais, m’enfin vu les montants mis en jeu (1 millions pour la campagne existante), ça fait quand même un joli paquet d’argent.

Et aussi,

Labfundr is a social entreprise that is structured as a for-profit company.

the same PDF

Mouais.


Quand bien même, je plussoie ce qui a été dit plus haut, dans le sens ou ça favorise la recherche "sexy". Exemple classique: en Belgique, on a le Télévie, qui est une opération réalisée par le FNRS (équivalent du CNRS français). C’est un gros machin, avec plein d’activités au cours de l’année (souper, événement sportifs, …) et un téléthon final en apothéose. Le but, c’est de financer la recherche contre le cancer et la leucémie, et ça marche assez bien, j’ai plusieurs collègues qui peuvent financer leur doctorat avec ça et c’est génial (bon, évidement, comme disait Gwend@l, ça implique que les chercheurs en question donnent un peu de leurs personnes). Sauf que la recherche contre le cancer, c’est malheureux à dire, mais c’est "sexy". À coté de ça, il y a un désintérêt pour la recherche fondamentale, et on est "obligé" de trouver des applications concrètes et (encore une fois) "sexy" à ce qu’on fait quand on soumet un projet pour avoir des sous au FNRS. C’est délirant. Et le crownfunding ne fonctionnerait pas, parce que pour moi, ce serait un pas de plus dans la "prostitution" de la recherche (avec en plus l’institution scientifique publique qui perdrait encore un peu plus de son utilité).

Sinon, si quelqu’un réussi à me faire une campagne de crownfunding sexy pour qu’on puisse acheter un nouveau super-calculateur, je prend. Parce que clairement, on en est là.

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(1 millions pour la campagne existante)

C’est pas plutôt 10 000$ ?

Labfundr is a social entreprise that is structured as a for-profit company.

Je n’avais pas regardé en détail plus que ça, donc je n’avais pas vu ça. Je ne sais pas trop si 9% c’est un gros montant ou pas. Cela ne me semble pas délirant non plus à priori si ? Je ne sais pas pour une recherche de financement "classique" ce que représentent les divers frais de dossiers et de recherche pour pouvoir comparer un peu.

Sinon, si quelqu’un réussi à me faire une campagne de crownfunding sexy pour qu’on puisse acheter un nouveau super-calculateur, je prend.

Dis que c’est un super calculateur pour lutter contre le cancer des chatons. Et demain il sera financé. Ça fera 9% de frais, ne me remercie pas. :D

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(1 millions pour la campagne existante)

C’est pas plutôt 10 000$ ?

Me suis fait eu par les points/virgules, mais tu as raison.

Je n’avais pas regardé en détail plus que ça, donc je n’avais pas vu ça. Je ne sais pas trop si 9% c’est un gros montant ou pas. Cela ne me semble pas délirant non plus à priori si ? Je ne sais pas pour une recherche de financement "classique" ce que représentent les divers frais de dossiers et de recherche pour pouvoir comparer un peu.

Ça me semble(ait) énorme, du coup je suis allé regardé sur les deux plateformes de crownfunding qui me venaient en tête, ulule (environ 6%) et Kickstarter (environ 5%). Ça aide à relativiser un peu, parce que j’étais convaincu que c’était moins. Bon … Il n’empêche que c’est pas à une entreprise privée d’avoir à s’occuper de ça :)

Dis que c’est un super calculateur pour lutter contre le cancer des chatons. Et demain il sera financé. Ça fera 9% de frais, ne me remercie pas. :D

Demandred

Ça marche. Tu prend les mandats Western Union ?

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Très intéressant comme discussion !

Je suis d’accord que la recherche fondamental ne doit pas se travestir et doit continuer à être financer par l’état. En revanche pour les recherches appliquées je pense qu’encourager les collaborations entreprises-université seraient une bonne chose. Je pense notamment aux thèses CIFRE. C’est un véritable gagnant gagnant pour l’entreprise et l’université. En plus je pense qu’une partie des recherches doit pouvoir être publique parce que sans intérêt immédiat, ce qui n’empêche pas non plus l’entreprise de bénéficier d’avancées.

Je reste sceptique au financement massif privé des recherches à intérêts courts-termistes pour trois raisons :

  • Qui décide ce que doit trouver un chercheur ?
  • Si un tel domaine ne reçoit plus (ou peu) d’argent public, peut-il survivre à une crise économique ou à un changement d’intérêt des industriels ?
  • Si l’Etat se voit profiter d’un tel système, il va nécessairement diminuer son apport et donc exposer l’ensemble de la recherche à la précarité. Tous les domaines où les applications seront moins profitables devront lutter beaucoup plus pour survivre.

Ainsi, que ce soit les domaines qui profitent de l’argent privé ou non, des problèmes surgissent.

Bien que je ne sois pas un anti-capitaliste, je pense sincèrement qu’au sujet de la recherche, de la culture et de l’éducation, c’est à l’Etat d’être providence. Ça garantit l’indépendance et met un frein à la précarité déjà énorme en France.

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À ce propos de financement public de la recherche, c’est tout simplement nécessaire ; les industriels n’ont pas les moyens de lancer de vastes programmes de recherche sur tout et n’importe quoi. Seul un état peut se permettre de financer des projets de recherche +/- vagues, +/- appliqués. De tels projets de recherche peu appliquée (mais forcément un peu, l’État peut pas payer les gens à faire des trucs inutiles) sont nécessaires puisqu’on ne sait tout simplement pas encore à quoi ça peut servir ni même à quoi ça va déboucher. Des chercheurs ont crée le terme de sérendipité pour cette notion.

A contrario, une fois que la recherche publique a investi massivement pour explorer le champ des possibles, seuls les industriels ont les moyens pour le développement de nouveaux produits ; typiquement seuls les industriels ont les moyens pour créer de nouveaux médicaments. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se passer ni de l’un ni de l’autre.

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Pas dans le sens où tu l’entends. Mais la recherche est financée par l’argent public, donc par la population. Tout se passe comme si la population déléguait une partie de la richesse qu’elle produit à des gens pour ensuite profiter de leurs travaux. Si je caricature et que je dis que travaille sur l’élevage de kangourous au Groenland, la réaction normale serait de me rire au nez.

Donc oui, la plupart des travaux sont pour être appliquée in fine. Au cancer, à la fusion nucléaire, à ce que tu veux, quand bien même ces sujets seraient très éloignés de ces grands thèmes. Sinon,oui, je te le dis, ce qui n’est pas applicable ne peut pas être financé par l’argent public.

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Sinon,oui, je te le dis, ce qui n’est pas applicable ne peut pas être financé par l’argent public.

Donc l’archéologie, la littérature, la philosophie, etc. c’est pas applicable et donc pas finançable ?

Ce n’est pas parce que ça n’est pas applicable que c’est inutile. C’est utile en soi. La connaissance a un intérêt en soi.

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