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Interview : Rencontre avec Abdelazer

Nous recevons aujourd’hui Abdelazer, qui va nous parler, entre autre, de création de jeux vidéos.

Bonjour Abdelazer !

Dis-nous : qui es-tu et que fais-tu ?

Salut à tous. Tout d’abords merci de me proposer une interview ;)

Je suis donc Abdelazer. J’habite en Suisse et je termine actuellement ma formation. J’étudie à l’Université de Fribourg et je suis en train de faire mon travail de master en Informatique. J’ai donc une formation dans l’informatique mais je me suis spécialisé, par moi-même et aussi au travers des cours que j’ai pris, en Data Visualisation1. Mon travail de master est d’ailleurs dans ce champ là. J’essaye de faire une visualisation de Deep Neural Networks dans l’objectif de mieux comprendre où et comment ces réseaux stockent l’information.

Durant mon bachelor, outre l’informatique, j’ai aussi fait de l’histoire de l’art de la science de la communication. Ça me donne un profil un peu particulier, entre design et informatique pure. À côté de l’uni, je fais des mandats en freelance plutôt orienté vers du développement web, histoire de pas crever de faim.

Je suis (ou plutôt j’étais jusqu’à cette année) pas mal impliqué dans de l’associatif local en organisant notamment un festival de musique (au poste de programmateur2 et chargé de communication) ce qui m’a aussi permis de faire plus concrètement des sites, une identité graphique, toute la gamme d’affiches/flyers nécessaire mais aussi de la déco à plus grande échelle :

Vous pouvez observer une raie manta de 18 mètres par 12 dans ce qui est, à la base, la salle de gym d’une école primaire ;)

Je fais aussi un peu de musique (guitare et trompette), du badminton et de la danse orientale sur poney.

Finalement, avec une équipe de pote on a lancé Asylamba, un jeu web dans la lignée des fameux Ogame ou Grepolis et, plus récemment, Asylamba: Influence, un de jeu de stratégie.


  1. Trouver des moyens de visualiser des données complexes pour essayer de mieux les lire, de mieux les interpréter. 

  2. Ce qui me permet de dire que je suis programmeur ET programmateur. 

Tu vas sortir un jeu ! On veut tout savoir !

Alors oui, Asylamba: Influence (on l’avait présenté sur le forum des projets) vient de sortir sur Steam. C’est une sacrée aventure.

Donc, pour résumer et contextualiser mon background dans le jeu vidéo, on a commencé avec quelques potes, il y a maintenant près de 7 ans, à développer un jeu de gestion par navigateur. Le truc était super ambitieux, avec des dizaines de mécaniques de jeu, un monde persistant, type MMO; bref, un beaucoup trop gros truc pour des gens qui savaient à peine coder à l’époque !

Bon, contre toute attente, on s’en est pas trop mal sorti. Le jeu, qui n’est jamais vraiment sortit de sa bêta, a vu se succéder de nombreux serveurs. Au plus fort de la hype on avait près de 1000 joueurs actifs et une moyenne hallucinante de 40 minutes de jeu par jour et par joueur ! Ça a été une super expérience, on a monté une communauté extrêmement forte. Et c’était très enrichissant. Ça prenait un de ces temps par contre !

Après, il faut se l’avouer, la base de code était à mi-chemin entre la cuisine anglaise et la tourista indienne (là je ne mets pas de photo, je pense qu’on voit tous de quoi je veux parler ;) ). Donc finalement on a open-sourcé le code du jeu et on a arrêté le projet il y a bientôt deux ans.

Et c’est à ce moment là que naît Asylamba: Influence. L’idée était de repartir sur un projet plus petit et un projet où, surtout, le game design était placé au centre du processus. On a repris l’univers du jeu précédent, un truc spatial (si ça intéresse des gens il y a plein d’info sur le wiki).

Asylamba: Influence, une brève vue du jeu

On a donc fait un jeu de stratégie en temps réel, avec une interface assez minimaliste mais avec une identité graphique forte. 3 mécaniques de jeu principales montées dans 2 campagnes qui offrent environ une trentaine d’heures de jeu. C’est entre de la stratégie et du puzzle game à certains moments. Ça a été une super expérience de faire de A à Z un projet comme ça. De la musique à la traduction (il est disponible en 5 langues1), du sound-design au tutoriel interactif, la promo, l’équilibrage, le level-design et encore pleins d’autres facettes que j’oublie probablement.

Il vient de sortir sur Steam, comme je disais un peu plus tôt, et donc on verra bien les retours. On est actuellement en pleine promo et si certains d’entre vous sont intéressés à le tester, à y jouer des heures voir à essayer de le speed-runner, ça nous fera bien évidemment énormément plaisir (n’oubliez pas de mettre une petite review sur Steam, ça aide énormément au référencement du jeu sur la plateforme). On a décidé de le vendre à 6 francs. Le jeu est petit et franchement on préfère avoir beaucoup de téléchargement et gagner moins que l’inverse. C’est plus valorisant.

Bref, donc oui, une sacrée aventure. Et on verra pour la suite, si on remet le couvert ;)


  1. Français, Anglais, Italien, Russe et Allemand. 

En quoi a consisté ton travail sur Asylamba: Influence ?

J’ai développé la structure et le framework de rendu. On bosse sur nwjs (donc des technologies web) et c’est moi qui aie fait en sorte que le rendu du jeu se fasse bien. J’ai bien sûr repris plein de libs dispos sur internet, hein, on a pas tout codé à la main.

A côté, j’ai fait tout ce qui est interface (UI/UX), logos, pictogrammes, mise en forme et animations. De manière générale, je me suis occupé de la direction artistique du projet. Ça implique un peu de photoshop et beaucoup de CSS. Les menus sont basiquement entièrement en CSS et le jeu en lui-même, c’est presque que du SVG. Bosser sur ce projet m’a vraiment permis d’approfondir ce langage et c’est cool, parce que c’est super puissant et ça marche sur un navigateur, donc ça offre de belles perspectives. J’ai aussi fait un peu de scénarisation et de level-design.

Menu de campagne : c’est typiquement le genre d’interface que j’aime bien faire ;)

Par contre on est quand même trois (4) à avoir participé au projet de façon intensive. Et c’est important de le mentionner je trouve.

Jacky, actuellement en doctorat à Fribourg, s’est occupé principalement de la logique du jeu, du développement de l’IA et de l’intégration à Steam. C’est aussi lui qui s’est chargé de superviser la traduction.

Noé, qui, comme moi, finit son master en informatique, a fait principalement la logique du jeu. À côté de ça, c’est lui qui a fait la musique et le sound-design ainsi qu’une bonne partie de l’écriture et du level-design.

Enfin, Sandrine, nous a fait les quelques illustrations que vous pourrez voir dans les menus du jeu.

Quelles sont les choses qui t'ont le plus intéressé ? Et le moins ?

Les plus

Concevoir le système de règle, réfléchir à toutes les mécaniques, faire en sorte qu’elles marchent ensemble et qu’elles soit intéressantes. Aussi, bien sûr, mettre en forme visuellement le projet, plein de petits trucs que je trouve très réussi (la carte de la galaxie dans le menu des missions, l’animation de chargement d’une map). Souvent d’ailleurs c’est des détails pour le joueur.

Les moins

Toutes les problématiques liées à la traduction (les textes qui deviennent trop long dans une langue, les variables dans des chaînes qui en plus s’accordent différemment). Je comprends que ce soit très important et que c’est cool qu’il y ait plein de langues et tout et tout, mais traduire un truc c’est vraiment relou.

Aussi toute la partie vente et promotion me plaît pas trop. On est obligé de le faire, c’est un peu con de mal le faire (après 2 ans de job sur le projet c’est dommage de gâcher la sortie) mais clairement, ça me saoule.

Un conseil à donner à ceux qui voudraient créer leur propre jeu ?

Alors d’abord je pense pas qu’il ne faut pas le faire pour l’argent. Il vaut mieux être passionné. On peut, bien sûr, faire un jeu qui rapporte, mais avec l’explosion actuelle des jeux indés, franchement c’est chaud.

Ensuite les conseils que je pourrais donner sont (bon après faut pas non plus trop me faire confiance, hein) :

  • Un jeu, c’est pas un empilement de mécanique. Très souvent (et c’est ce qu’on a fait avec Asylamba, notre premier projet), on a envie d’ajouter encore et encore des trucs dans le jeu; parce que c’est cool, parce que c’est plus réaliste, parce qu’on l’a vu dans un autre jeu. Le problème c’est que chaque mécanique qu’on ajoute interfère avec les précédentes et augmente la complexité finale du jeu. On est très vite en train de créer un monstre difforme et tout triste, impossible à prendre en main et impossible à maintenir;
  • Choisir et savoir ce que l’on veut comme jeu. À nouveau, comprendre que si l’on veut un jeu de gestion, ajouter une mécanique qui sors de ce genre, et bien ça peut être dangereux, ça peut ne pas parler au public qu’on va viser, brouiller le message, un peu comme quand on lave du linge blanc et du linge pas blanc1. Il faut bien se poser au début de la création et se demander quel va être le but et la finalité du jeu et construire sur cette base;
  • Ne pas oublier le fun, c’est fun un jeu, normalement;
  • Proposer un vrai univers, original. On s’en est rendu compte dans la création du premier jeu. Malgré le nombre proprement incalculable de bugs et les défauts criant de conception, le jeu a trouvé un certain public et a été très apprécié. Et je pense que c’est dû, en partie, à la radicalité des choix de l’univers, des choix artistiques qu’on a faits. Et c’est typiquement sur ce terrain qu’un jeu indé peut surpasser un AAA. Parce que dans les grosses productions, il y a 15 commerciaux qui font des études de marché et qui se basent sur leur petit manuel du meilleur commercial et qui finalement pondent un univers très conventionnel, qui n’innove pas, fade.
  • Faire un jeu c’est long. C’est vraiment très long. Pensez à un truc très long2, bah c’est encore plus long. Et du coup, faut pas s’attendre à le finir en deux jours. Et c’est quelque chose qu’il faut prendre en compte dès le début.

Bref, je suis pas non plus un expert, mais voilà ce que je pourrais en dire.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, on a tenu, tout au long de la création d’Asylamba, un blog de développement avec aujourd’hui près de 150 articles. Alors il y a dans le lot pleins de trucs pas très intéressants mais comme on s’est obligé à le faire pratiquement tout le temps, ça peut montrer tout le cheminement, les problématiques rencontrées et les solutions trouvées.


  1. Ça marche moyen… 

  2. Genre faire cuire des pâtes, mais beaucoup. 

Tu es aussi développeur pour ZdS. Peux-tu nous en dire plus ?

Alors bon, je suis dev de ZDS certes. Mais j’ai pas énormément contribué finalement. J’ai surtout proposé et implémenté la bibliothèque et je suis très content qu’elle ait reçu un bon accueil. Comme je disais plus tôt, je suis plus orienté sur le design et c’est ce qui me plaît le plus. J’ai principalement présenté des maquettes ou des implémentations CSS pour le site. J’ai proposé plus récemment deux autres maquettes mais si on se fie au sujet sur la bibliothèque, le premier post date de décembre 2015 et l’implémentation finale d’août 2017, donc bon.

De manière générale je trouve le projet vraiment très bien et l’équipe en général très sympa. Si je peux émettre une critique sur le projet, par le billet de cette tribune qui n’en est pas une, c’est très clairement un manque de vision et de gouvernance.

On a d’un côté, des anciens beaucoup moins impliqués qui restent (par statu quo certes, mais qui restent) aux commandes. De l’autre une communauté qui se cherche, plein de gens un peu motivé mais qui ont pas trop le temps (j’en fais partie).

Ce que moi, en tant que dev-sur-zds j’attendrai de la part de la communauté c’est vraiment un cap. Dire :
— Ok. Dans la version suivante on améliore l’interface d’édition de contenu parce que là c’est un peu la demer !
D’accord, faisons comme ça !

Voilà. Hashtag mytwocents.

Le mot de la fin ?

Un mot de la fin ? Sans hésiter : #mesper.


Merci à Abdelazer de s’être prêté au jeu.

9 commentaires

— Ok. Dans la version suivante on améliore l’interface d’édition de contenu parce que là c’est un peu la demer ! — D’accord, faisons comme ça !

j’ai pas envie de spoiler le prochain récap communautaire, mais là on a deux grosses demandes de la communauté qu’il faudra faire pour la v28. Et on continuera pour la v29, ça a l’air d’être apprécié comme méthode.

Reste une question fondamentale :

Ça représente quoi / qui, ton avatar ?


En tout cas, bravo pour votre jeu, j’espère que la délicate et imprédictible phase de promotion / vente se passera bien. ;)

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