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Le racisme lesquennien - Antidote

Je ne vais pas être tendre, je vous préviens

“Antidote” est une série d’article qui n’ont pour seul point commun que je cherche à réfuter des argumentaires auxquels je suis plus ou moins opposé, que ça aille du léger désaccord qui fait froncer les sourcils au vif ressentiment.
En l’occurrence, j’abhorre les idées de mon contradicteur.

Bon, vous l’avez lu, ça traite de racisme. Donc il y aura beaucoup, beaucoup de guillemets ^^ .

Oui, à nouveau, je m’occupe d’un sujet polémique ; à nouveau, cela concerne des idées malfaisantes. Mais je suppose que peu des lecteurs seront, j’espère, en désaccord avec ce que je défends.

Ce qui nous occupe aujourd’hui, c’est quelqu’un qui utilise les médias actuels (YouTube, réseaux sociaux divers) pour diffuser des idées passées d’âges : Henry de Lesquen. Souvent moqué sur la toile (à juste titre), je préfère prendre ses mots au sérieux et les réfuter, car la pire attitude, face à de telles opinions, est d’y être dogmatiquement opposé, sans pouvoir dire pourquoi. Ou plutôt comme le dit Wilhelm Reich :

En se moquant du [mensonge], en le qualifiant simplement d’« obscurantisme » ou de « psychose », on ne forge pas d’arme contre lui.

Psychologie de masse du fascisme, Wilhelm Reich, p. je-ne-sais-plus-combien.

Je vous conseille donc de voir la vidéo concernant les races d’après M. de Lesquen 1, non parce que j’estime (vous l’aurez compris) qu’elle véhicule quelque vérité, mais plutôt qu’il est un exercice sain de démonter son discours point par point.

Bref, on va déconstruite tout ça et, les arguments de notre contradicteur vont eux-mêmes nous aider, puisqu’ils ne sont pas de la dernière fraîcheur :D … Enfin, vous allez voir ça.


  1. Au cas où, un jour, la censure YouTube se révèle (enfin) efficace, voici un bref résumé de la vidéo :

    De Lesquen reprend l’opinion de Carleton Coon, anthropologue américain du siècle dernier, qui distinguait 5 races issues de l’Homo erectus : les Caucasoïdes, Mongoloïdes, Congoïdes, Capoïdes & Australoïdes. Une image sur Wiki Commons montre la répartition supposée de ces “races” sur le globe. Ces dernières seraient elles-mêmes subdivisées en sous-races, la “race Caucasoïde” étant par exemple subdivisées en sous-races : nordique, alpine, méditerranéenne.
    De Lesquen énonce deux éléments-clés qui montreraient, d’après lui, la différence des races : le Q.I. et, pour citer ses mots, « les niveaux de civilisation ». Nous démonterons ces deux critères.
    Enfin, utilisant cette théorie raciale, il affirme que la France est en danger si elle contient trop d’individus non-Caucasoïdes, au point de perdre son identité. La “solution”, d’après lui, est non seulement de stopper tous les mouvements d’immigrations, mais carrément d’inverser la tendance en faisant ré-immigrer les non-Caucasoïdes (des Maghrébins, particulièrement, c’est étrange :-° ) dans leurs pays d’origine. Je ne consacrerai pas mon propos à cette proposition ; simplement, puisque le Maghreb et les pays du Proche-Orient, d’après la carte que j’ai trouvée, sont Caucasoïdes, tout semble tomber à l’eau. Plus globalement, si le concept de race est invalidé, la ré-immigration qui en découle l’est d’autant plus.

Une jolie présentation

Avant de me préoccuper du fond, je m’attaquerai brièvement à la forme, pour soulever quelques points.

Tout d’abord, et dès les premiers mots, de Lesquen se montre offensif sur ce thème, affirmant sans sourciller qu’il s’agit, pour le citer, d’une « évidence », d’une chose « élémentaire », alors même qu’une part non-négligeable (et, je crois, majoritaire) de ses contemporains soutiendrait le contraire. Nous avons donc affaire à quelqu’un qui affirme plus qu’il ne doute − car il sait que c’est cette attitude seule qui peut se montrer persuasive.

En dépit de cette vigueur assertive, notre soliloqueur tâche de paraître scientifique (par indications directes et indirectes), se permettant quelquefois des formules dubitatives qui ne sont, en fait, que des interventions cosmétiques pour paraître davantage rigoureux intellectuellement : par exemple, il précise que l’on ne peut réduire l’individu à sa race, que les différences entre races seraient des différences moyennes (alors qu’il propose, globalement, de bouter la majorité des non-Caucasoïdes hors de France), ou que la couleur n’est pas forcément un excellent indicateur de la race ; de même, il signale que ces données racistes sont valides « sous réserve des incertitudes statistiques, qu’il faut avoir à l’esprit ». Toute la réfutation contenue dans ce billet montre que si, justement, de Lesquen avait voulu être scientifique, sa démarche aurait été toute autre : c’est donc un scientifisme de pacotille qu’il affecte là.

Enfin, je m’amuserai rapidement de la citation qu’il fait du général De Gaulle (je n’ai pas vérifiée qu’elle était authentique), que l’on pourrait facilement interpréter comme un appel à l’autorité. Je signale d’ailleurs que le christianisme dont se réclame de Lesquen est, dès ses textes fondamentaux, opposé à la division de l’humanité en races (ou autre critère de division) les unes supérieures aux autres 1.


  1. Citations à l’appui, en vrac (non exhaustif) : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19) ; « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » (Gal 3, 28) ; la Pentecôte touchant tous les peuples : « Partes, Mèdes, Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de la Libye Cyrénaïque, Romains, [etc.] » (Ac 2, 9-10) ; concernant l’ouverture de l’Église aux différentes peuplades, on peut parler particulièrement du passage de l’eunuque éthiopien (Ac 8, 29-37) ; enfin, pour les catholiques conciliaires : « Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée, comme contraire au dessein de Dieu » (Gaudium et Spes, 29, paragraphe 2).  

Support théorique : C.S. Coon

Comme vous le savez, de Lesquen s’appuie quasi-exclusivement sur la théorie de l’américain Carleton Coon, principalement sur son ouvrage L’Origine des Races, paru en 1962. Cet ouvrage, comme la vidéo étudiée, divise l’humanité en 5 races, qui seraient issues de l’Homo erectus, se différenciant par mécanisme de cline 1. Deuxième point, cette théorie, comme affirmé dans la vidéo, repose sur l’hypothèse polycentrique de l’humanité (modifiée), c’est-à-dire que l’homme serait apparu, grâce à l’évolution, sur plusieurs continents à la fois, avec des variations selon les régions, variations qui, amplifiées, auraient pu donner des distinctions raciales.

D’autres éléments pourraient être rajoutés, mais ce sont les principaux et ils permettent à eux seuls une réponse solide.
Tout d’abord, même si ça peut sembler ridicule de le souligner, ce livre commence à dater : beaucoup de choses ont été découvertes après, notamment avec les méthodes de séquençage ADN, qui se sont révélées diablement efficaces pour creuser le sujet − à titre symbolique, même Lucy a été découverte après. La conséquence directe de l’ignorance des découvertes biologiques modernes (involontaire pour Coon, mais délibérée pour de Lesquen) semble être l’ignorance du fait que l’espèce humaine a été une espèce buissonnante 2 tout au long de son existence et que, de facto, une subdivision aussi simpliste à partir de l’Homo erectus est irréaliste.
Enfin, la théorie polycentrique, que de Lesquen estime « la plus vraisemblable », est justement mise à mal par les recherches génétiques et les fouilles, qui penchent plutôt en faveur du modèle “Out of Africa”, qui veut que l’homme provienne, grossissimo modo, d’Afrique. Je vous laisse consulter les détails de ces théories et les preuves associées sur la page Wikipédia dédiée. On peut donc raisonnablement pencher pour le modèle “Out of Africa”, quoiqu’à nuancer à cause de traces d’hybridation (de quoi foutre un peu plus le bazar dans la phylogénèse :D : on est buissonnant ou on ne l’est pas !).

Il y a évidemment beaucoup d’autres choses à dire, on ne peut résumer tout le travail d’une vie en quelques lignes : cependant, pour progresser rapidement, il nous faut être bref. C’est pourquoi, au lieu d’entreprendre une réfutation globale du racisme qui serait, dans tous les cas, lacunaires, je vous invite à jeter un coup d’œil aux références données en fin de billet.


  1. C’est-à-dire qu’à cause d’un obstacle naturel (cours d’eau, montagnes, etc.), deux populations, initialement complètement similaires, sont devenues différentes. 

  2. Petite définition :

    On parle d’une lignée buissonnante, par opposition à une ligne droite. De nombreuses espèces humaines ont existé et coexisté : […] les espèces humaines ont pu se suivre (Neanderthalensis afarensis est antérieure à Homo erectus), exister de manière concomitante mais sur des continents différents (Homo erectus en Asie et Homo ergaster en Afrique existaient tous deux entre -2 et -1 millions d’années) ou cohabiter en même temps dans la même zone géographique (Homo sapiens et Homo neanderthalensis, en Europe, entre -40 000 et -30 000).

    Gabbro, dans un billet captivant :3

Les critères de différenciation raciale

Une fois la distinction entre ces 5 races opérée, la question de la “supériorité raciale” se pose : il y répond sans ambages que « rien n’est égal dans la nature ». C’est une affirmation que je n’infirmerai ni ne confirmerai : voyons plutôt quels justifications il donne à cette prétendue supériorité de certaines races sur d’autres.
À ce que j’ai compris, il en avance 2 :

  • Les différences de Q.I. entre “races” ;
  • Les différences de « niveaux de civilisation » (pour reprendre ses mots).

Le Q.I.

Pour le premier critère, il s’avère que, grâce à mon parcours, j’ai la possibilité de contacter un maître de conférence en psychologie différentielle (la branche de la psychologie qui s’occupe des tests psychologiques et des différences inter-individuelles). Durant la discussion entamée à ce sujet, il a validé trois limites que j’avais formulées :

Le Q.I. est un indicateur de l’intelligence : cela signifie à la fois qu’il n’est pas le seul, et qu’il ne met en lumière qu’une facette partielle de ce phénomène.

1ère objection

Je crois que mon auto-citation est assez claire pour ne pas être explicité. Simplement, je précise que l’intelligence est une thème qui prête vraiment à débat, comme l’annonce la fin de ma phrase : on se contente généralement d’en saisir une facette, et c’est déjà beaucoup. Pour vous donner une exemple du débat, certains affirment que l’intelligence est un phénomène monocausal, dépendant d’un seul facteur que l’on appelle le facteur g (coucou Spearman), tandis que d’autres affirment qu’il est plurifactoriel (les époux Thurstone, plus près de nous Sternberg, etc.).
Bref, pour revenir à nos moutons, il faut se sortir de la tête que “Q.I. = intelligence”, parce que d’abord le Q.I. informe sur l’intelligence, et ensuite parce qu’on ne sait pas trop ce qu’est l’intelligence. Par conséquent, on ne peut pas rigoureusement dire que quelqu’un de 150 de Q.I. est plus intelligent que quelqu’un de 100, c’est trop catégorique.

Le niveau de scolarisation influence le Q.I. (enfin, je crois) : comme la différence de scolarisation entre les pays “blancs” et “noirs” (pour utiliser ces typologies erronées) est très importante, la différence de Q.I. l’est tout autant.

2ème objection

En fait, il n’y a pas que la scolarité qui influe (climat familial, santé, etc.), mais il faut bien comprendre que le Q.I. n’est pas une donnée fixe. Elle varie au cours de la vie, des circonstances, des tests-retests (si vous faites passer 5 fois le même test, au bout d’un moment, l’examiné sera excellent). Bref, il faut que les études de Q.I. égalisent les influences du milieu.

Certains facteurs culturels peuvent faire varier le résultat au test de Q.I. […] : en effet, le test de Q.I. prend en compte la capacité analytique de l’examiné, qui varie selon [la culture] (car tendance holistique pour les cultures collectivistes ; analytique pour les cultures individualistes).

3ème objection

En effet, les tests européens de Q.I. mesurent ce qu’est l’intelligence dans notre référentiel culturel (je ne dis pas qu’il n’y a pas d’universaux dans l’intelligence, simplement qu’il n’est pas qu’universel) : j’ai par exemple donné l’exemple de la capacité analytique, qui varie selon la culture et donc selon l’ethnie (on appelle ça, en gros, la dépendance à l’égard du champ – documentez-vous dessus, c’est très sympa).

Pour compléter cela, les participants faisant partie des populations jugées moins intelligentes et passant le test risquent d’avoir une réaction à la menace du stéréotype, c’est-à-dire qu’ils se conforment à ce qu’on attend d’eux. L’expérience qui a démontré cet effet porte justement sur ce thème (Steele & Aronson, 1995) ! Typiquement, vous soumettez une femme blanche, un homme noir et un homme blanc à une épreuve, en disant qu’il s’agit de mathématiques : les deux premiers participants auront un score sans doute inférieur au troisième. Vous faites passer un test de même contenu, mais en le présentant sous un angle plus informel : l’écart va diminuer… À nouveau, jetez vous-mêmes un coup d’œil aux liens que je vous donne : ce sont peut-être des pages Wikipédia, mais elles sont bourrées de références, de sources, etc.

En tout dernier lieu, sur ce sujet, le maître de conférence dont je vous ai parlé m’a conseillé un livre, La mal-mesure de l’homme du fameux Stephen J. Gould, qui fait l’historique des pratiques racistes, eugénistes et suprémacistes 1 dès le XIXème jusqu’à son époque, tout en les réfutant point par point

Le « niveau de civilisation »

Cet indicateur est encore plus facile à démonter, puisqu’il n’y a rien d’objectif : comment mesure-t-on un « niveau » d’une civilisation, et comment le trouve-t-on supérieur ou inférieur à celui d’une autre ? C’est donc seule la subjectivité du juge qui prime, dans ces considérations, et donc, in fine, sa propre culture. Si l’on n’a entendu parler que de l’Europe, il est logique que l’on juge l’Europe plus brillante que le reste du monde.
D’où ma question à ceux qui juge de la supériorité de certaines “races” en raison de « niveau de civilisation » : avez-vous entendu parler de l’empire monghol, fondé, comme son nom l’indique, par des Mongoloïdes, couvrant 33 millions de km2 lors de son acmé ? Pour rester dans le Mongoloïde, comment ne pas citer les dynasties japonaises et chinoises, la dynastie Chola, qui a duré environ un millénaire, l’empire khmer ? Les Congoïdes et Capoïdes ne sont pas en reste, avec l’empire Songhaï, étendu de 3 millions de km² 2 et sera incorporé à l’empire du Mali, plus large encore ; notez aussi l’empire d’Éthiopie, âgé lui aussi d’un millénaire environ. Bien sûr, les éléments de temps et d’espace que j’ai donné précédemment ne sont que des indicateurs très bruts et très approximatifs du « niveau civilisationnel ». On peut par exemple évoquer la culture de Nok, dont la longévité n’est égalée que par la complexité et le raffinement. Je n’ai pas parlé non plus du rayonnement culturel océanien, que l’on pourrait également exemplifier de très nombreuses manières. Enfin, que l’on voit une brève liste, très partielle, des inventions de l’humanité : quelque “race” a-t-elle à rougir de son ininventivité ? Le croissant fertile concentre, bien sûr, de nombreuses inventions, car l’époque y était propice, mais cela reste une circonstance contingente.

Ainsi donc, à l’issue de cet examen, les deux éléments cités pour classer les “races” sont bien fragiles et ne peuvent servir de base à une quelconque hiérarchisation.


  1. Je ne sais pas pourquoi, cette description m’évoque directement Galton… Il faut croire que ce bougre m’a marqué ^^

  2. Merci qwerty pour l’estimation, tu gères <3 . 

L'objection “lyssenkiste”

Au bout d’un moment, la vidéo s’arrête et laisse place à une question sur fond noir :

Que répondez-vous aux scientifiques lyssenkistes qui affirment que la variabilité génétique intra-raciale est supérieure à la variabilité génétique inter-raciale (et que, de ce fait, les races humaines n’existent pas) ?

Euh, on ne sait pas trop. Sans doute une personne qui pose la question à de Lesquen. À moins qu’il soit schizo ?

On va déconstruire cet élément en deux temps : déjà, dire ce que sont les lyssenkistes, ensuite pourquoi la réfutation de cette objection est fallacieuse ?

Un bref point d’histoire : qu’est-ce-que le lyssenkisme ?

Trofim Lyssenko est un notable soviétique qui a dit découvrir, pendant les années de famine de l’URSS, une technique infaillible pour faire augmenter les récoltes. À la fois parce que son message correspondait à l’air du temps que par piston, il a réussi à gravir les échelons sous Staline, et à être nommé à des instituts scientifiques prestigieux. Ses conceptions scientifiques sont alors extrêmement conditionnées par la doctrine communiste (refus de la lutte pour la vie Darwinienne, l’hérédité Medelienne etc.), aboutissant quelquefois à des absurdités que vous pouvez constater par vous-mêmes. Lyssenko est donc un pseudo-scientifique qui utilise la science pour légitimer sa doctrine : n’est jugé alors scientifique que ce qui est conforme au dogme.
Par extension, tout scientifique dogmatique peut être taxé de « lyssenkisme », quoique, sans prendre parti, cette insulte est généralement utilisée par les pamphlets d’extrême-droite.

En somme, l’on accuse les scientifiques anti-racistes d’être dogmatiques au point de ne pas constater la réalité reconstituée/modélisée d’après les résultats scientifiques. Même si l’on ne pourra jamais dire que l’anti-racisme n’est absolument pas dénué de dogmatisme, il semble que l’attitude dogmatique revient plutôt aux racistes, au vu des réfutations précédentes. Mais passons au cœur de cette réfutation.

Pourquoi la réfutation est-elle elle-même fallacieuse ?

L’on peut résumer la réfutation formulée par notre soliloqueur par : « cette objection ne fait que prouver qu’il existe d’autres critères de classement, ce que l’on ne niera jamais (on peut classer les gens par taille, sexe, poids, etc.). Simplement, cela n’enlève pas que le classement racial reste légitime ». Voilà ce qu’il dit.

Je pense que vous saisissez combien cette réfutation est à côté de la plaque 1… Non ? Eh bien c’est simple : si l’on catégorise des éléments, c’est pour qu’ils forment des groupes plus ou moins distincts les uns des autres, c’est-à-dire où la variabilité entre les objets dans le groupe (variabilité interne) est inférieure à la variabilité entre des objets de différents groupes (variabilité externe). Ici, l’on regarde les paramètres génétiques, puisque la question de la race est génétique (puisqu’elle est censée être héréditaire) : et cela ne semble pas fonctionner. Ergo, le contre-argument qualifié de “lyssenkiste” est bien valable et c’est la réfutation de ce dernier qui l’est moins.


  1. Pour être précis, c’est un sophisme de l’homme de paille : on déforme les propos adverses pour les réfuter plus facilement. 

Verdict : reductio ad hitlerum ou critique fondée ?

Lecteurs, lectrices, soyez heureux, le temps du point Godwin, qui me démangeait depuis le début, est enfin venu ! Alors on va faire les choses proprement :
Source : geeksleague.be − Licence inconnue

La question se pose, en fait : si l’on a l’habitude de penser « nazisme » après avoir évoqué le racisme, il faut être prudent, car cette association d’idées peut s’avérer trompeuse. En effet, de Lesquen a-t-il proposé une quelconque extermination, un quelconque eugénisme, une quelconque persécution des individus jugés appartenant à une “race inférieure” ? La seule atteinte aux libertés fondamentales qu’il incite à réaliser est celle à la liberté de circuler et d’habiter librement sur quelque surface de la terre. Incite-t-il à la violence, à la haine ? Non, simplement au mépris (même pas explicite) des “races inférieures” et à certaines discriminations à leur égard, quoiqu’il incite à faire du cas par cas, en disant que les différences qu’il attribue à la race sont moyennes, et pas systématiquement de même degré.

Et pourtant, malgré tout cela, je pense que l’association entre la doctrine lesquennienne et le nazisme est possible et honnête intellectuellement. Pas forcément avec les pratiques nazies en fin de guerre, mais avec les pratiques nazies que l’on pourrait qualifier, en les euphémisant, de “modérées” : ce que j’entends par là, c’est la politique de Judenreinisation des débuts nazis, c’est-à-dire de l’exil des Juifs habitant en Allemagne.
La proposition de ré-immigration de De Lesquen n’est pas si différente de cela, en fait. La rhétorique est la même : en se basant sur une théorie raciste, le pays est, d’après eux, envahi par les races inférieures, qu’il faut donc bouter hors du pays, pour le garder intègre et rayonnant. Ces trois éléments montrent donc une convergence entre racisme nazi et racisme lesquennien, convergence difficile à nier. D’où le fait que le ratio pouce bleu/pouce gris me rassure grandement, puisqu’il montre que la résistance à de telles idées est majoritaire, résistance que je souhaite contribuer, par cet article, à justifier.

Conclusion : pour aller plus loin/ailleurs

Voilà, c’est en fini pour la réfutation de cette vidéo qui, quoique relativement facile à débunker, s’est révélée riches en éléments divers (nous sommes quand même passés de la biologie phylogénétique à l’histoire culturelle et politique, en passant par la psychologie ;) ) . J’espère que ce premier épisode d’“Antidote” vous aura plu : vous pouvez bien sûr le compléter en commentaires, pour donner plus de précision et d’acuité à cette réfutation.

Pour aller plus loin : sur le racisme en général


Image issue de la miniature YouTube du compte concerné, l’image d’erlenmeyer de Zlatko Najdenovski (trouvée sur IconFinder \o/) et la charte graphique de ZdS.

18 commentaires

Excellent article ! De lesquin est un sacré personnage quand même. Au début, je me suis demandé si c’était un fake, une grosse parodie. En fait, non, des gens pensent vraiment comme ça :/

+4 -0

De lesquin est un sacré personnage quand même. Au début, je me suis demandé si c’était un fake, une grosse parodie. En fait, non, des gens pensent vraiment comme ça :/

qwerty

Effectivement ! Moi aussi, l’idée m’est venu de le considérer comme un fake, étant donné qu’il dispose visiblement d’une équipe plutôt professionnelle, qui maîtrise les codes “internetiens” (il n’y a qu’à voir tout son support graphique : bannière, miniatures, etc.). Donc, cela me rend plus perplexe qu’autre chose, puisque le fond est, comme je l’ai montré, passé de date…

+3 -0

Effectivement ! Moi aussi, l’idée m’est venu de le considérer comme un fake, étant donné qu’il dispose visiblement d’une équipe plutôt professionnelle, qui maîtrise les codes “internetiens” (il n’y a qu’à voir tout son support graphique : bannière, miniatures, etc.). Donc, cela me rend plus perplexe qu’autre chose, puisque le fond est, comme je l’ai montré, passé de date…

Dwayn

Et c’est je trouve ce qui le rend vraiment dangereux. Il maîtrise à merveille les réseaux sociaux, pour diffuser au mieux ses idées nauséabondes.

On notera que De Lesquen a finalement été viré de Radio courtoisie, car jugé trop raciste pour cette antenne (qui en tient déjà une bonne couche).

Merci pour ce billet, complet et bien documenté.

Ce serait cool d’écrire un article sur la Théorie des races. Un petit historique de ce qui à pousser cette théorie à exister, pourquoi elle parue vraie, pourquoi elle est fausse.

Parce que je veux bien admettre que les races humaines n’existe pas mais avec des arguments et un raisonnement valables c’est plus frappant.

+2 -1

Après, en l’occurrence, il s’agit moins d’un historique que d’une critique ciblée ; en effet, De Lesquen ne cite que Carleton Coon : tous les autres théoriciens racistes − Dieu sait combien il y en a eu − sont oubliés.

Mais de telles recherches, même locales, permettent de « dé-dogmatiser » l’anti-racisme car, si l’on a le sentiment que c’est inique, on n’a pas toujours toutes les armes en main.

+0 -0

Sur des questions comme ça, placer le débat sur l’aspect ’scientifique’ est une erreur. C’est entrer dans le jeu de de Lesquen.

Prenons 1000 français ’représentatifs. Et classons-les du plus raciste au moins raciste. Les n° 1 à 100 voire 150 sont plus ou moins acquis à la cause de Lesquen.

Les n° 350 à 1000 sont acquis à l’autre cause. Le débat, c’est de convaincre les indécis, les n° 100 à 250. Et si en face ce lui, de Lesquen a un contradicteur qui argumente sur le thème "il n’y a pas de race" , le contradicteur en question a perdu d’avance, il ne va convaincre aucun des indécis, alors que de Lesquen va les convaincre tous. Essayer d’expliquer : il n’y a pas de race, il n’y a pas de blancs,bas de noirs, pas de jaunes, l’expliquer à ce public là … c’est totalement contre-productif. Ce public là va forcément conclure :

Les anti-racistes ne veulent pas voir qu’il y a des noirs, des jaunes et des blancs, ils sont complètement nazes. Au moins de Lesquen lui, il parle vrai

De Lesquen dit qu’il y a des blancs / des noirs et des jaunes.... il a raison.

Il dit qu’historiquement, la France a longtemps été habitée par des gens de race blanche, il a raison. On peut pinailler, chipoter … mais chipoter là-dessus, c’est contre-productif.

Là où son propos est odieux, c’est quand il refuse que les choses changent.

Il dit qu’historiquement, la France a longtemps été habitée par des gens de race blanche, il a raison. On peut pinailler, chipoter … mais chipoter là-dessus, c’est contre-productif.

elegance

Non.

Peut-être habitée par des personnes blanches, mais ça n’en fait pas une race. Et je chipoterai tant qu’il le faudra.

Ca n’en fait pas une race … Peut-être, je revendique mon ignorance sur le sujet. Je n’en sais rien, et je me moque de savoir s’il faut appeler ces groupes des races ou des morphotypes ou simplement des groupes de gens de même couleur…

Comme je le disais, contrer de Lesquen sur ce plan là, c’est en quelque sorte argumenter sur la définition du mot race, et c’est 100% contre-productif.

Pour le commun des mortels, pour les gens que de Lesquen cherche à convaincre, il y a des bancs, des noirs et des jaunes. Dire à ces gens là que la notion de blanc/noir/jaune n’est pas une race, c’est contre-productif.

Sur des questions comme ça, placer le débat sur l’aspect ’scientifique’ est une erreur. C’est entrer dans le jeu de de Lesquen. Les n° 350 à 1000 sont acquis à l’autre cause. Le débat, c’est de convaincre les indécis, les n° 100 à 250. Et si en face ce lui, de Lesquen a un contradicteur qui argumente sur le thème "il n’y a pas de race" , le contradicteur en question a perdu d’avance, il ne va convaincre aucun des indécis, alors que de Lesquen va les convaincre tous. Essayer d’expliquer : il n’y a pas de race, il n’y a pas de blancs,bas de noirs, pas de jaunes, l’expliquer à ce public là … c’est totalement contre-productif. Ce public là va forcément conclure :

Les anti-racistes ne veulent pas voir qu’il y a des noirs, des jaunes et des blancs, ils sont complètement nazes. Au moins de Lesquen lui, il parle vrai

elegance

Sans offense, ton commentaire me donne l’impression qu’il y a des éléments que tu n’as pas tout à fait saisis.

Tout d’abord, débattre de l’aspect scientifique et à l’aide de données scientifiques permet de corriger les approximations, erreurs, retards dont peuvent faire preuve nos contradicteurs (il y a pas mal d’éléments dans mon billet qui le montrent). Par exemple, l’utilisation du Q.I. pour hiérarchiser ces "races" est inique et non-scientifique, car il ne tient pas compte des subtilités techniques de cette notion. À t’en croire, puisque cela touche au domaine scientifique, il faudrait se taire, et ne pas corriger cette erreur manifeste ? Tu vois donc qu’on doit nécessairement mettre l’aspect scientifique sur le tapis.

Deuxièmement, la science elle-même catégorise les individus, comme l’explique la vidéo que j’ai citée dans la conclusion et que je t’incite fortement à voir, comme les autres liens d’ailleurs : les Polynésiens (de mémoire) ont une capacité de stockage de graisse supérieure à celle d’autres peuples, qui, eux, ont d’autres capacités physiques. Certaines populations ont une intolérance à certains médicaments, d’autres à certains produits (le lactose, notamment), etc. Donc, pour reprendre ton affirmation, et en ajoutant force guillemets, oui, "il y a des blancs/des noirs, des jaunes". Simplement :

  • L’écart entre ces populations consiste généralement en quelques détails et n’est pas aussi profond, par exemple, qu’entre les races de chiens ou d’autres animaux, ce qui rend le terme de "race" illégitime (j’ai pas de sources sous la main, mais faudra que j’en trouve) ;
  • Cette distinction n’entraîne pas d’infériorité/supériorité, de nécessité de maintenir une "race pure" et de dézinguer les "races inférieures" : bref, il n’y a aucune nécessité de poser une différence de dignité.

En somme, le propos anti-raciste est plus nuancé que tu le penses et, c’est ce que je crois du moins, c’est cette nuance qui fait sa justesse.

+4 -0

Effectivement, il faut préciser qu’il y a deux "débats":

1) Est-ce qu’il existe une notion de "race" humaine ? C’est un sujet qui fait polémique (pas seulement scientifique), AMHA essentiellement parce que la notion de race est très mal définie, en gros chacun veut y voir ce qui arrange ses thèses.

2) Est-ce que le fait que les humains soient potentiellement distinguables en groupes biologiques implique le fait que l’on puisse modifier son comportement (discriminer, exclure) en fonction de ce critère ? En gros, est-ce que la race justifierait le racisme.

S’il est clair que trancher le premier débat sur la position d’"il n’y a pas de race" (un peu comme l’a fait l’UNESCO en 1950) a l’avantage de clore le débat, c’est une position qui risque d’avoir l’effet inverse pour celui qui ne serait pas convaincu par cette conclusion, ou si pour une raison ou une autre les conclusions soient un peu modifiées (un peu ce qui s’est passé avec le fameux papier de science en 2008).

A mon sens, il est plus important de montrer que les différences - fussent elles raciales ou autres - ne sont absolument pas une raison de discriminer tel ou tel groupe d’individu. Et dans le débat sur l’existence ou non de races humaine, l’enjeu principal est de mettre en relief la non pertinence de ces différences, non de leur existence.

C’est pourquoi, je considère par exemple que la proposition de F. Hollande (10 mars 2012) de supprimer le mot race de la constitution, au delà de l’aspect symbolique indéniable, a probablement une valeur insignifiante voire contre-productive au final.

En parlant de ce sujet, que pensez-vous de ce blog ? Je n’ai pas les compétences dans le domaine pour discuter correctement des propos en question, mais l’auteur semble a priori avoir un discours argumenté et scientifique, et montre une certaine connaissance de la littérature académique ainsi que des différentes méthodes économétriques. L’auteur ne semble pas être un troll mais quelqu’un qui cherche à respecter la démarche scientifique et à argumenter de façon sérieuse chacune de ses propositions.

Le problème est qu’il peut très bien raconter n’importe quoi : qui me dit qu’il interprète correctement les études qu’il cite ? Qu’il n’occulte pas une large partie de la littérature qui irait à l’encontre de ses propos ? Que les articles qu’il utilise sont réellement pertinents et solides statistiquement parlant ? A moins d’être soi-même au fait de la littérature sur le sujet ou d’avoir vraiment beaucoup de temps devant soi, c’est très difficile à contester…

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Demandred

J’ai parcouru l’article en question (ainsi qu’un autre du même auteur sur la menace du stéréotype) et, effectivement, il est assez technique. Je ne serais clairement pas de taille à m’attaquer à ces synthèses (la psycho différentielle n’est clairement pas ma spécialité), mais tu remarqueras cependant que, même si l’argumentaire de cet exposé est valide, la première et la troisième objection restent valables.

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Demandred

J’aimerais bien connaître les distinctions qu’il utilise pour classifier en races. Pourquoi y aurait-il un unique groupe « blancs », mais deux groupes distincts pour « africains sub-sahariens » et « afro-américains » ?

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