Helium Rain, rétrospective

Quand un projet amateur dure plus de trois ans.

Si vous fréquentez régulièrement Zeste de Savoir, vous avez sans doute déjà entendu parler d’un petit projet de jeu vidéo amateur, Helium Rain. A l’occasion de la sortie du jeu le 18 août, je vous propose un rappel des événements, relatant les années de développement du jeu.

Le croiseur Anubis, le plus puissant vaisseau du jeu

Y-3 : Un vaisseau, et des boules de glace

C’est l’été en 2014, il y a trois ans.

Zeste de Savoir n’ouvrira officiellement que deux semaines plus tard, mais le projet "Flare" y est déjà présenté (le premier message a été édité depuis). Ce n’est à l’époque qu’un vague prototype de pilotage de vaisseau, mais je réfléchissais déjà depuis 2013 à un projet de space opera réaliste, orienté économie et commerce. Un jeu dans lequel on piloterait son vaisseau de port en port le long d’une orbite, en vendant sa cargaison.

Les débuts sont prometteurs, mais confus

C’est l’époque où tout est simple et facile, le prototype du jeu vidéo amateur. C’est le moment où tout est possible parce que tout est à faire, l’interface graphique n’en est qu’à l’état de recherche technique et le gameplay reste à définir, sans parler des boules de glace qui nous servent à ce moment-là d’astéroïdes.

Y-2 : Une alpha et des ambitions

Il y a deux ans, le jeu prenait déjà bien plus forme, après avoir été rejoint par Niavok. La première année de développement avait été extrêmement productive avec de nombreux vaisseaux (la moitié des 12 modèles actuels) et une belle planète à observer depuis l’orbite, Nema.

Des cargos Atlas en orbite autour de Nema

En parallèle à la technique, on commence à préparer la future publication du jeu. "Flare" adopte son nom final : Helium Rain. Un site Web est mis en place. On crée une page sur la plupart des réseaux sociaux. Et surtout, on prépare la compétition qu’est Steam Greenlight : un défi de popularité pour être acceptés sur Steam, la plateforme de distribution de jeux qui règne en maître sur le marché du jeu PC.

L’année 2015 voit aussi arriver sur Zeste de Savoir deux longs articles sur le développement du jeu :

Blender est exclusivement utilisé pour les éléments 3D du jeu

On se prépare déjà à une version alpha du jeu, c’est-à-dire un jeu jouable dans lequel l’essentiel des fonctionnalités sont déjà présentes. A cette fin, une cinquantaine de testeurs volontaires sont sélectionnés pour évaluer la qualité du jeu.

On s’imaginait sortir le jeu très vite, début 2016. Ceux qui nous suivent aujourd’hui savent à quel point c’était loin de la réalité, mais à l’époque, la plupart des fonctionnalités semblent là. On peut se déplacer de zone en zone, combattre, et le système de ressources et commerce arrive fin 2015 aussi. L’alpha se profile. Que s’est-il passé ?

Y-1 : De déconvenue en rebond

Mi-2016, Helium Rain ressemble encore beaucoup à jeu qu’il était un an plus tôt, et pour cause : il n’a que difficilement survécu à une refonte complète après une alpha un peu désastreuse au terme de laquelle on comprend qu’outre quelques bugs pénibles, le jeu n’est pas intéressant. C’est l’occasion d’apprendre qu’un jeu vidéo n’est pas la somme de ses composants : il faut plus qu’une pelletée de mécanismes pour créer un ensemble jouable et intéressant.

Les raisons à ça sont multiples :

  • le projet étant un projet de passionné, on y intègre nos idées sans trop se préoccuper de leur cohésion ;
  • on se concerte mal sur ce qu’on veut, tiraillés entre une vision d’un jeu d’action et un concept bien plus stratégique ;
  • puisqu’il n’y a pas de vraie échéance, on se préoccupe peu du planning ;
  • le temps nous fait simplement défaut pour un projet aussi titanesque.

On n’a encore ni contrats, ni technologies à débloquer, et la sortie du jeu est repoussée encore et encore. Aujourd’hui, je pense que près d’un an a été perdu par une mauvaise gestion à l’origine. On y a survécu, c’est peut-être le principal ?

Au bilan de cette année qui s’est écoulée, on a quand même fait un pas de plus vers la sortie de Helium Rain avec notre succès sur Steam Greenlight. On a aussi su changer de cap après des retours un peu pénibles.

L’été 2016, entre déconvenues et rebond, est donc une période de transition, entre un jeu jouable mais sans intérêt et une version lourdement revue qui change les principes mêmes du jeu. On ajoute un cockpit visible, on revoit entièrement la gestion des zones, les menus, et bien d’autres éléments encore. Le but avoué est d’améliorer l’immersion.

Les cockpits font leur apparition après notre grande refonte du jeu

C’est après une longue phase de travail qu’on reprend le développement en lui-même. Au programme : des quêtes procédurales, un système de technologie, une histoire, des zones supplémentaires…

Le printemps du projet

Début 2017, les difficultés s’achèvent avec la beta de Helium Rain, cette fois mieux reçue par nos testeurs - la plupart toujours issus de Zeste de Savoir. La beta est l’occasion de tester un jeu fonctionnel, avec ses contrats, son univers à explorer, ses vaisseaux à acheter… Et on peut enfin valider la sortie commerciale du jeu.

Le croiseur Anubis vu du pont

Le printemps a vu la création d’une société dédiée à la commercialisation du jeu, Deimos Games. Peu après, nous avons pu mettre en place le magasin Steam et nous préparer au tournant de l’aventure, en publiant le jeu en accès anticipé. Car le jeu n’est pas encore fini : il est jouable, intéressant, et dispose enfin d’une base sur laquelle on peut vraiment travailler tranquillement.

Le projet d’aujourd’hui pèse plus de 110 000 lignes de C++, des centaines d’assets graphiques, plusieurs gigaoctets de textures, a vu la création d’une société dédiée et va enfin être commercialisé. C’est un travail de titan qui est derrière nous, et il nous reste encore fort à faire.


Si il fallait retenir une leçon, c’est qu’il est toujours facile d’être ambitieux au début d’un projet, quand 100% du temps qu’on s’imagine y passer est encore devant soi. Même quand on a de l’expérience, il est facile de se planter complètement sur son projet, et de devoir revoir lourdement sa copie…

J’espère que nous avons réussi à redresser le cap, et que ce petit exposé vous aura intéressé. N’hésitez pas à poser toutes les questions qui vous viennent !

Merci encore à tous ceux qui nous soutiennent et nous ont aidé le long de cette aventure !

10 commentaires

Hello Stranger et Niavok,

Article intéressant, j’aurais une question pour vous. Sur la première année, vous parlez d’une version du jeu où tout est encore possible parce que rien n’est encore réellement commencé et entre la deuxième et la troisième année, vous avouez un échec lors de l’alpha parce que le jeu n’est pas intéressant (pour toutes les bonnes raisons que vous citez).

Si c’était à refaire, vous feriez pareil ou comment vous feriez pour ne plus tomber sur ces travers ?

Hello Stranger et Niavok,

Article intéressant, j’aurais une question pour vous. Sur la première année, vous parlez d’une version du jeu où tout est encore possible parce que rien n’est encore réellement commencé et entre la deuxième et la troisième année, vous avouez un échec lors de l’alpha parce que le jeu n’est pas intéressant (pour toutes les bonnes raisons que vous citez).

Si c’était à refaire, vous feriez pareil ou comment vous feriez pour ne plus tomber sur ces travers ?

Andr0

Si c’était à refaire, et ça sera appliqué sur un prochain projet, je pense qu’il faudrait revoir trois choses :

  • la portée du projet, le nombre de fonctionnalités dans le jeu (Helium Rain est juste colossal à ce niveau)
  • l’ordre dans lequel on les implémente (avoir un jeu jouable après deux ans n’est pas sérieux, on aurait du faire tester bien plus tôt)
  • on n’a jamais pris le temps de définir par écrit, dans le détail ce qu’on allait faire, ce qui a mené à pas mal d’incompréhensions.

Le jeu a l’air vraiment génial. Mais je trouve surtout que vous avez eu beaucoup de courage de vous remettre en question pour revoir complètement votre copie. Pour un projet indé c’est assez rare et je pense que la plupart auraient abandonné à votre place.

Félicitations ! ;)

+2 -0

Je trouve un peu bizarre la formule de "jeu amateur". Que je sache Stranger est un professionnel en modélisation 3D avec pas mal d’expérience dans le jeu vidéo et Niavok est développeur professionnel. On est plus pour moi sur du travail de qualité professionnelle réalisé avec les compétences professionnelles des membres du projets et non sur un projet amateur réalisé par des gens qui ne sont pas du secteur et apprennent à créer un jeu vidéo sur leur temps libre.

Je parlerai donc plutôt de jeu indé que de projet amateur. :)

+0 -0

Je trouve un peu bizarre la formule de "jeu amateur". Que je sache Stranger est un professionnel en modélisation 3D [..]

Je parlerai donc plutôt de jeu indé que de projet amateur. :)

Demandred

Eh ben ça fait plaisir à entendre, mais non, nous sommes tous les deux développeurs. :P

On peut parler de projet indé réalisé à la base dans un cadre amateur, en dehors du boulot et en apprenant au fur et à mesure…

Je suis le projet depuis le tout début (depuis l’époque DeepVoid, en fait)…quelle aventure ! Bravo pour ce travail titanesque, et merci de prendre la peine de partager votre expérience avec la communauté, que ce soit via ce genre d’articles ou le forum. Longue vie à Helium Rain !

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