Vous souvenez des Macronleaks (qui a fait fuité des documents internes à Macron) ? Voici le plan pour l’université. C’est pas joli à voir.
Je vous copie-colle l’extrait du mail (mailinglist geotamtam du 20 décembre) qui m’a mit au courant de ce document, et qui résume le document :
Compte rendu des révélations Macronleaks sur la sélection
Ci-joint le texte complet d’une contribution interne, titré « réformes souhaitables de l’enseignement supérieur français et éléments d’une stratégie de changement », à l’équipe de campagne d’En-Marche au moment de l’élaboration du programme présidentiel d’Emmanuel Macron datant de novembre 2016.
Le début du texte donne le ton : «Il semble important de séparer deux choses ; savoir où on va (cela peut être utile parfois) et comment on y va (par des chemins parfois un peu sinueux, pour faire avaler la pilule au malade récalcitrant).»
Le coeur du sujet est l’augmentation des droits d’inscription, comme l’indique le titre du premier paragraphe : « Réforme du financement de l’université : développer le crédit aux étudiants, augmenter les droits d’inscription. Le nerf de la guerre ».
D’un point de vue stratégique « il n’est pas souhaitable (et sans doute pas possible politiquement), pour de nombreuses raisons, d’augmenter les droits sans en même temps mettre en place un grand système de crédit aux étudiants supervisé par l’autorité publique. » L’instauration de ce crédit passerait par la participation des banques privées car « Il semble que les grandes banques commerciales soient le mieux placées pour développer le crédit aux étudiants : c’est leur métier ; elles ont un réseau ; il faut administrer 2,5 millions de comptes ». Mais que faire si les étudiants font défaut à l’issue de leurs études ? « Il faut que l’Etat, les services fiscaux, acceptent de sécuriser ces crédits d’une certaine manière (au besoin en reprenant les crédits à problèmes). » Un élément qui précise l’urgence de la réforme : « Nous vivons pour quelques années dans une période de taux d’intérêts historiquement bas : il faut en profiter pour faire démarrer ce système»
Suivent tout une liste de propositions en vue de réformer la gouvernance du supérieur (le point clé étant l’approfondissement de « l’autonomie » avec au passage un objectif clairement cité « il faut désyndicaliser les universités »). Elles sont éclairantes mais je ne m’y attarde pas pour me concentrer sur la deuxième partie du texte intitulé : « Eléments d’une stratégie de changement et de communication », et qui présente « des astuces qui permettent de faire passer ces réformes, avec un peu de courage ».
« Comment faire passer la pilule de la hausse des droits d’inscriptions ? »
« Commencer bien sûr par le crédit : ne pas mettre la charrue avant les bœufs »
« Y aller doucement mais commencer tout de suite avec les droits d’inscription »
Et surtout …
« Instaurer la sélection mine de rien »
En effet,
« Il faut instaurer la sélection sans faire de vague en réglant du même coup la lancinante question du diplôme national, auquel sont si attachés les syndicats. »
Pour y parvenir, « on pourra même exiger dans un premier temps que les universités maintiennent ouvertes au moins quelques formations de licence selon le mode ancien : au nom de la « défense du service public contre la marchandisation », mais en même temps on doit permettre aux universités d’innover et d’affronter la concurrence internationale en Europe, etc. » Ainsi, « il se peut que des universités n’évoluent pas tandis que d’autres évoluent vite. Là encore : laisser faire. Les étudiants se précipiteront dans les formations sélectives et payantes qui correspondent à leurs niveaux et à leurs aspirations (y compris des formations professionnalisées courtes adaptées aux publics les plus mal préparés à l’enseignement supérieur). Cela deviendra difficile de contester, et la contestation ira sur un autre terrain. Il faut bannir du vocabulaire les mots de concurrence et d’excellence, détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Remplacer ces mots systématiquement par ouverture et diversité »
En résumé :
La mise en place d’une sélection « mine de rien » permettra de mettre en concurrence (pardon, en ouverture) les universités entre elles, et même les UFR entre elles. Les formations qui joueront pleinement le jeu pourront faire valoir une excellence (pardon, une diversité) qui justifiera en retour une hausse des frais d’inscription. Cette hausse ira de pair avec la mise en place de prêts étudiants garantis par l’état qui permettront de réaliser d’importants transferts d’argent (ce qui est en train de se passer en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis) des caisses publiques vers les banques privées.