Licence CC BY-NC

[Archi-brève] Le ridicule de la majuscule

Corpuscule étymologique

Je le signale d’entrée de jeu : ce billet a pour premier but d’être récréatif, tant pour mes lecteurs que pour moi-même (sorte de pause dans mon projet en cours). Comme pour le premier écrit de ce type, le ton sera extrêmement anecdotique.

Le suffixe "-cule"

Vous avez pu noter que, avec ma légendaire subtilité, j’ai pu abuser des mots finissant avec le suffixe "-cule" ; vous avez pu également deviner qu’il s’agit plus ou moins de l’objet de ce billet − en cela, vous avez parfaitement (quoique partiellement raison).

Cela vient du latin "-culus" ou "-ulus", qui est un suffixe diminutif, servant donc à réduire l’importance du mot qu’il précède. Nous avons, donc, en français, une flopée de mots finissant de la sorte :

  • Particule, « petite partie » ;
  • Ridicule, « petit rire » − je trouve cette expression très parlante ;
  • Crépuscule, littéralement « petite obscurité » ;
  • Canicule, « petit chien », nom d’une constellation associée à de grandes chaleurs d’été ;
  • Clavicule, os allongé en haut du thorax, assimilé à une « petite clé » ;
  • Toujours dans le domaine de l’anatomie : articulation, « petite jonction » ;
  • Tubercule, « petite excroissance » (la racine « tuber » a également donné le mot « tubérosité », aspérité sur les os, qui permettent aux muscles et ligaments de se fixer) ;
  • Éjacule, « petit lancer » − avec la nuance que ce lancer se fait vers le dehors (préfixe "ex-", réduit ici en "é") ;
  • Réticule, « petit filet » ;
  • Et ainsi de suite pour véhicule, homoncule, opuscule, etc.

À noter, cependant une trop grande proximité entre ce suffixe et les mots construits à partir du mot « cul » (également « culus » en latin). Ainsi donc, « reculer » et « bousculer » ont un lien avec le postérieur humain, et non pas avec le suffixe qui nous intéresse.

Quel rapport avec la majuscule ?

Et, du coup, quel est l’intérêt du mot « majuscule » ? OK, il a aussi le suffixe "-cule", mais pourquoi le mettre en avant ?

Le cas de « majuscule » est particulier, car vous savez évidemment qu’il va de pair avec son antonyme « minuscule ». Prenons trois secondes pour analyser ces deux mots : "minus-" est un marqueur de petitesse, très visible en français (« miniature », « mini » ou même « minus »), alors que "majus-" signifie à l’inverse la grandeur (« majeur », etc.). Si donc on essaie de résumer ces deux mots par des notions simplistes (petit/grand), on a :

  • minus-cule : petit-petit ;
  • majus-cule : grand-petit 1.

Et c’est là que vous voyez tout le côté paradoxal du mot « majuscule », qui m’amuse passablement et que j’ai voulu vous partager dans cette brève. En fait, d’après mes informations, le suffixe "-culus" sert à marquer la différence par rapport aux lettres capitales, ce qui explique une tournure aussi contradictoire pour les majuscules.

Pour finir sur une note de culture G, existaient également des « médiuscules », lettres intermédiaires qui sont tombées en désuétude lors du siècle dernier.


  1. En fait, « majus » et « minus » sont respectivement les comparatifs de « magnus » (grand) et « parvus ». Il « majus » signifie donc « plus grand », etc. C’est pourquoi j’ai insisté sur le côté simpliste, afin de mettre en lumière plus efficacement le côté paradoxal. 


Icône de billet trouvée sur https://slllc.ucalgary.ca/FR/217/5Intro.htm.
Hommages au Wiktionnaire qui a pu écarter certains de mes doutes.

10 commentaires

Question débile …

Ne pas mettre la majuscule à un mot (en début de phrase donc), c’est une faute de ? Typographie ?

+0 -0

Merci encore pour vos commentaires

J’en veux d’autres :p

Le Gigot

Il n’y a rien de concret prévu pour le moment, mais quelques pistes par-ci par-là :3 . Peut-être un jour, en somme.

Question tout à fait sérieuse : quelle est l’étymologie de « testicule » et « tentacule » ?

Le Gigot

J’avais prévu de mettre ces deux mots dans le billet, mais c’était un peu moins facile d’accès que les deux autres, donc j’ai préféré les éliminer.

  • Testicule : en fait, « testis » signifie déjà « testicule » en latin, ce qui me questionne sur la nécessité de l’ajout du suffixe diminutif. Peut-être est-ce un moyen de le différencier d’autres mots de la même forme (« testis » signifiant aussi « témoin », quoiqu’avec une étymologie différente) ?1
  • Tentacule : indirectement issu de « tendere », qui a aussi donné « tentation ». Le tentacule est donc quelque chose qui atteint, qui agrippe, qui attrape. #Cthulhu :|

  1. Cette réflexion fait d’ailleurs écho à une plaisanterie lorsque j’avais appris une maxime latine sur le droit : « Testis unus, testis nullus » (s’il n’y a qu’un témoin, alors son témoignage n’a pas de valeur), très vite devenu, « Testis unus, testiculus » (c’est plus drôle avec le contexte :honte: ). Je viens d’ailleurs, en vérifiant mes dires, de tomber sur une citation de Cicéron qui dit à peu près la même chose. 

+1 -0
Connectez-vous pour pouvoir poster un message.
Connexion

Pas encore membre ?

Créez un compte en une minute pour profiter pleinement de toutes les fonctionnalités de Zeste de Savoir. Ici, tout est gratuit et sans publicité.
Créer un compte