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Traductions observées #1

Petit récapitulatif film et série

Notre génération regarde beaucoup de série ou de film. Je pense que c’est un bon outil pour apprendre une langue de regarder une série que l’on affectionne dans les deux langues. Se faisant j’ai pu constater quelques différences… Souvent intéressantes !

Iron Man 3

Bon j’suis un grand fan du MCU, mais lorsque Tony Stark dans une scène1, dit banalement à un enfant :

C’est comme ça, ça arrive, il n’y pas de quoi en faire un plat.

Iron Man 3 (44:50)

On pourrait se dire qu’il n’y a rien de choquant… Voire que la phrase ne sert à rien. Mais quand on sait que le dédain de Tony Stark est bien mieux formulé à travers la VO :

No need to be a pussy about it.

Iron Man 3 (44:50)

Qui a une connotation plus vulgaire du genre "pas la peine de faire la mauviette" mais avec le terme "pussy" qui a un double sens. Dans le sens courant "pussy" signifie la vulve, alors que dans ce contexte il semblerait que ce soit un raccourci2,3 pour "pusillanimous" qui se traduit tout bonnement pas pusillanime.

Scrubs "My Own Worst Enemy" (7x01)

Dans cet épisode de la formidable série Scrubs, un personnage super attachant, Joe Hutnik soufre d’une maladie pour l’instant inconnu. Dans la vidéo ci-dessous Dr Cox émet sa première hypothèse.

Visiblement c’est un vrai casse-tête pour l’équipe médicale tout le long de l’épisode. Cette dernière avait pour première hypothèse une maladie de Lyme. Ils ont alors cherché l’un des symptômes remarquable de la maladie de Lyme qui est un érythème migrant :

Sur cette image (wikipédia) on voit qu’il est très difficile de passer à coté de ce symptôme :-° . Qui plus est ce symptôme est pathognomonique de la maladie de Lyme cela signifie que si on observe ce symptôme sur un patient, c’est qu’il a la maladie de Lyme.

En observant ce symptôme, le Dr Cox aurait tout de suite pu attester que la maladie dont souffrait Joe était la maladie de Lyme. Malheureusement tout l’épisode durant, ils ne trouvent rien et cherchent sans cesse et sans relâche. Puis, lors du développement de l’épisode vient le principe de parcimonie, qui implique que l’hypothèse valide était la première hypothèse car c’était la plus probable et la plus simple un point c’est tout.

Quand on entend des sabots, il faut penser à un cheval pas un zebre

Principe de parcimonie

Ils vont jusqu’à raser la tête du patient à la fin de l’épisode pour chercher coûte que coûte si l’érythème migrant ne s’y trouvait pas par hasard et … BINGO ! Ou devrais-je dire "Œil de taureau" ?

L’oeil de taureau.

Dr Cox VF en voyant l’érythème sur le crane de Joe

Les traducteurs ont du prendre ça à la lettre, comme si c’était le petit nom qu’on donnait à l’érythème migrant. Mais nan… c’est juste un traduction littérale de :

Bullseye

Dr Cox VO

Qui signifie "dans le mile" ce qui se réfère à la forme circulaire comme une "cible" de jeu de fléchette ! C’est donc un jeu de mot du Dr Cox, qui s’exclame d’avoir "mis dans le mille" en faisant ce diagnostique et en forçant sa chance, mais en plus l’expression se réfère à la forme de l’érythème ! Mais "œil de taureau" quoi… o_O

Petit bonus

Vous savez quoi ? Et bien médicalement en plus c’est pourri. Parce bien que ce soit pathognomonique, et bien toutes les personnes atteintes par la maladie de Lyme n’ont pas de signe extérieur comme l’érythème migrant ! Seul 50% d’entre eux l’ont. Donc chercher un signe pathognomonique "a tout prix" n’est pas LA méthode qu’ont les médecins pour trouver de quoi soufre quelqu’un. Puis en plus il existe des tests spécifiques pour vérifier si c’est une maladie de Lyme :-°

Daria - "Life in the Past Lane" 509

Jane la meilleure amie de Daria
Jane la meilleure amie de Daria

Dans cet épisode de Daria, une très bonne série pour les adolescents qui sommeils (ou pas) en nous, la meilleure amie du personnage principale commence à être branché par un jeune au look… vintage ! Ce dernier se revendique des :

Zootsuit

Daria VO
Zootsuit selon google
Zootsuit selon google

Un style américain des années 1930–1940. Assez classe et peu conventionnelle, ce style n’est pas facilement traduisible en Français, nous garderions l’anglicisme Zootsuit. Néanmoins, nous finissons là sur une traduction aux petits oignions ;) ! Car les traducteurs ont traduit zootsuit par :

Zazou

Daria VF

Et un zazou, c’est quoi ? Me diriez-vous étonnez de toute cette culture de la mode qui s’émane d’une série si loin d’être superficielle ! Et bien un zazou, c’est une personne qui suit une mode Française née en 1940 !

C’est pas un boulot de dingue ça ? Ils ont trouvé un truc de deux syllabes ce qui colle parfaitement, qui commence même par la même lettre ! Mais en plus de ça qui symbolise tout deux des styles vintages aux costumes trois pièces originaux dans les environs des années 40 !

Zazou selon google
Zazou selon google

Personnellement j’étais époustouflés de cette découverte ! Connaissiez vous les zootsuit ou même les zazous ? Je serais curieux d’avoir votre avis dans les commentaire !


Je ne sais pas encore si j’actualiserais ce billet ou si j’en ferais d’autres… On verra bien !

13 commentaires

En référence à ton introduction, j’imagine que la langue que tu apprends est l’anglais, et donc que tu t’es intéressé à des contenus dont la version originale est en anglais et avec une version française.

Est-ce que tu as essayé l’exercice inverse, une version originale française et un doublage anglais, et relevé des anecdotes similaires ?

En référence à ton introduction, j’imagine que la langue que tu apprends est l’anglais, et donc que tu t’es intéressé à des contenus dont la version originale est en anglais et avec une version française.

entwanne

J’aime aussi beaucoup les animés, donc la VO que j’écoute peut aussi être du japonnais. Mais j’avoue que je n’ai pas le niveau pour comprendre l’intelligence de certaines traduction dans ce cas. D’ailleurs souvent les sous-titres sont très interessant dans ce type de format, mais ils ne prennent donc pas en compte la synchrolabiale, et se permettent des annotations pour les sujet idiomatiques ^^ du coups je ne risque pas de parler d’autres langues que de l’anglais oui.

Est-ce que tu as essayé l’exercice inverse, une version originale française et un doublage anglais, et relevé des anecdotes similaires ?

entwanne

Je ne connais pas, là comme ça, de contenu Français exporté et traduit en anglais. Si tu as des idées je serais curieux de voir ça :) Parce que mon analyse se porte pour l’instant que sur les séries que je regarde "obsessionnellement". Si jamais une série Française qui est traduit rentre dans ce contexte je pourrais m’essayer à l’exercice.

Il y a comme ça, un lot de série que je "connais par cœur" a force de les mettre en fond. S’en est presque névrotique haha ! D’aussi loin que je me souvienne j’avais commencé ça avec spider-man 1 (2002), mes parents devenaient fous :-° . Et je me sers de ma connaissance presque exact de ces films et séries pour ensuite anticiper tout les choix de traduction le jour où, assez à l’aise avec la VF, je passe à la VO. Ce qui me prend du temps, mais du coups ces analyses se font spontanément, sans effort, pour les contenues que j’affectionne.

+0 -0

C’est un exercice difficile que la traduction, surtout quand tu as des références culturelles qui viennent se greffer sur le sujet : il y a un boulot d’adaptation à faire – travail lourd et complexe, qui nécessite de bien comprendre la culture de la source et celle du public cible. Il y a aussi les problématiques de différence de longueur des langues, y compris dans le cas des sous-titres (surtout institutionnels).

Pour les amateurs de problématiques de traductions, on peut citer :

  • Les blagues des speedtrads de séries, souvent automatiques et/ou faites par des gens qui ne maîtrisent pas la langue, ça donne des erreurs savoureuses. Comme ce fameux « They attack with axes! » de Game of Thrones traduit par « Ils attaquent avec des coordonnées ! » (là, ça n’a même pas été relu).
  • Pika qui, dans la première édition de Chobits, a réussi à faire une erreur de traduction qui change à peu près tout le sens du manga.
  • Les attentes et connaissances des lecteurs qui changent : c’est ce qui explique pourquoi on a trois éditions différentes de One Piece chez Glénat1, que le Seigneur des Anneaux a été re-traduit, ou que Hallowe’en Party de Agatha Chistie a été d’abord publié sous le titre La fête du potiron (puis Le crime d’halloween lors de sa réédition).
  • Les tentatives du traducteur de ménager son public : dans Detroit Metal City, le héros est présenté comme fan de pop suédoise et non française comme en VO pour éviter de vexer le lecteur. C’est déjà dur à avaler quand on voit que le héros est fan de Amélie Poulain etc ; et devient totalement foireux quand à la fin du manga (que le traducteur n’avait pas en commençant) il réalise son rêve en venant à Paris…
  • À la grande époque du fansub d’animées, l’immense majorité de la production française de sous-titres était de la double traduction d’amateurs du japonais vers l’anglais vers le français. Avec le recul, c’était souvent assez catastrophique.
  • Dans le cas du doublage, bizarrement le français n’aime pas les silences, quitte à rajouter des répliques complètes (et souvent qui tombent à plat). Exemple avec le « Ho les p’tits zoziaux ! » dans Beetlejuice.
  • Les traducteurs qui réécrivent au lieu de traduire. Jean Bonnefoy est connu pour ça et on lui doit le massacre du Guide du voyageur galactique, du Neuromancien, de Fondation et de bien d’autres encore, dont les VF sont très éloignés des VO.

Mais inversement, quand je regardais Big Bang Theory, j’étais bien content de trouver ce fichier d’explications avec mes sous-titres, parce que sinon je serais passé à côté de la moitié des épisodes, malgré une traduction tout à fait correcte.

L’un dans l’autre, et contrairement à ce que pourrait laisser penser la liste ci-dessus, mon ordre de préférence est :

  1. VO directe (sans sous-titres pour l’audiovisuel, ou alors avec les sous-titres en VF) si je suis capable de la suivre),
  2. VF adaptée (et dans le cas de l’audiovisuel, doublage plutôt que sous-titres, on y perds moins si le doublage est correct),
  3. VF traduite mais sans adaptation2.

  1. Une en sens français et totalement adaptée de l’époque où les mangas étaient presque inconnus et où une publication en sens japonais était un frein ; une en sens japonais et adaptée parce que très rapidement il est apparu que tout inverser n’était pas intéressant ni un frein à la diffusion du manga ; et une plus proche du texte japonais (ex : Pipo -> Usopp) quand le public est devenu demandeur de plus de proximité avec le texte d’origine – même si je reste persuadé que 80 % des lecteurs qui n’ont connu que la dernière édition ne comprennent pas pourquoi Usopp a ce nom.

  2. Dans le cas où c’est possible. Par exemple dans GTO ce serait compliqué d’adapter ; dans Sayonara Professeur Désespoir c’est tout simplement impossible vu que la culture japonaise est la base même du manga, ce qui rends indispensable des pages entières de notes en fin de volume.

Je ne connais pas, là comme ça, de contenu Français exporté et traduit en anglais. Si tu as des idées je serais curieux de voir ça :) Parce que mon analyse se porte pour l’instant que sur les séries que je regarde "obsessionnellement". Si jamais une série Française qui est traduit rentre dans ce contexte je pourrais m’essayer à l’exercice.

Blackline

Je ne connais pas plus de séries francophones que de séries dans d’autres langues, donc je ne pourrai pas t’aider là-dessus. Par contre en films tu pourras facilement trouver ton bonheur.

Mais je faisais cette remarque parce que comme souvent dans ce genre de sujet, il n’est jamais considéré que le français puisse être la version originale, qu’on a toujours à la base un contenu anglais ou japonais.

Mais je faisais cette remarque parce que comme souvent dans ce genre de sujet, il n’est jamais considéré que le français puisse être la version originale, qu’on a toujours à la base un contenu anglais ou japonais.

Après je ne sais pas si je serais meilleur à analyser la version ou le thème d’une oeuvre, du coups la question m’intéresse bien :)

Il y a Lastman comme série VF avec un doublage anglais existant.

J’en prend note ! Je ne connais pas la série

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J’aime bien les trois cas que tu cites, parce que le premier correspond à une traduction bof, le second une traduction littérale qui n’a aucun sens, et la troisième à une bonne traduction. Personnellement, je suis assez admiratif des bons traducteurs, qui me permettent d’accéder à la culture russe, allemande ou japonaise (et même anglaise, soyons honnête). À ce titre, l’adaptation, en plus de la traduction, est parfois nécessaire.

Ça me fait penser à l’avant-propos d’une nouvelle traduction de Fahrenheit 451. L’éditeur (ou le traducteur ?) justifiait la nécessité d’une nouvelle traduction par le fait que de nombreuses notions dans le livre était trop inhabituel pour le lecteur français de l’époque de la première traduction, ce qui avait obligé à une adaptation (il donnait l’exemple de la voiture coccinelle, alors inconnue en France). Aujourd’hui, ce décalage Amérique-France est plus réduit, donc on peut se permettre une traduction plus proche culturellement de l’original. Je pense qu’on a des considérations similaires avec la culture japonaise aujourd’hui.

Dans la catégorie des traductions Wahou, je citerai Pratchett en français, dans lequel le traducteur me semble faire un travail incroyable, allant jusqu’à traduire les jeux de mots sur le nom des personnages… Je me suis toujours demandé ce que donnerai un Astérix ou un Achille Talon en étranger, vu la densité de jeux de langue dedans. Côté traduction catastrophique, je ne lis/écoute pas assez de chose en pas français pour les repérer, mais je vois au moins deux exemples historiques : les Milles et une nuit, dont la traduction historique est tellement loin de l’originel que s’en est une œuvre nouvelle, et à peu près toutes les traductions de poèmes antiques, qui perdent le côté poème, justement. Non sans raison, c’est assez lisible traduit vers par vers.

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J’aime bien les trois cas que tu cites, parce que le premier correspond à une traduction bof, le second une traduction littérale qui n’a aucun sens, et la troisième à une bonne traduction. Personnellement, je suis assez admiratif des bons traducteurs, qui me permettent d’accéder à la culture russe, allemande ou japonaise (et même anglaise, soyons honnête). À ce titre, l’adaptation, en plus de la traduction, est parfois nécessaire.

Gabbro

Merci pour ce retour Gabbro ! J’essayais, à travers ces trois exemples, de transmettre (et de ce fait ne pas oublier) quelques nouveaux concepts/mot de vocabulaire. Pusillanime, Pathognomonique, Zazou sont trois mots surement très rarement utilisé dans la langue française pourtant ils étaient au cœur de ces traductions !

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Il y a Lastman comme série VF avec un doublage anglais existant.

J’en prend note ! Je ne connais pas la série

Blackline

Ça vaut carrément le détour. Tant le scénario (très BD française avec des inspiratuons assumées dans les shonens) que la réalisation (par le créateur des kassos) que les doublages que la BO.

Tiens, ça fait longtemps que je l’ai pas re-revu d’ailleurs.

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