Pour donner un exemple personnel, si je regarde un peu les musiques que j’écoute le plus souvent, je constate qu’il y a généralement une idée de « puissance », de « noblesse », d’« espoir », de « courage » et/ou de « grandeur » (c’est assez difficile à exprimer clairement ^^"). En majorité, il s’agit de musiques d’ambiance tirées d’animés japonais (s’agissant d’une de mes sources principale de musiques, en fait), cela étant elles tirent dans un peu tous les genres (par exemple l’animé Log Horizon pioche clairement côté métal là où Fullmetal Alchemist Brotherhood reste dans un registre classique). Est-ce que du coup tu considères cela comme le même goût musical ?
En fait, j’ai plutôt l’impression d’apprécier une musique selon les émotions qu’elle me procure (et du coup aussi selon mes émotions du moment).
S’il faut donner mon point de vue sur le sujet : pour arriver à analyser son ressenti par rapport à une musique (ou à une esthétique architecturale, à la couleur de ton paquet de pâtes préféré, ou à n’importe quoi), il faut arriver à découpler correctement son aspect « brut », physique (c’est une suite de notes que je peux écrire sur du papier, c’est un synthétiseur composé de trois ondes sinusoïdales superposées avec une certaine attaque, c’est le pincement des cordes d’un guitare, etc.) et ton ressenti émotionnel (c’est beau, c’est vif, c’est dansant, c’est triste, c’est vaillant et grand et noble etc.).
À partir de là, tu peux considérer que la première fois que tu as écouté quelque chose de complètement exogène (en fait, peu de musiques qu’on vient à apprécier nous sont complètement exogènes, puisque les nouveaux genres s’inspirent toujours des genres précédents, y compris ceux qu’on entend depuis tous petits), tu n’auras probablement enregistré et interprété que la partie complètement « brute », mais, au fil du temps, ton cerveau va créer des liens entre les items qui composent la musique (mélodie, sonorité, etc.) et les items émotionnels (qui du coup au début n’ont proprement rien à voir, sinon des similitudes ou des simultanéités relativement fortuites), mais comme une sorte d’apprentissage très, très, lent.
Quand tu écoutes du rap, les paroles vont progressivement s’associer au rythme/à la mélodie, voire l’inverse. Quand tu regardes un animé japonais, tu vas associer les séquences et les airs, les mélodies… avec les émotions de l’animé, et même rien qu’en écoutant la musique toute seule, alors que si tu avais découvert la musique toute seule, elle ne te parlerait probablement pas ou pas trop (sauf à la rapporter à une autre musique). Quand tu vas danser en écoutant une musique, ben tu vas associer la musique (et particulièrement son rythme) au fait de danser. Tu vas aussi pouvoir associer une sensation de vitesse à du plaisir (la trap, personnellement je n’écoute pas de trap).
Et si la musique joyeuse tu l’entends six mois dans la rue, tu vas forcément l’associer progressivement, et en ses différentes parties à plein d’émotions différentes (les progressions montantes à des émotions joyeuses et les progressions descendantes à des émotions tristes, par exemple).
C’est comme ça que les goûts se forment, de manière générale, de bêtes associations (et une fois que tu es adulte, ben ça a un peu plus de mal à évoluer, ça se fige, comme pas mal de choses, et c’est pas plus mal puisque tu as sélectionné ce que tu aimais/comprenais/souhaitais conserver au final).
C’est pour ça qu’écouter une musique plein de fois a une sorte de double-emploi : à la fois ça va te la faire apprendre (comme relire un texte plein de fois peut te le faire apprendre par cœur, c’est de la bête répétition espacée ou non) et à la fois créer des associations durant cet apprentissage (par corollaire, donc associer les sonorités ou les airs à des significations, comme une langue que tu apprendrais sauf que l’unité de base n’est pas le mot ou autre mais une composante plus abstraite).
Voilà, ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est ce que ton cerveau est une grande machine très bête qui passe son temps à associer des choses qui n’ont rien à voir entre elles (ça vaut aussi pour les images, les parfums, n’importe quoi) et qui renforcent ces connexions au fur et à mesure que les nombre d’occurrences augmentent, quand tu as compris ça tu as compris beaucoup de choses
Mais du coup en France, c’est le texte qui fait que c’est si populaire ? J’ai l’impression de n’entendre que ça (ça doit être en partie un biais géographique).
C’est le biais géographique, les radios diffusent toutes la même chose dans une aire géographique donnée et la réaction à la musique correspond à un « pool » de choses à laquelle une population donnée va réagir car elle connaît, et les majors s’arrangent pour essayer de forger et créer des nouveaux goûts (de nouvelles associations) en les associant à des anciens ou à d’autres qui n’ont rien à voir, tout en en abandonnant d’autres.
C’est comme ça que les genres se forment et évoluent aujourd’hui, très progressivement (le rap s’est mélangé à la variété il y a quelques années, puis ensuite à des genres électroniques complètement inhabituels chez nous mais associés à des artistes reconnus, etc. C’est pour ça que l’aura et le statut social de l’artiste, ses paroles, son image, et ce qu’il véhicule jouent beaucoup, parce que ce sont les critères de sélections qui font qu’il seront choisis par les adolescents qui les écoutent et essaient de s’y identifier (les genres musicaux évoluant tout au long de l’adolescence effectivement, et peu ensuite, c’est donc ce que choisissent d’écouter les adolescents qui va modeler ce que choisissent de diffuser les radios qui va modeler ce que choisissent de produire les majors, etc. et qui va effectivement influer sur la musique qui est diffusée, répétée, acceptée et donc écoutée en masse à l’échelle de tout un pays, parce que c’est au final ce que les adolescents écoutent le plus qui fait changer le paradigme)).