Qu'est-ce qu'une équation ?

Alors c’est parti ? Dans ce premier chapitre, nous allons tout reprendre depuis le début en commençant par voir ce que sont les équations, comment elles sont apparues dans l’histoire des mathématiques et comment on les écrit.

En route !

Qu'est-ce qu'une équation ?

Pour avoir une équation, il faut deux ingrédients :

  • Une ou plusieurs inconnues. Comme leur nom l’indique, les inconnues sont des choses qu’on… ne connaît pas.
  • Des informations sur les inconnues. Ces informations peuvent prendre différentes formes, nous allons y revenir en détail un peu plus tard.

À partir de là, le but du jeu est simple : retrouver la ou les inconnues à partir des informations. En fait, une équation, ce n’est rien d’autre qu’une devinette, mais une devinette mathématique, ce qui signifie que les inconnues sont des objets mathématiques, par exemple des nombres, des fonctions ou des figures géométrique.

Devinette classique

Équation (devinette mathématique)

Je commence la nuit.

Je finis le matin.

Et j’arrive deux fois dans l’année.

Qui suis-je ?

Je suis un nombre,

Et je suis égal à ma moitié plus douze.

Qui suis-je ?

Alors avez-vous trouvé ?

Prenez le temps d’y réfléchir, et si vous séchez, voici les solutions :

Pour la devinette classique, la réponse est la lettre N qui se trouve au début du mot Nuit, à la fin du mot matiN et deux fois dans le mot aNNée.

Pour l’équation, la réponse est 24. En effet, la moitié de 24 est égal à 12 et si on fait 12+12, on retrouve bien 24.

Si vous n’avez pas trouvé, ce n’est pas très grave, nous verrons dans la deuxième partie de ce cours les méthodes qui existent pour résoudre à tous les coups ce genre d’équation. ;)

Les équations réelles

Il existe en mathématiques de nombreux types d’équations selon la nature de l’inconnue. Voici quelques exemples :

  • Les équations diophantiennes sont les équations dont l’inconnue est un nombre entier (c’est-à-dire un nombre sans chiffre après la virgule, comme le nombre 3, le nombre 27 ou encore 5678). Elles portent le nom du mathématicien grec Diophante.
  • Les équations fonctionnelles dont les inconnues sont des fonctions.
  • Les équations géométriques, dont les inconnues sont des figures géométriques. Nous verrons dans la troisième partie de ce cours que ces équations peuvent être vues comme des équations réelles à plusieurs inconnues.

Mais celles qui vont nous intéresser plus particulièrement dans ce cours, ce sont les équations réelles, c’est-à-dire les équations dont l’inconnue est un nombre réel.

Petit rappel pour ceux d’entre vous qui auraient des doutes, l’ensemble R\mathbb{R} des nombres réels regroupe à la fois les nombres naturels (0 ; 1 ; 2 ; 3 ; …), les nombres négatifs (-1 ; -2 ; -3 ; …) et les nombres à virgule (2,45 ; 1,0001 ; -36,8 ; 3,1415…).

Avant de commencer à résoudre nous-même nos premières équations, nous allons faire un petit tour dans le passé dans la partie suivante pour voir ce qu’en pensaient les mathématiciens d’autrefois.

L'algèbre rhétorique

Si vous avez déjà rencontré des équations avant de lire ce cours, il est possible que pour vous ce soient des choses qui ressemblent à ça : 2x+3=52x+3=5 ou x22x+8=0x^2−2x+8=0.

Pourtant, les mathématiciens n’ont pas toujours écrit leurs équations de cette façon et il a même fallu assez longtemps avant qu’ils éprouvent le besoin d’inventer un langage mathématique spécifique aux problèmes d’algèbre. À l’origine, les équations étaient tout simplement écrites en langage courant. C’est le cas par exemple de l’équation que je vous ai donnée au début de ce chapitre :

Je suis un nombre. Et je suis égal à ma moitié plus douze. Qui suis-je ?

Cette façon d’écrire les équations, porte un nom : l’algèbre rhétorique.

Les babyloniens

Les plus anciennes équations que l’on connaisse nous viennent des babyloniens qui vivaient en Mésopotamie il y a près de 4000 ans. La tablette d’argile ci-dessous (portant le doux nom de BM 13901) est une sorte de manuel de résolution d’équations. Elle est divisée en différentes cases, chacune contenant un problème avec sa résolution.

Tablette BM 13901

Tablette BM 13901

La toute première ligne de la première case en haut à gauche dit ceci :

J’ai additionné la surface et le côté de mon carré : 0,75.

En d’autres termes, il s’agit d’une équation dans laquelle l’inconnue est un nombre tel que si on lui additionne son carré, on obtient 0,75. Les trois lignes suivantes de la case détaillent la méthode de résolution avant d’arriver au résultat : 0,5. En effet, le carré de 0,5 est 0,5×0,5=0,25 et on a bien 0,5+0,25=0,75. Trop forts ces babyloniens !

Ce type d’équation se nomme aujourd’hui une équation du second degré. Nous verrons pourquoi et nous apprendrons nous aussi la méthode de résolution dans la deuxième partie de ce cours. ;)

Hélas, avec le déclin de la civilisation babylonienne, la plupart de ces connaissances en matière de résolution d’équations ont été oubliées et il faudra attendre le XXe siècle pour que toutes ces tablettes soient redécouvertes et que l’on réalise à quel point les babyloniens avaient été en avance.

Al-Khawarizmi

Le mathématicien perse Al-Khawarizmi (v. 783, v. 850) est souvent considéré comme le père de l’algèbre. Il fut en effet le premier à publier des ouvrages complets répertoriant différents types d’équations avec leurs méthodes de résolution. Son œuvre principale, 'الكتاب المختصر في حساب الجبر والمقابلة (Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison) traite notamment des équations du premier et du second degré (nous verrons dans le prochain chapitre ce que cela signifie).

Al-Khawarizmi
Al-Khawarizmi

Ces ouvrages sont entièrement écrits en algèbre rhétorique. L’inconnue y est nommée la racine, le carré de l’inconnu y est simplement nommé le carré et les nombres y sont écrits en toutes lettres.

La racine d’une équation est le nombre qui est caché, de la même façon que la racine d’une plante est sa partie qui est cachée dans la terre. Quand on cherche les différentes valeurs que peut valoir l’inconnue, on dit alors que l’on extrait les racines.

Voici un exemple d’équation étudiée par Al-Khawarizmi : trois racines et quatre en nombre simple égalent le carré. En d’autres termes, Al-Khawarizmi cherche ici un nombre tel que si on le multiplie par 3 et qu’on lui ajoute 4, alors on trouve son carré. Sauriez-vous trouver un tel nombre avant de regarder la solution ?

En réalité, cette équation d’Al-Khawarizmi possède deux solutions : 4 et -1. En effet :

  • 4×3+4=16 et 16 est bien le carré de 4 ;
  • (-1)×3+4=1 et 1 est bien le carré de -1.

Eh oui, c’est comme ça : une équation peut avoir plusieurs solutions. ;)

Aujourd’hui, il existe une différence d’utilisation entre les mots inconnue et racine. L’inconnue, c’est le nom que l’on donne de façon abstraite à ce que l’on ne connait pas tandis que les racines sont les valeurs concrètes qui sont solutions de l’équation. Par exemple, dans l’équation d’Al-Khawarizmi ci-dessus, il n’y a qu’une inconnue (on ne cherche qu’un seul nombre) mais il y a deux racines (il existe deux nombres qui satisfont l’équation). Cette différence de vocabulaire est un peu subtile, mais si ça ne vous parait pas encore très clair, ne vous inquiétez pas, ça viendra avec la pratique.

L’école italienne du XVIe siècle

Après Al-Khawarizmi, l’algèbre rhétorique perdure encore jusqu’au XVIe siècle. À cette époque, c’est en Italie que quelques mathématiciens vont pour la première fois trouver la méthode de résolution des équations du troisième degré.

Ces équations deviennent de plus en plus complexes et tout écrire en langue courante est de plus en plus lourd. En 1539, le mathématicien Tartaglia (1499,1557) a même l’idée d’écrire sa méthode de résolution en vers. Voici trois strophes extraites de ce poème mathématique.

Texte original (en italien)

Traduction

Quando chel cubo con le cose appresso

Se agguaglia à qualche numero discreto

Trouan dui altri differenti in esso.

Dapoi terrai questo per consueto

Che’llor produtto sempre sia eguale

Al terzo cubo delle cose neto,

El residuo poi suo generale

Delli lor lati cubi ben sottratti

Varra la tua cosa principale.

Quand le cube et les choses

Se trouvent égalés au nombre

Trouves-en deux autres qui diffèrent de celui ci.

Ensuite comme il est habituel

Que leur produit soit égal

Au cube du tiers de la chose.

Puis dans le résultat général,

De leurs racines cubiques bien soustraites,

Tu obtiendras ta chose principale.

Pas très clair, n’est-ce pas ? :-° Vous remarquez qu’à cette époque, l’inconnue est appelée la chose.

Plus les équations deviennent complexes, plus l’algèbre rhétorique devient pénible et handicapante pour la bonne compréhension des mathématiques. C’est pour cette raison qu’à cette époque, plusieurs mathématiciens commencent à imaginer un nouveau langage simplifié, plus efficace et sans ambiguïté dédié à l’écriture des équations et des problèmes d’algèbre.

Ce nouveau langage, nous allons maintenant le découvrir ensemble.

Un langage pour les équations

L’algèbre nouvelle

Nous avons vu qu’au début de l’histoire des équations, celles-ci étaient écrites en langage courant. Mais peu à peu, les mathématiciens vont se mettre à utiliser des abréviations et des symboles spécifiques pour écrire leurs problèmes d’algèbre. L’un des principaux artisans de ces transformations est le mathématicien français François Viète (1540,1603) qui lance à la fin du XVIe siècle un large programme de modernisation de l’algèbre.

François Viète
François Viète

Les premières transformations que l’on voit apparaître consistent à remplacer les mots par des abréviations. Par exemple, les opérations plus et moins s’écrivent simplement p et m. Ce procédé est appelé algèbre syncopée. Au cours des XVe, XVIe et XVIIe siècles, ces notations vont subir de nombreuses autres transformations et variations selon les auteurs. Peu à peu, on voit apparaître les notations auxquelles nous sommes habituées aujourd’hui.

Voici la liste des principaux symboles mathématiques par ordre chronologique de leur apparition.

  • Les symboles + et - pour l’addition et la soustraction sont introduits par le mathématicien allemand Johannes Widmann vers 1489.
  • Le symbole = pour désigner l’égalité est introduit par le mathématicien gallois Robert Recorde en 1557.
  • Le symbole × pour la multiplication est introduit par le mathématicien anglais William Oughtred en 1631.
  • L’utilisation d’un exposant pour les puissances (par exemple 3²) ainsi que le symbole √ pour la racine carrée sont introduits par le mathématicien français René Descartes en 1637.
  • Le symbole ÷ pour la division est introduit par le mathématicien suisse Johann Heinrich Rahn en 1659.

Vous pouvez constater que la nouvelle écriture de l’algèbre est le produit d’apports de nombreux mathématiciens de nationalités différentes. Les maths sont un travail d’équipe !

Et l’inconnue ? Que devient l’inconnue dans cette nouvelle algèbre ?

Comme tous les éléments des équations, sa notation va être simplifiée. L’inconnue reçoit alors un nom très simple composé d’une seule lettre ! François Viète a été le premier à désigner l’inconnue par une unique lettre, mais c’est René Descartes qui va pour la première fois utiliser celle qui va devenir la plus utilisée : xx.

#Quelques exemples de traductions

Dès lors, toutes les équations peuvent se traduire dans le nouveau langage de l’algèbre. Cette traduction rend les équations bien plus courtes et élimine les ambiguïtés liées au langage courant. Voici un tableau donnant quelques exemples de traduction d’équations de l’algèbre nouvelle en algèbre rhétorique.

Écriture moderne

Traductions rhétoriques

x=x÷2+12x=x\div 2+12

  • Je suis un nombre. Et je suis égal à ma moitié plus 12. Qui suis-je ?

x+1=x2x+1=x^2

  • Si on m’ajoute un, on obtient mon carré.
  • La chose augmentée de un est égale au carré.

x2=2×(x3)x−2=2\times(x−3)

  • Si on me retranche deux, on obtient le double de ce que l’on obtiendrait en me retranchant 3.
  • La chose moins deux égale le double de la chose moins trois.

((x2)÷2+2)×2=4((x−2)\div 2+2)\times 2=4

  • Si on m’enlève deux puis qu’on me divise par deux, puis qu’on m’ajoute deux, puis qu’on me multiplie par deux, on obtient quatre.
  • La chose moins deux divisée par deux plus deux fois deux égale quatre.

x3+x2=5\frac{x}{3}+\frac{x}{2}=5

  • L’addition de mon tiers et de ma moitié donne 5.
  • Une demi chose et un tiers de chose égalent cinq.

1x=x2\frac{1}{x}=x^2

  • Mon inverse est égal à mon carré.

Prenez bien le temps de décortiquer ces différents exemples pour bien comprendre comment les équations s’écrivent dans le langage moderne de l’algèbre. C’est ce langage que nous allons utiliser dans la suite de ce cours, il est donc important d’apprendre à maîtriser son fonctionnement.