Militer sert-il vraiment à quelque chose aujourd'hui ?

Où il est question de débat public et d'enjeux de société...

a marqué ce sujet comme résolu.

bilan des 4 premières pages de la discussion


Salut !

Après avoir posté cette réponse je me suis mis à réfléchir deux minutes sur le fait que le militantisme soit devenu systématique de nos jours. En effet, il n’existe aucun sujet de société sur lequel il n’y ait pas de mouvements militants. Pire, quel que soit le sujet, ce sont d’abord et surtout les militants de tous bords que l’on entend dans le débat public. Et pour être tout à fait honnête, je trouve cela à la fois absurde et contre-productif.

Déjà, parce qu’étymologiquement parlant, militer et débattre sont deux antonymes.

Le premier est synonyme de « combattre » : il ne m’est pratiquement jamais arrivé de me battre dans la vie, mais ce qui est sûr c’est que si/quand ça arrive, mon but est de gagner, à tout prix. Au contraire, de mon point de vue, un débat a pour vocation de s’expliquer, raisonner, réfléchir, et d’aboutir à des compromis, une compréhension mutuelle, de manière à ce que la société, dans son ensemble, puisse avancer dans une direction saine, pour le bien de tous. Bref, quand on milite, on ne débat pas : on combat, et je ne vois aucun sujet de société, de nos jours, qui mérite d’en arriver là.

Pire encore, la plupart des grandes causes sur lesquelles on entend des militants aspirent à changer une mentalité établie, qu’il s’agisse d’écologie, de féminisme, de mouvements LGBT… ou même de mouvements politiques. Or, généralement, les positions des militants vont à l’encontre de ce changement de mentalité, en excluant tout ce qui ne va pas dans leur sens. Par exemple, une phrase que j’ai beaucoup entendu dire par des militantes féministes est « on n’est pas là pour faire ton éducation ». Il est légitime de se demander pour quoi elles sont là, dans ce cas, et ce qu’elles espèrent obtenir de cette façon, si ce n’est polariser le débat et exacerber des tensions sociales ?

Attention, je cite ici les féministes en exemple, et on me répondra d’ailleurs que ce sont « les extrémistes » qui se comportent de cette façon, mais on peut relever ce genre d’absurdité dans tous les milieux militants, et surtout, cela lève une première question : où faut-il situer la limite entre « militantisme » et « extrémisme » ?

Personnellement, je n’ai pas de réponse à cette question, ou plutôt, la limite est tellement floue à mes yeux que j’en viens à me demander si elle existe réellement, mais je suis ouvert au débat. C’est d’ailleurs pour ça que je crée ce sujet. :)

Je me suis ensuite demandé pourquoi. Comment on en est arrivé là ?

Une explication possible serait que par le passé, de nombreuses avancées sociales majeures ont été le résultat de confrontations violentes. Qu’il s’agisse des droits civiques des afro-américains dans les années 60, du droit de vote des femmes, ou encore plus loin dans le passé, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il est donc relativement facile de se dire que l’on ne peut pas changer la société autrement qu’en passant par une forme ou une autre de violence, ou du moins que c’est connu pour marcher. Certes, mais il s’agissait alors de se battre pour faire reconnaître un état de fait qui n’était pas communément admis dans la société : les Noirs sont autant des humains que les Blancs, les femmes sont aussi capables que les hommes d’avoir des idées politiques pertinentes, tout être humain a droit au bonheur et est libre d’exprimer ses opinions… Est-ce réellement le cas en ce qui concerne les causes militantes de nos jours ? Je ne le crois pas. Peut-être est-ce parce que je suis naïf, mais je ne crois pas qu’il existe de nos jours une majorité de gens qui refusent d’admettre objectivement que les hommes et les femmes sont égaux, que les LGBT et les Noirs soient aussi humains que les autres, ou que l’on n’a qu’une seule planète et qu’il serait temps de s’inquiéter de ne pas la détruire.

Au contraire, il me semble que les enjeux de ces grandes causes visent plus à corriger une mentalité qui transparaît dans des habitudes et des coutumes bien établies, et je me demande comment on peut encore croire que le fait d’attaquer les gens de front (c’est un combat, une lutte, non ?) ou les faire culpabiliser a la moindre chance de les faire bouger dans le sens voulu.

Cela dit, je suis conscient que ma vision est partiale. Je m’en remets donc à vous.

Est-ce que le militantisme a réellement du sens de nos jours ? Est-ce que vous croyez que ce soit efficace, sinon nécessaire, pour une cause ou une autre d’être portée par des groupes de militants pour qu’il se passe quelque chose ? Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer un débat public plus sain que des affrontements stériles entre gens qui ne s’écoutent même plus les uns les autres ?

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Salut,

Tu fais bien d’avoir ouvert ce sujet, ton message initial m’a fait réagir mais je ne voulais pas réagir sur le sujet où il était posté. Je tiens d’abord à préciser que je ne me considère pas comme un militant, plusieurs causes me tiennent à cœur, que je suis et que je relaie, mais j’y consacre relativement peu de temps et ne m’implique pas trop dans les débats, je ne défile pas non plus parce que ce n’est pas ma tasse de thé.

Et pour autant je ne dis pas ça pour me défiler. J’ai bien souvent des positions proches de militant·e·s qui seraient qualifiés d’extrémistes (Rokhaya Diallo, Caroline De Haas, Taha Bouhafs, Gwen Fauchois, etc.). Sans en partager toutes les positions sur tous les sujets, je les suis généralement dans leur militantisme « agressif ».

En effet, le militantisme ne légifère pas, il combat. Il n’a donc pas à se placer dans le compromis mais consiste simplement à porter ses sujets. Chaque mouvement ayant ses combats privilégiés et ses modes d’action.
Le militantisme met en lumière et cherche à exister, notamment sur les sujets sociétaux et d’accès aux droits. Faire entendre sa voix pour montrer que son avis existe même s’il est mal représenté. Je ne pense pas qu’on serait arrivé au droit de vote des femmes, à l’abolition de la peine de mort ou au mariage pour tous par un seul travail parlementaire et sans manifestations de grande ampleur.

Et avec ces grands sujets aujourd’hui acquis chez nous (mais peut-être pas éternellement) on pourrait avoir tendance à se dire que la partie est bouclée et qu’il n’y a plus de grandes causes à défendre. Mais ce serait oublier (je prends le cas de la France) l’accès à la PMA à toutes les personnes, la reconnaissance du statut des personnes transgenres, les discriminations racistes systémiques, les violences faites aux femmes, les travailleur·se·s du sexe et leurs droits, la gestation pour autrui, le droit à la fin de vie, et j’en passe.
Beaucoup de sujets souvent clivant que les groupes militants n’ont pas fini de porter en avant.

Il n’y a probablement pas de majorité claire aujourd’hui favorable à ces sujets, tout comme il n’y en a pas contre. Il y a une majorité de gens qui s’en foutent et resteront dans le statu quo parce que ça leur convient très bien. Mais il y a des minorités qui veulent que les choses avancent plus vite, rééquilibrer un peu les priorités où certains sujets sont continuellement ignorés.

Alors oui, ces groupes ne sont pas tous tendres ni ouverts. J’ai envie de dire « tant pis », libre à chacun d’en trouver d’autres plus proches de leurs convictions.
Et sans chercher directement à convaincre, ils égrainent leurs idées en les imposant dans le débat public, parfois violemment, puis ça prend. Je pense aux actions « coup de poing » de groupes anti-spécistes pour mettre en avant le véganisme par exemple, et je me demande si le sujet serait si présent au quotidien sans les attaques de boucheries qu’il y a pu y avoir.

Je ne sais pas si mon message apporte vraiment une réponse au tien, mais j’espère au moins pouvoir faire entendre un autre point de vue sur la question.

Dans notre société médiatique c’est celui qui gueule le plus fort qui se fait entendre. Juste débattre ne fait pas parler du sujet, il faut chercher la polémique pour se faire entendre. Ça donne peut être au final une mauvaise image de la cause mais au moins ça en fait parler.
Je prend l’exemple des vegan : on en a parlé parce qu’il y a eu des actions chocs genre balancer de la viande crue dans un mac do, vidéos de L214… Du coup même si la réaction majoritaire c’est un rejet de ces actions et des discussions moqueuses sur les vegan, ce sujet est entré dans le débat public ce qui était leur but. Du coup même s’ils sont peut être peu nombreux par rapport à l’importance médiatique que ça a pris, ben du coup les restos se sont adaptés, des restos entièrement vegans ont ouvert, les industriels ont sorti des produits pour eux… Tout cela ne serait certainement pas arrivé sans les 'extrémistes’ qui ont mis le sujet sur la table.

Ah oui, je voulais ajouter une phrase par rapport à la violence. Il s’agit généralement d’une violence qu’ils jugent légitime : une réponse violente à une situation violente. C’est discutable bien sûr mais ça ne sort pas de nulle part.

Je vais être volontairement provoc dans ma réponse.

D’accord, j’entends l’argument que pour qu’un sujet existe il faille faire preuve de violence aujourd’hui, et d’actions choc pour faire parler de soi. Mais dans ce cas, en quoi ça diffère du terrorisme, fondamentalement ?

Là où je voudrais en venir, c’est sur le fait que ce n’est absolument pas sain comme fonctionnement. Je comprends que ce soit un ultime recours, mais n’y a-t-il pas un problème sous-jacent, dans le fonctionnement de notre société, auquel on ferait mieux de s’attaquer pour ne plus avoir besoin d’en arriver là ?

Ce sont vraiment des questions naïves. Elles n’ont rien de rhétorique.

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D’accord, j’entends l’argument que pour qu’un sujet existe il faille faire preuve de violence aujourd’hui, et d’actions choc pour faire parler de soi. Mais dans ce cas, en quoi ça diffère du terrorisme, fondamentalement ?

nohar

Peut-être qu’on pourrait les qualifier comme tel, peut-être aussi que certains s’en revendiquent. Mais a priori ils ne font pas de victimes humaines par exemple.

Je vais prendre le point Godwin pour moi — comme ça ce sera fait — et pour continuer sur les mouvements vegans j’imagine qu’ils se voient plus comme un mouvement de résistance que terroriste. Mais quelle est la différence entre les deux si ce n’est les idées défendues et le jugement qu’on en fait après ?

Il est question de gens qui pensent au plus profond d’eux que toutes les espèces animales se valent et donc que retirer la vie à une vache ou à un être humain, c’est pareil. C’est une conception très discutable mais qui se défend, et c’est la leur.

À leur place, est-ce que tu attendrais en demandant sagement aux gens d’arrêter de manger de la viande ? Est-ce que tu ne serais pas plus enclin à des actes « terroristes » / « de résistance » pour t’opposer à l’ordre établi et l’extermination de masse qu’il soutient ?

Concernant tes exemples, @entwanne, j’en vois deux révélateurs de ce que dit @nohar.

Les travailleuses du sexe. De ce que je sais, il y a plusieurs courant en désaccord complet sur ce qu’il faudrait faire. Et chacun milite. Avec comme sous-entendu qu’en tant que personne extérieur, quelqu’un à informer donc, je sais globalement ce qu’elles veulent (autorisation vs abolition en très gros), mais pas pourquoi elles pensent qu’une position est meilleure que l’autre. Par contre, je les ai déjà vu s’alpaguer méchamment.

Le racisme systémique. Les récentes manifestations en France ont provoquée une réaction ambiguë mais tout sauf ferme du ministre. Qui a conduit à des manifestations de policiers, puis à des retours en arrière du gouvernement. Il faudrait vérifier jusqu’où ils sont retournés, mais il est fort possible qu’il finisse plus loin qu’au départ… Je ne sais pas s’il aurait été mieux de faire en discutant plutôt qu’en militant à coup d’ACAB (pas devin, et puis les si, Paris, bouteille…). Je sais par contre que discuter aujourd’hui sera d’autant plus dur et que le militantisme semble s’avérer contre-productif.

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D’accord, j’entends l’argument que pour qu’un sujet existe il faille faire preuve de violence aujourd’hui, et d’actions choc pour faire parler de soi. Mais dans ce cas, en quoi ça diffère du terrorisme ?

En fait, je dirais surtout qu’il y a une différence entre les luttes du passé et aujourd’hui (en partie) : l’État de droit.

Il me paraît légitime que dans un pays non démocratique il y a des révolutions ou des actions un peu violentes pour renverser l’État en place ou changer des lois. Car en fait c’est le seul moyen d’agir. Il n’y a pas d’autres recours ou moyen d’expression possible.

D’où la révolution Française (et d’autres dans le monde), les manifestations plus ou moins pacifistes pour le droit des personnes noires, des femmes ou des pauvres car ils n’avaient pas forcément le droit de vote pour influer sur la société, ni la possibilité de s’exprimer autrement.

Pas de droits fondamentaux garantis à tous => pas de chocolat => besoin de lutter pour obtenir ces droits et aller plus loin.

Aujourd’hui, en France et de manière plus générale dans l’UE on a la chance de vivre dans un État de droit. Tout le monde peut participer à la vie politique et donc participer au processus démocratique : voter, participer aux débats, faire des animations ou opérations de communications, discuter avec des politiques, etc. Et si les droits fondamentaux sont violés, il y a la voie judiciaire pour corriger le tir. Cela peut être long, mais c’est légitime et accepté par tous.

Du coup le recours à la violence me semble inutile car nous disposons d’outils consensuels, efficaces et même conçus faits pour que cela évolue. Et je pense que ces voies doivent être privilégiées dans la mesure du possible.

Je pense que les actions militantes sont globalement assez contre productive aujourd’hui, moins acceptées par la population. Certains s’en servent comme moyen d’établir un rapport de force, mais une manifestation est massive à partir de quel stade ? Que penser d’une manifestation de 1 millions de personnes pour lutter contre un programme d’un parti politique élu dans le processus démocratique habituel ? Dans un cas, on dirait qu’on écoute pas le peuple (on notera que le peuple n’est jamais composée de personnes ayant un avis contraire aux manifestants), dans l’autre que c’est la dictature de la rue. D’où le fait que l’État de droit devrait être privilégié comme voie pour résoudre un conflit d’idée sur la société.

Après dans tout ceci, il y a également l’influence des médias dans ce processus. Les médias, dans un but de neutralité ou de donner la parole aux citoyens use et abuse de moyens assez inefficaces pour transmettre une idée ou une opinion sur un sujet. Le recours au micro trottoir, les débats avec une personnalité du camp pour et une du camp contre sans réellement tenir compte de leur poids ou de leur compétence respectif. Du genre mettre l’avis d’un scientifique du domaine contre une personne militante non experte du sujet. Cela n’aide pas à avoir des idées claires, et à avoir des débats sereins en donnant trop de poids au bruit.

+3 -1

D’un autre côté, rien n’est fait contre le racisme dans la police depuis bien longtemps, au point que certains en sont revenus à défendre les contrôles au faciès. Contrôles au faciès qui ont été interdits après une très grande manifestation, si je ne me trompe pas.

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Il m’est arrivé de discuter avec des militants un peu ouverts d’esprits qui m’ont expliqué quelque chose qui m’est inimaginable :

L’émotion fonctionne bien mieux que la logique pour convaincre les gens sur un point particulier.

Ça m’est inimaginable parce que en ce qui me concerne, je déteste qu’on me présente un point de vue avec de simples « arguments » basés sur l’émotion et l’affect (et ça aura tendance à me braquer si je sens qu’on veut me convaincre avec ce genre de trucs) ; alors que je suis prêt à écouter des arguments logiques et à les prendre en compte.

Mais apparemment dans la population générale on convainc mieux et plus de gens en basant sa communication sur l’émotion. Ce qui explique que la plupart des organisations (au moins celles assez grosses et anciennes pour réfléchir sérieusement à leur communication) se basent sur ces éléments pour leur militantisme.

L’effet de bord, c’est que ça a tendance à braquer les gens qui comme moi fonctionnent plutôt à la logique…

Mais apparemment dans la population générale on convainc mieux et plus de gens en basant sa communication sur l’émotion. Ce qui explique que la plupart des organisations (au moins celles assez grosses et anciennes pour réfléchir sérieusement à leur communication) se basent sur ces éléments pour leur militantisme.

Que cela fonctionne mieux, c’est un fait. Il suffit de voir que la communication de manière généralisée est fondée sur l’émotion et non la logique pour comprendre que cela fonctionne bien. Mais est-ce que cela justifie de le faire pour autant ? Que c’est bien d’agir ainsi ? Surtout en ayant conscience de le faire dans ce but.

Je pense que non. Déjà car l’affect altère le jugement, mais tout n’est pas basé sur l’émotion. Cela peut mener à des situations un peu compliquées. Il n’y a qu’à voir la justice, de nombreuses personnes critiquent les peines ou décisions judiciaires dans des tas de dossiers. Si parfois c’est justifié, c’est en fait souvent basé sur l’émotion qu’on peut avoir autour de cette affaire et on attend une réponse en lien avec cette émotion. Sauf que la justice étant basé sur l’État de droit, elle est motivée par la logique. L’émotion a peu de place dans ce processus et heureusement.

Du coup les gens sont surpris et déçus du fonctionnement judiciaire, peuvent le remettre en cause ou à des frustrations vis à vis de la société.

Ils ne peuvent pas comprendre non plus que parfois oui ils ont de bonnes intentions, mais la physique ou le droit n’étant pas un monde gouverné par l’émotion des militants cela peut mal se passer aussi entre leur désir et la réalité.

L’émotion peut tromper les gens, si je pense que pas mal de luttes ont un sens et ma sympathie, je ne suis pas d’accord pour convaincre les gens qu’il faille reposer sur l’affect et des arguments douteux. Car c’est mentir quelque part, et cela n’aide pas à prendre une décision efficace, rationnelle et bien acceptée.

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Ça va me faire penser à cette vidéo de DBY du coup, sur l’empathie : https://www.youtube.com/watch?v=6s_zXFmWM6g

C’est difficile parfois d’expliquer que la direction d’un pays, ça se base sur la rationalité et des calculs de bénéfices/pertes. On a eu l’exemple avec la gestion du covid, où on est effectivement obligé de redémarrer la machine économique parce qu’elle risque d’impacter la vie de millions de gens, au sacrifice de "seulement" quelques dizaines de milliers de personnes. J’aimerais pas être celui qui doit prendre ces décisions.

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Un peu pêle-mêle, en réaction , parce que ce débat m’intéresse :

Le premier est synonyme de « combattre » : il ne m’est pratiquement jamais arrivé de me battre dans la vie, mais ce qui est sûr c’est que si/quand ça arrive, mon but est de gagner, à tout prix. Au contraire, de mon point de vue, un débat a pour vocation de s’expliquer, raisonner, réfléchir, et d’aboutir à des compromis, une compréhension mutuelle, de manière à ce que la société, dans son ensemble, puisse avancer dans une direction saine, pour le bien de tous. Bref, quand on milite, on ne débat pas : on combat, et je ne vois aucun sujet de société, de nos jours, qui mérite d’en arriver là.

Il me semble que cette opposition est simpliste et artificielle. Plutôt que de tenter de dire pourquoi tout de suite, je vais essayer de faire en sorte que mes réactions sur d’autres points éclairent celui-ci.

Par exemple, une phrase que j’ai beaucoup entendu dire par des militantes féministes est « on n’est pas là pour faire ton éducation ». Il est légitime de se demander pour quoi elles sont là, dans ce cas, et ce qu’elles espèrent obtenir de cette façon, si ce n’est polariser le débat et exacerber des tensions sociales ?

Il me semble qu’ici tu es à côté des enjeux. À ma connaissance (et je connais des gens qui disent des phrases comme celles-ci, et les collectifs auxquels ces personnes appartiennent) l’idée n’est pas de dire qu’il ne faut pas faire d’éducation ni changer les mentalités. Il s’agit plutôt, ou en tout cas en partie, d’une réaction au fait que ce travail d’éducation est lourd et chronophage, et qu’il y a des moments où on peut le faire et d’autres non. Il arrive par exemple que ces demandes d’informations et d’explications surviennent pendant une action ou un moment de planification, et qu’elle masque simplement une opposition sous des prétextes innocents. Je pourrai développer si besoin, je ne sais pas si te parle dis comme ça. Aussi, cela concerna la notion de charge mentale : on demande aux personnes qui luttent (militent, je reviendrai sur le terme) de faire aussi la communication de leurs actions. C’est certes requis, et tous les militants le font, mais c’est une question de limites : pas tout le temps, pas n’importe quand sur demande, etc. ; et pourquoi les alliés (les fameux hommes hétéro qui soutiennent la cause, dont je fais partie) ne s’en chargeraient-ils pas aussi un peu ?

Attention, je cite ici les féministes en exemple, et on me répondra d’ailleurs que ce sont « les extrémistes » qui se comportent de cette façon, mais on peut relever ce genre d’absurdité dans tous les milieux militants, et surtout, cela lève une première question : où faut-il situer la limite entre « militantisme » et « extrémisme » ?

Du coup, pour moi, au contraire, ce ne sont pas les "extrémistes" qui se comportent de cette façon, mais des gens très bien, ouverts, exclusifs et bienveillants, toujours d’après mon expérience :)

Personnellement, je n’ai pas de réponse à cette question, ou plutôt, la limite est tellement floue à mes yeux que j’en viens à me demander si elle existe réellement, mais je suis ouvert au débat. C’est d’ailleurs pour ça que je crée ce sujet. :)

Ça fait toujours mal de lire ce genre de chose lorsque l’on est militant. La question est sans doute légitime, mais elle repose sur de telles confusions que c’est difficile de la traiter et d’expliquer. À mon sens cependant, il est étrange que des divergences de vues quand aux modalités d’action légitimes et les meilleures façon de communiquer sur les causes défendues, car c’est cela qui est en jeu selon moi, mènent aussi vite à une assimilation si problématique (oserais-je dire qu’elle me semble "extrême" ?).

Au contraire, il me semble que les enjeux de ces grandes causes visent plus à corriger une mentalité qui transparaît dans des habitudes et des coutumes bien établies, et je me demande comment on peut encore croire que le fait d’attaquer les gens de front (c’est un combat, une lutte, non ?) ou les faire culpabiliser a la moindre chance de les faire bouger dans le sens voulu.

Tout dépend, les enjeux sont divers et toujours multiple. Par exemple, une lutte concernant l’hébergement de personnes exilées a pour but premier l’hébergement effectif, et parmi ses autres buts effectivement de faire changer les mentalités, l’antiracisme, etc. Une lutte syndicale pourra avoir pour but immédiat la satisfaction de revendications, salariales ou concernant un plan de licenciement, en se souciant toujours mais de façon indirecte (pas forcément secondaire, mais indirecte) des mentalités. Aussi, on peut faire pleins de distinctions, notamment court/long terme, objectif de fond et objectif utilitaire, etc.

Cela dit, je suis conscient que ma vision est partiale. Je m’en remets donc à vous.

Est-ce que le militantisme a réellement du sens de nos jours ? Est-ce que vous croyez que ce soit efficace, sinon nécessaire, pour une cause ou une autre d’être portée par des groupes de militants pour qu’il se passe quelque chose ? Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer un débat public plus sain que des affrontements stériles entre gens qui ne s’écoutent même plus les uns les autres ?

nohar

En tant que militant (sans aucune prétention, je le suis plus ou moins occasionnellement et plus ou moins efficacement, mais je le suis quand même) il me semble important de dire oui. Pas parce que sans ça ma vie n’aurait pas de sens, ou du fait de spirales d’engagements, comme on l’entend parfois de la part de zététiciens autoproclamés qui devraient se méfier de tels propos pseudopsychologiques, mais parce qu’il me semble que c’est un fait (qui en tant que tel est bien sûr soumis à discussion, peut-être vérifié, contesté, etc.) Ça sert à quelque chose. Reste à savoir caractériser ce quelque chose, et là ça devient plus difficile. Pas parce que c’est flou, incertain et pénétré d’idéologie. Mais parce que cela dépend de beaucoup de choses : du militantisme en question, du moment, de la lutte en question, des gens avec qui on milite, qu’on ne choisit pas toujours complètement…

Cela peut servir à changer les mentalités, même si j’estime que cela se fait lentement et avec le concours de tellement de facteurs qu’on peut croire que le militantisme n’y est pour rien. Cela peut servir à faire héberger des gens (j’en ai plusieurs exemples récents), à les nourrir. À éviter des suicides au travail, à protéger des personnes de pratiques managériales abusives, de harcèlement. Cela peut servir à simplement faire exister des thématiques dans la sphère publique, ce qui n’est pas rien (un exemple : les collectifs antiracistes dits politiques, sans lesquels je pense que le contrôle de la police ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui).

Il est question de gens qui pensent au plus profond d’eux que toutes les espèces animales se valent et donc que retirer la vie à une vache ou à un être humain, c’est pareil. C’est une conception très discutable mais qui se défend, et c’est la leur.

À leur place, est-ce que tu attendrais en demandant sagement aux gens d’arrêter de manger de la viande ? Est-ce que tu ne serais pas plus enclin à des actes « terroristes » / « de résistance » pour t’opposer à l’ordre établi et l’extermination de masse qu’il soutient ?

Il est extrêmement difficile de répondre en ne tenant pas compte du sujet lui-même et de mon propre point de vue sur la question.

Je conçois que l’on puisse avoir cette vision et cette conception, et que l’on puisse en être convaincu au plus profond de soi, même si c’est typiquement le genre de sujet dont je discute avec mon fils de quatre ans. Le fait est que sur cette question, il y a un contexte factuel, scientifique, indéniable : celui d’échelle alimentaire et d’écosystème. Pour manger, toute espèce vivante en tue d’autres. Un chat qui mange une souris est peut-être un meurtrier, mais c’est quand même pour manger des souris que son propre système digestif est adapté, le chat est fait pour manger des rongeurs. De la même manière, notre système digestif est fait pour manger de la viande et des légumes. Et ça, ça complique tout.

Ça complique tout parce qu’il n’est pas question de morale dans le fonctionnement d’une échelle alimentaire. C’est la nature, c’est la vie, point. Nier le fait que la nature ait toujours fonctionné de cette façon est impossible.

Maintenant, j’entends parfaitement que nous soyons une société d’humains, et que ça nous distingue des autres animaux carnivores : qui serait objectivement capable de tuer lui-même la viande qu’il mange ? On a recours pour cela à une mise à mort industrialisée, et, là aussi, je comprends que cela puisse poser un sérieux cas de conscience.

Le problème, ici, est donc que cette cause a pour but de d’écarter l’humanité de la façon dont elle a toujours fonctionné dans la nature (manger de la viande et exploiter la production animale), car la façon dont elle se procure sa viande de nos jours pose un cas de conscience moral. Il s’agit quand même de convaincre, en premier lieu, que l’être humain n’a plus besoin de tuer ou exploiter des animaux pour obtenir son apport en protéines. Perso, c’est par là que je commencerais si j’avais un message à faire passer, parce que j’aurais bien conscience de passer pour un illuminé si je commençais par traiter les gens de meurtriers et les faire culpabiliser sous prétexte qu’ils mangent la même nourriture depuis des millénaires.

Quand bien même, a-t-on eu besoin de violenter qui que ce soit pour militer contre la peine de mort et obtenir son abolition ? Ou contre la torture ? Je ne le pense pas, pourtant les deux sont tout autant barbares et insupportables, à ce niveau.

Il me semble qu’ici tu es à côté des enjeux.

@kakiharaa

Euh… non. Quand on me répond pendant un débat que l’on n’a pas « à faire mon éducation », c’est clairement refuser de détailler ou de s’expliquer, et donc refuser de convaincre. J’appelle ça tuer le débat. Si on n’a pas le temps d’expliquer son point de vue aux gens, je ne vois pas à quoi ça sert d’entrer dans un débat, en fait, ou alors c’est considérer qu’un débat, c’est juste des gens qui disent ce qu’ils veulent chacun leur tour sans construire quoi que ce soit ni réfléchir ensemble, ni chercher à se comprendre. Soit une immense perte de temps et d’énergie. :)

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Salut,

Attention, je cite ici les féministes en exemple, et on me répondra d’ailleurs que ce sont « les extrémistes » qui se comportent de cette façon, mais on peut relever ce genre d’absurdité dans tous les milieux militants, et surtout, cela lève une première question : où faut-il situer la limite entre « militantisme » et « extrémisme » ?

nohar

De mon point de vue, le militantisme nait toujours au sein d’idées « extrêmes ». Un militant est une personne qui a une ou des convictions fortes s’apparentant plus à une forme de foi.

Je pense pour ma part que le militantisme et l’« extrémisme » ont un rôle important à jouer parce qu’ils définissent précisément les extrémités du débat public, ce qui est « convenable » et ce qui ne l’est pas, ce qui est « extrême » et ce qui ne l’est pas. Or, sans ces mouvements, les extrémités sont vouées à rester statiques. C’est à mon sens ces mouvements qui rendent certaines idées progressivement « acceptables » et « discutables ».

Cela peut également être un moyen d’avancer sur des causes précisément en polarisant le débat de manière volontaire, notamment sur le plan politique. Finir volontairement en bouc-émissaire avec qui personne ne veut traiter peut permettre de faire accepter certaines choses. Typiquement, avoir une forme de « menace rouge » peut pousser à accepter certains compromis qui ne l’aurait pas été sans cette « menace ».

Je conçois que l’on puisse avoir cette vision et cette conception, et que l’on puisse en être convaincu au plus profond de soi, même si c’est typiquement le genre de sujet dont je discute avec mon fils de quatre ans. Le fait est que sur cette question, il y a un contexte factuel, scientifique, indéniable : celui d’échelle alimentaire et d’écosystème. Pour manger, toute espèce vivante en tue d’autres. Un chat qui mange une souris est peut-être un meurtrier, mais c’est quand même pour manger des souris que son propre système digestif est adapté, le chat est fait pour manger des rongeurs. De la même manière, notre système digestif est fait pour manger de la viande et des légumes. Et ça, ça complique tout.

Ça complique tout parce qu’il n’est pas question de morale dans le fonctionnement d’une échelle alimentaire. C’est la nature, c’est la vie, point. Nier le fait que la nature ait toujours fonctionné de cette façon est impossible.

nohar

En vrai, je ne vois pas ce que cela complique. L’existence de la pyramide alimentaire et le régime alimentaire des autres espèces n’apporte rien au débat, à mon sens. La question est : un être humain peut-il être en bonne santé sans consommer de viandes animales (pour le végétarisme). La « nature » nous impose une alimentation nous permettant d’être en bonne santé, c’est la seule chose qu’elle nous impose.

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Cela peut également être un moyen d’avancer sur des causes précisément en polarisant le débat de manière volontaire, notamment sur le plan politique.

Le problème, c’est que polariser le débat le paralyse et l’empêche plus souvent d’aboutir à une solution consensuelle qu’autre chose. C’est justement ça que je déplore.

Polariser un débat revient à demander aux gens de se positionner sur un parti ou un groupe de personnes et d’adopter l’ensemble de ses idées plutôt que de se positionner sur les idées elles-mêmes, prises individuellement. Je ne vois pas bien ce que le débat public gagne à demander aux gens de choisir entre la peste et le choléra, ou bien le centre : "ne rien faire de significatif". Si on accepte ce système, alors on accepte de ne prendre, en fait, jamais la moindre décision significative, tout en se faisant régulièrement agresser par des extrêmes avec leurs idées déconnantes.

Je ne vois pas en quoi on peut considérer cela comme un système de prise de décision sain et efficace.

PS : Le fait que de plus en plus de gens abandonnent et se désintéressent tout simplement de la politique tendrait plutôt à le confirmer, d’ailleurs.

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Les travailleuses du sexe. De ce que je sais, il y a plusieurs courant en désaccord complet sur ce qu’il faudrait faire. Et chacun milite. Avec comme sous-entendu qu’en tant que personne extérieur, quelqu’un à informer donc, je sais globalement ce qu’elles veulent (autorisation vs abolition en très gros), mais pas pourquoi elles pensent qu’une position est meilleure que l’autre. Par contre, je les ai déjà vu s’alpaguer méchamment.

Gabbro

Et c’est pour ça que j’ai volontairement choisi cet exemple. Les groupes militants sont différents, avec des revendications et des modes d’action différents.

Ce n’est justement pas en militant qu’ils imposent un avis, ils l’exposent. Par la suite, il se peut que ce soit légiférer dans un sens ou un autre, mais il est sûr que ça ne contentera jamais tout le monde. Ça n’empêche pas de prêcher.

Le racisme systémique. Les récentes manifestations en France ont provoquée une réaction ambiguë mais tout sauf ferme du ministre. Qui a conduit à des manifestations de policiers, puis à des retours en arrière du gouvernement. Il faudrait vérifier jusqu’où ils sont retournés, mais il est fort possible qu’il finisse plus loin qu’au départ… Je ne sais pas s’il aurait été mieux de faire en discutant plutôt qu’en militant à coup d’ACAB (pas devin, et puis les si, Paris, bouteille…). Je sais par contre que discuter aujourd’hui sera d’autant plus dur et que le militantisme semble s’avérer contre-productif.

Gabbro

Là je ne suis pas d’accord parce que je trouve que ça donne justement de la visibilité sur tout ça.

Il m’est arrivé de discuter avec des militants un peu ouverts d’esprits qui m’ont expliqué quelque chose qui m’est inimaginable :

L’émotion fonctionne bien mieux que la logique pour convaincre les gens sur un point particulier.

SpaceFox

Je ne pense pas que ce soit mal et je n’ai pas envie de distinguer complètement l’émotion de la raison.

Pour prendre l’exemple de l’abolition de la peine de mort : on pourrait avoir comme argument rationnel qu’il y a toujours une possibilité d’erreur judiciaire et donc de condamner un innocent à mort. Côté émotionnel, on parlerait de la dignité de la vie humaine.
Je ne trouve pas que l’argument rationnel soit supérieur et serai atterré s’il était le seul utilisé. Parce que pour moi ce sujet relève avant tout de l’émotion.

Je ne pense pas que ce soit mal et je n’ai pas envie de distinguer complètement l’émotion de la raison.

Ça devient un problème parce que l’émotion a fortement tendance à interdire le débat : si tu critiques « l’argument » émotionnel, tu est immédiatement catalogué comme un monstre sans cœur avec qui tout débat est impossible.

Ça devient problématique quand les argument avancés sont douteux ou bancals, parce qu’il n’est pas possible de les discuter ou les remettre en question. Or, ces appels à l’émotion hasardeux sont très présents. Comme ça sans réfléchir, j’en trouve énormément dans les domaines de l’écologie, de l’humanitaire (cf la vidéo de Dirty Biology citée plus haut), ou le veganisme1.

Donc, pourquoi pas les appels à l’émotion si ça permet de convaincre des gens. Mais il ne faut pas que cette émotion passe par-dessus la logique, sans quoi on en arrive à prendre des décisions contre-productives par rapport au but d’origine par pure idéologie.


  1. De ce que j’en ai croisé, les arguments des vegans reposent presque toujours sur des appels à l’émotion (ou des règles éthiques personnelles) plus ou moins enfouis et présentés comme des vérités indiscutables, même lorsque le sujet est justement de montrer le côté « logique » de la chose.

Le sujet du véganisme est un sujet d’empathie pure et simple en même temps. C’est une question de morale, et il n’y a pas vraiment de rationnel dedans : il s’agit "juste" de la valeur que l’on donne à la vie animale, et c’est une polémique qui n’est pas logique mais purement émotionnelle.

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