Tu as raison, mais le démarrage de celle-ci est exponentiel. Et dans ce cas, ce comportement écrase complètement l’effet éventuel d’autres variables.
Non, parce que ce qui est au cœur même d’une épidémie, c’est sa distribution. Et l’étude d’épidémies comme la propagation du VIH, la grippe, etc. par exemple tend à montrer qu’on est pas en présence d’une exponentielle "pure". Et par ailleurs, appuient le fait que les autres variables jouent un rôle significatif non seulement dans la propagation de la maladie mais aussi dans sa résilience sur le long terme.
J’aimerais bien que tu détailles ce qui ne te va pas dans cette analyse au sujet de l’état de Washington. La ville principale de cet état est Seattle, dont la situation s’avère en effet alarmante.
C’est le défaut de ce genre d’analyses. Oui, la situation est inquiétante mais la démonstration est sans fondement.
J’entrerais dans les détails une prochaine fois si j’en ai le temps. Mais pour être bref, on peut reprocher à cette analyse d’être trop simpliste. Le problème, c’est le modèle. Pour le coup, je vais également parler de SEIR qui permet une modélisation simple de l’évolution d’une épidémie car ce que je vais dire est valable dans les deux cas.
Si l’on s’intéresse un peu à sa méthodologie dans l’article, ainsi qu’aux modélisations (simples, il en existe d’autres mais je n’entre pas dans les détails) épidémiologiques connues telles que SEIR (et ses variantes simplifiées (SIR, SI, SIS,…)), on remarque très vite que leur simplicité est également leur plus grand défaut et les rend peu fiables et donc inutilisables de manière rigoureuse en pratique.
Petite parenthèse…
- S = tous les hôtes susceptibles de se choper la maladie
- E = les hôtes exposés qui développeront la maladie mais ne sont pas présentement contagieux
- I = Les hôtes contagieux
- R = les anciens hôtes (soit guéris et/ou immunisés ou décédés de la maladie)
C’est ce que l’on appelle une modélisation compartimentale. Ici, il y en a quatre, prenant en compte différents types d’hôtes nécessaires à la propagation d’une maladie. Alors, c’est mignon, ça semble complet.
Mais il y a un couac…
Les modèles basés sur les compartiments ne tiennent pas compte des hétérogénéités entre les hôtes dans un même compartiment et sont basés sur l’hypothèse d’un mélange uniforme entre les hôtes des différents compartiments. Ils ignorent la nature stochastique de la transmission des maladies.
Il existe des modèles "plus précis". Les modèles stochastiques basés sur l’individu (stochastic individual-based models) qui permettent l’incorporation d’une multitude de paramètres biologiques qui sont pertinents, mais cela les rend mathématiquement complexes à utiliser et cela implique d’avoir plus de paramètres que l’on ne peut raisonnablement disposer (à partir des données disponibles).
Bref, on a pas véritablement de modèles avec un bon niveau de fiabilité.
Son analyse, comme ces modèles, offre un résultat "simple et rapide". Et c’est là que cela coince quand on essaie d’estimer les cas réels, en pratique. Ils sont bien trop simples, ignorent énormément de variables. Du coup, se permettre de sortir des inepties telles que "On a 22 décès, mais ça veut dire qu’on a 16 000 cas réels"… Non merci. Ce n’est pas comme cela que cela fonctionne. Utiliser des modèles pour avoir une approximation de la propagation d’une maladie infectieuse, j’ai rien contre. Du moment que l’on n’oublie pas qu’il s’agit d’une approximation (dans le cas présent, vu la complexité de la chose, c’est pas une fourchette, c’est un rateau). Mais les affirmations sans fondements, on s’en passera.
Ce qui fait que ce genre de prédictions se basent en fait sur des postulats afin d’avoir des comportements uniformes, homogènes. Ce qui permet d’avoir une modélisation simple. Mais ça, ça ne tient pas face à la réalité. Il faut bien prendre conscience que ce n’est qu’une approximation et non une analyse rigoureuse et de fait, elle ne peut servir de base pratique pour estimer ce qui va/peut encore nous tomber sur la gueule. Cette analyse ne tient pas compte de nombreuses spécificités du virus et de la propagation des maladies infectieuses. Elle prend 1 élément et extrapole. Sauf que ça ne marche pas trop quand il s’agit d’épidémiologie…
Et à cela, il faut également tenir compte de ce que nous enseigne la théorie des réseaux appliqués à l’épidémiologie. Bref, estimer la propagation d’une maladie ou le nombre de cas réels est quelque chose d’intrinsèquement difficile. Des modèles existent, à des degrés divers de précision. Mais faire une analyse exponentielle et pondre des affirmations ici et là… Sans façon.