Quand la vitesse varie...
Maintenant que nous connaissons le principe d’inertie, qui explique qu'un objet isolé conserve sa vitesse, comment expliquer les changements de mouvement ?
L'inertie étant pour Newton une "force interne" à l'objet, il faut trouver une cause externe capable de modifier son mouvement. C'est alors que Newton définit le concept qui constituera la notion centrale de la mécanique classique : la force.
Hummm… non, pas cette force-là
Définition IV
La force imprimée (vis impressa) est l'action par laquelle l'état du corps est changé, soit que cet état soit le repos, ou le mouvement uniforme en ligne droite. Cette force consiste uniquement dans l'action, et elle ne subsiste plus dans le corps, dès que l'action vient à cesser. Mais le corps persévère par la seule force d'inertie dans le nouvel état dans lequel il se trouve. La force imprimée peut avoir diverses origines, elle peut être produite par le choc, par la pression, et par la force centripète.
La force est donc l'action qui modifie la quantité de mouvement d'un objet. Mais cette notion reste assez obscure. D'Alembert dira d'ailleurs que " la force est le concept le plus présent, mais aussi le moins bien défini, dans les Principia ". En effet, assimiler la force et le changement de mouvement, c'est finalement donner deux noms différents à la même chose…
Les forces de Newton
Newton évite d'ailleurs de donner un interprétation physique à la notion de force. Il en définit trois qualités : "La quantité de la force peut être considérée comme absolue, accélératrice et motrice". Qu'entend-il par là ?
- La quantité absolue est la force en elle-même, indépendamment de l'objet qui la subit. Ainsi, un aimant plus gros produit une force absolue plus grande.
- La quantité motrice, quant à elle, est la force subie par le corps, elle peut être différente par exemple en fonction de l'éloignement de l'aimant (même si la force absolue de l'aimant est la même).
- La quantité accélératrice mesure le changement de vitesse subi par le corps. Ainsi, deux corps de masse différente ressentent la même force motrice, mais leur changement de vitesse (leur accélération) dépendra de leur masse.
La force motrice se rapporte donc au corps qui la subit, elle se mesure par la modification de la quantité de mouvement de celui-ci. La force absolue par contre se rapporte au corps qui est la cause de la force. Cette séparation permet à Newton d'étudier les mouvements sans avoir à s'intéresser à l'interprétation physique de la force, notamment pour la force de gravitation ("Cette façon de considérer la force centripète [absolue] est purement mathématique ; et je ne prétends point en donner la cause physique."). Quant à la force accélératrice, on pourrait l'assimiler à l'accélération elle-même.
Le principe fondamental de la dynamique
Ces définitions sont déroutantes pour un lecteur moderne. En effet, elles ne sont plus enseignées ainsi de nos jours. La notion moderne de force est en fait la force motrice de Newton. C'est d'ailleurs cette force motrice que Newton utilise dans sa désormais célèbre deuxième loi du mouvement :
"Les changements qui arrivent dans le mouvement sont proportionnels à la force motrice".
Tentons une interprétation moderne de cette phrase. La loi de Newton dit donc :
Force = changement de la quantité de mouvement
Or nous savons que la quantité de mouvement p est le produit de la masse par la vitesse. Cela nous donne :
Force = changement de la (masse x vitesse)
Si on considère la masse constante, on obtient :
Force = masse x (changement de vitesse)
Ce qui finalement donne :
Force = masse x accélération
Ce qui est bien la formulation moderne du principe fondamental de la dynamique.
Attention, le principe fondamental de la dynamique est
Rappelons que cette formule n'apparaît jamais explicitement dans les Principia. C'est Euler (1707-1783) qui l'exprimera pour la première fois sous sa forme moderne. Newton en donne toutefois un peu plus loin un énoncé un peu plus explicite :
Principia, Proposition 24 du livre II
La vitesse qu'une force donnée peut produire en un temps donné est
comme le temps et la force directement,
et comme la quantité de matière inversement.
Tentons de nouveau une interprétation moderne de cette proposition : Si $F$ est la force, $dv$ est la vitesse qu'une force donnée peut produire, $m$ la quantité de matière et $dt$ le temps donné, on obtiendrait $dv = \frac{F}{m} \times dt $, ce qui donnerait au final :
On retombe bien sur le principe fondamental de la dynamique ( $\frac{dv}{dt} $ est ce qu'on appelle mathématiquement la dérivée de la vitesse, et représente la variation de ladite vitesse, c’est-à-dire l'accélération)
Ce principe fondamental mérite bien son nom. Cette formule est utilisée pour prédire le mouvement d'un objet lorsqu'on connaît la force qui lui est appliquée.
Vous rencontrerez souvent en physique, dans différents domaines, une équation fondamentale propre à ce domaine, comme les équations de Navier-Stockes en mécanique des fluides ou l'équation de Schrödinger en mécanique quantique. Sachez que ces équations ne sont finalement que l'adaptation de ce principe fondamental au domaine considéré.