Les expériences de Galilée

Tout ce qui monte....

Florence, 1609. Dans une petite chambre, un homme s'affaire. Ce n'est pas un enfant, et pourtant il joue à un jeu étrange: il fait rouler des billes sur un plan incliné en faisant tinter des clochettes! Cet homme, c'est Galilée. Il cherche la loi de la chute des corps: pour tenter de percer ce mystère, il observe une pierre qui tombe. Que remarque-t-il ? Dans sa chute, elle accélère. Oui, mais de quelle manière ? Pour répondre à cette question, il fait le raisonnement suivant :

"Enfin, dans cette étude du mouvement naturellement accéléré, nous avons été conduits comme par la main en observant la règle que suit habituellement la nature dans toutes ses autres opérations où elle a coutume d'agir en employant les moyens les plus ordinaires, les plus simples, les plus faciles. Car il n'est personne, je pense, pour admettre qu'il soit possible de nager ou de voler d'une manière plus simple ou plus facile que celle dont les poissons et les oiseaux se servent instinctivement.

Quand donc j'observe qu'une pierre tombant d'une certaine hauteur à partir du repos acquiert successivement de nouvelles augmentations de vitesse, pourquoi ne croirais-je pas que ces additions ont lieu selon la proportion la plus simple et la plus évidente? […] ce qui sera le cas si nous nous représentons un mouvement où en des temps égaux quelconques se produisent des additions égales de vitesse."

Galileo Galilei, Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles

Voilà donc la conviction de Galilée : la chute des corps se fait selon un mouvement uniformément accéléré. C'est-à-dire que la vitesse augmente de manière proportionnelle au temps. Et ça, nous savons le modéliser depuis nos plus jeunes années: par une fonction linéaire, de la forme $f(x) = ax$. Dans notre cas, c'est la vitesse qui augmente linéairement en fonction du temps, on aura donc : $ v(t) = at$, avec $a$ qui représente l'accélération (constante).

Il va alors démontrer que cette loi de vitesse conduit à une distance de chute qui est proportionnelle au carré du temps, chose que l'on connaît aujourd'hui (La formule actuelle est $d(t) = \frac{1}{2}at^2$).

Certains d’entre vous le savent sûrement, cela se démontre aujourd’hui grâce à l’utilisation du calcul intégral. Mais ce calcul n’est pas connu à l’époque, puisqu’il sera inventé un peu plus tard par Newton… À la place de cela, Galilée utilise une démonstration géométrique, seule discipline connue à l’époque pour l’analyse des courbes comme les trajectoires. Cette démonstration nous paraîtrait aujourd’hui très lourde, je l’ai néanmoins mise en annexe pour les plus courageux d’entre vous.

... doit redescendre

Reste à savoir si son intuition était juste. Pour cela, il cherche à savoir quelle distance un objet en chute libre parcourt pendant un temps donné. Pour cela, il fait rouler des billes sur un support incliné sur lequel il a disposé des petites clochettes, que la bille fera sonner en passant.

Pourquoi un tel dispositif ? Eh bien, Galilée ne dispose pas à son époque d'horloge assez précise. Il se sert donc du chronomètre le plus précis de son temps : l'oreille humaine. En effet, lorsque vous entendez un tintement répétitif, vous arrivez facilement à faire la différence entre un son régulier ("TiiiiingTiiiiingTiiiiing") et un son irrégulier ("TiiiiingTiiiingTiiingTiing"). Galilée dispose donc des sonnettes à intervalles variables le long du parcours de la bille, jusqu'à obtenir un tintement régulier.
Et voici ce qu'il obtient :

Le tintement est régulier lorsque les clochettes sont placées à des intervalles de 1, 3, 5, 7, …

La bille met donc le même temps pour parcourir la première unité de distance que les trois unités suivantes, puis elle parcourt les cinq unités suivantes pendant la même durée. La chute des corps semble suivre une étrange "loi des nombres impairs" (1, 3, 5, 7 …).

Les espaces parcourus en des temps égaux par un mobile partant du repos ont entre eux même rapport que les nombres impairs successifs à partir de l'unité.

Galileo Galilei, Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles

Mais si on considère la distance parcourue en fonction du temps:

  • en une unité de temps, la bille parcourt $1$ unité de distance.
  • en deux unités de temps, la bille parcourt $1 + 3 = 4$ unités de distance.
  • en trois unités de temps, elle parcourt $1 + 3 + 5 = 9$ unités de distance.

Que remarquez-vous ?

La distance est proportionnelle au carré du temps.

Et c'est bien là la loi à laquelle Galilée est parvenue, et qui a été confirmée depuis.


Ce que Newton va faire, c'est montrer que cette chute des corps s'applique à l'Univers entier: ce sera la naissance de la théorie de la gravitation universelle.