@SpaceFox: OK, je vais clarifier, parce que j’aime pas la pente qu’on est en train de prendre (et c’est en partie ma faute), j’admets que mon point de vue n’est pas forcément facile à suivre, et je refuse de passer pour un connard élitiste.
D’abord : il n’y a pas de sous-culture.
Je serais le dernier à prendre ce genre de position, étant moi-même "engagé" (disons passionné) dans un genre musical (mais qui n’est pas que musical) qui a pendant presque toute son existence été pris de haut par les gardiens de la culture bourgeoise, et que l’on ne peut apprécier que du moment où l’on attend des musiciens qu’ils soient le plus authentique et fidèle à eux-mêmes possibles dans leur démarche. Cela présuppose de tout écouter ouvertement et de faire attention à ne pas s’enfermer.
Voilà, c’est dit, c’est posé, c’est là.
Pour autant, cela ne veut pas dire que l’on peut tout considérer comme une démarche culturelle. Et cette question est d’autant plus ambiguë de nos jours puisque l’on vit dans une pure société de consommation. Est-ce que je m’inscris dans une démarche culturelle quand je décide de binge-watcher la saison 2 de Luke Cage alors que je suis alité avec une rhinopharyngite ?
Non. Je regarde une bonne grosse série d’action, qui me permet de ne pas perdre le fil alors que je fais des micro-siestes pendant les dialogues. Je consomme cette série. Je n’y associe aucune démarche intellectuelle (quoique je ne peux pas écouter la BO sans l’analyser, d’une oreille appréciatrice, mais c’est une autre histoire), et je n’en sortirai pas grandi : ce n’est pas le but. Le but est de me divertir.
Dans ces conditions, c’est quoi, une "démarche culturelle" ?
Pour moi, ça commence par l’envie d’être surpris par quelque chose de nouveau, quelque chose qui nous renvoie à la question "est-ce que j’aime ça ? pourquoi ?" à laquelle on cherche à répondre le plus authentiquement et le plus complètement possible : ça commence par une curiosité sans borne. Curiosité qui n’est ni naturelle, ni innée et qui demande à être, elle-même, cultivée.
On peut tout à fait regarder un blockbuster ou une série populaire en s’inscrivant dans une démarche culturelle. Je pourrais même disserter sur le fait que One Punch Man fonctionne car cet anime joue particulièrement sur le contraste entre l’individualisme développé dans le thème (et même la musique) de la série, et la société japonaise qui est traditionnellement collectiviste. Puis me refaire One Punch Man le lendemain parce que j’ai envie de consommer un truc facile à regarder.
Vient maintenant la question suivante, est-ce qu’on peut prétendre être dans une démarche culturelle si l’on restreint sa consommation audiovisuelle aux blockbuster hollywoodiens.
Et désolé, mais pour moi la réponse est non. Par définition.
On a le droit d’aimer ces blockbusters, et on peut tout à fait les regarder en voulant se cultiver, mais du moment que l’on s’y restreint, alors on n’est plus dans l’exploration mais dans l’exploitation. C’est un signe évident que l’on cherche surtout quelque chose à consommer sans prendre de risque ni se poser trop de questions.
La question ne porte absolument pas sur la qualité intrinsèque de ces films, et quand bien même, il n’y a aucun mal à se divertir, mais c’est malhonnête de (faire) croire que c’est pour se cultiver.
Autrement dit : la culture est l’une des choses qui nous reste de plus humain dans une société de consommation de masse, et la démarche par excellence qui nous permet de le rester. Et si je semble sévère et élitiste, c’est justement parce que je n’admets pas qu’on la travestisse.
La travestir, ce n’est pas en "travestir l’objet", tout peut être un objet de culture. La travestir, c’est en travestir la démarche.
Et l’utiliser comme prétexte pour télécharger des trucs à consommer illégalement, c’est la travestir.
J’espère que je suis plus clair, maintenant.