J’arrive dans la discussion un peu tardivement, quasiment tout a été dit. J’ai vu que vous envisagiez de contacter Framabook, donc je prends ma casquette "membre de Framasoft ayant quelques connaissances sur les framabooks" pour répondre. Je ne suis cependant pas la plus experte sur le sujet, et je ne suis pas en train de faire une réponse officielle au nom de Framasoft, hein. C’est juste mon partage d’expérience personnel.
Framabook, c’est de la maison d’édition 100% bénévole, comme ce que vous pourriez faire ici. Ça a ses avantages et ses inconvénients : il n’y a pas de part du bénéf pour l’éditeur donc ça fait plus pour les auteurs, mais ça veut dire aussi qu’on dépend des disponibilités de chacun pour qu’un livre arrive à voir le jour.
On a un mal fou à trouver des relecteurs : savoir traquer les coquilles, c’est long et pénible et tout le monde ne sais pas forcément le faire. Et il faut trouver comment travailler, quels outils utiliser. Le problème n’est pas complètement résolu chez Framabook, parce que chaque auteur nous propose son livre dans un format ou un autre, que chaque correcteur est plus ou moins à l’aise avec certains outils (certains aiment le markdown, le lateX, l’odt…). Depuis un an on tente un nouveau pipeline à base de nextcloud/collabora mais je crois que les bouquins acceptés ont déjà dérivé de ce pipeline de base.
Le travail d’édition est aussi important. Par édition, on entend l’accompagnement de l’auteur pour améliorer la structure de son ouvrage, parfois sa façon d’écrire, afin d’arriver à une certaine qualité et une cohérence globale au niveau de l’ouvrage. C’est un travail qui demande de la diplomatie, parce que même quand on publie sous licence libre, ce n’est pas toujours évident en tant qu’auteur quand on nous demande de réécrire un passage, de changer l’ordre des paragraphes, de couper, ou de s’interroger sur notre usage immodéré des virgules et des phrases trop longues
Enfin chez Framabook, nous accordons beaucoup d’importance à l’accessibilité des livres numériques, et ça aussi ça demande un temps diiiingue, parce qu’il faut générer un epub très propre et intégrer pleins de subtilités. Et nous avons surtout une seule bénévole capable de faire ce travail… Ça se pose moins dans le cas du livre papier, mais là il faut passer du temps à revoir chaque page pour vérifier que la mise en page est réellement bonne, que la génération du pdf n’a pas fait des choses étranges.
Ça c’est tout le travail en amont. En moyenne entre le moment où nous acceptons la proposition d’un auteur, et le moment où nous publions, il se passe de un à trois ans.
Ensuite, il y a la partie imprimeur. Au début, les framabooks étaient imprimés de façon classique, avec du stock. On a changé ça il y a quelques années, pour passer à l’impression à la demande. Pourquoi ? Parce que stocker 25 livres d’une édition… bon, ça va. Mais quand on a 10 livres, ça fait 250 livres. Au moins. Et ça augmente chaque année. Et le stock ne baisse pas si vite. Et quand on passe par un imprimeur, on a plutôt tendance à imprimer l’édition par centaine que par dizaine. Ça prend de la place, beaucoup de place, sans parler de la gestion des envois, de trimballer ces livres sur les stands (c’est lourd), etc. Certains livres se vendent bien, d’autres pas du tout, mais il est impossible de savoir a priori "pourquoi", donc quand on tire en plusieurs exemplaires, on ne sait jamais si ça va encombrer, ou si ça va partir trop vite. L’impression à la demande est plus souple, même si on dégage moins de marge. Personnellement, je pense qu’il est profitable de mettre en place des souscriptions, c’est à dire de faire des campagnes en pré-vendant le livre, puis en imprimant en nombre la quantité demandé (avec une petite marge). C’est comme ça qu’il y a le moins de frais, mais ça demande aussi une sacré organisation.
Si jamais vous cherchez des adresses, nous on passe par Lulu pour imprimer. La qualité est inégale (les couleurs des couvertures varient un peu suivant quel imprimeur a pris la commande en charge, pas exemple) mais ça reste des livres d’une qualité très correcte. Petit conseil : établissez en amont une maquette à laquelle tous vos livres vont obéir : taille, typo, couleur de la tranche, logo, type d’illustration, sens du titre sur la tranche… On s’est fait gronder par notre libraire favorite devant l’aspect hétéroclite de nos premières éditions ! Si vous payez un graphiste, payez-le pour faire cette maquette de base. Ça fait gagner du temps. Ensuite, l’illustration de couverture peut être sobre, vous pouvez même faire un choix façon "belles lettres" et vous contenter du titre, sans illustration ; si la typo et le style sont bien étudiées, ça peut être très sympa.
Ensuite, la diffusion. Là, c’est le point où rien ne va plus. Tout dépend du public visé. Les membres de ZdS ? Bon, c’est facile, avec l’impression à la demande ça devrait bien se passer, la com sur le site devrait suffire (peut-être ajouter un espace "boutique" pour les livres). Tant que vous pouvez toucher votre public par internet, et que les gens commandent par internet, ça ira. Mais si vous voulez que votre bouquin se retrouve chez tous les libraires, ou dans tous les CDI… C’est quasiment mission impossible, sauf à passer par des gros éditeurs qui vont vous proposer des contrats moisis, ou à tomber sur la perle rare des petits éditeurs qui va croire en votre projet et qui a de sérieuses compétences commerciales. Chez Framabook, on échoue complètement sur la partie diffusion du livre papier, justement parce que nous ne sommes pas des commerciaux, et parce que les contraintes qui pèsent sur les pourvoyeurs finaux (libraires, CDI, etc…) sont très, très lourdes. Quelques libraires prennent des risques et acceptent de nous commander quelques livres, mais à ma connaissance il y en a moins de 5 en France… nos ventes se font soit sur notre site, soit les auteurs qui vendent leurs livres directement, de leur côté.
Arriver à négocier un bon contrat avec un gros diffuseur, c’est comme de négocier avec la mafia, la principale différence étant qu’une fois qu’ils vous auront coulé, vous pourrez encore respirer Il n’y a vraiment pas de solution miracle. Faite très attention sur cette partie des contrats, si vous sous-traitez la diffusion. Même quand ça parait simple. Par exemple, si vous faites de l’impression à la demande chez Lulu, et que vous voulez que vos livres soient présents sur Amazon, vous devrez accepter un contrat extrêmement contraignant (il y a une notion d’exclusivité si je me souviens), sans possibilité de négociation, qui va rogner votre marge à la portion congrue. De mémoire, sur un bouquin à 20€, si vous touchez encore 1€ ce sera le max… ce 1€ à diviser entre les auteurs, éditeur, graphiste, donc… ça demande d’en vendre beaucoup pour rentrer dans ses frais. En faisant l’impression à la demande, puis en vendant depuis votre site (sans amazon, donc), votre marge revient assez vite à presque 10€, il faut en vendre moins pour payer les gens.
De nombreux petits éditeurs se retrouvent en faillite, et la très grande majorité des auteurs n’est pas rémunéré (ou des clopinettes, et avec quelques années de délai), à cause des contraintes qui pèsent sur le livre papier. Si vous pensez que ça peut rapporter de l’argent d’éditer des livres, lisez le rapport Racine. Ça peut marcher, mais c’est une exception.
Je crois que Kaleidoscopique a résumé le principal sur les questions à se poser : tout va dépendre de votre objectif. Ses conseils sont bons, à mon avis
Il y avait aussi une demande concernant un juriste pour relire les contrats. Attention, la plupart des juristes même spécialisés dans le droit d’auteur ne connaissent pas grand chose aux licences libres. Visez plutôt les juristes spécialisés dans la propriété intellectuelle ET les licences libres. Vous en trouverez certains à la Quadrature du net (ou ils vous indiqueront où les trouver) ; il y a aussi Calimaq, et Benjamin Jean, dans ceux que je connais. C’est une très bonne idée de prendre contact avec eux avant de signer le moindre contrat, ou pour établir vos propres contrats.
Enfin, si jamais vous souhaitez proposer un de vos livres à Framabook : déjà, merci d’avoir lu nos conditions, ça fait plaisir de savoir que ce n’est pas écrit en vain Je dit ça parce qu’on reçoit souvent des candidatures qui n’approchent pas, même de loin, de nos exigences (ouvrage sous licence propriétaire sans aucun rapport avec ce qu’on publie…). Vu ce qui est publié sur Zeste de Savoir, je pense que le contenu ne sera pas un souci. Les licences peuvent être un frein suivant les textes, comme vous l’avez relevés, nous ne prendrons pas ce qui est sous clause NC puisque notre but est de diffuser la culture sous licence libre, pas juste de diffuser librement Mais le vrai gros frein, c’est cette énergie bénévole dont je parlais plus haut. Nous avons très peu d’actifs sur Framabook, et nous avons des hautes exigences, le souhait de faire un vrai travail d’édition, ce qui demande du temps et des disponibilités. Il est donc possible (et courant) qu’on refuse une proposition, malgré son intérêt, parce qu’on sait que nous n’aurons pas les moyens, humainement parlant, de faire bien le travail.