J'avais commencé à écrire ce message pour Algue-Rythme en privé, mais comme il était long et (presque) sourcé et pas trop hors sujet, je le poste ici.
Le rôle de la gauche et de la droite s'est totalement inversée durant le XXième siècle. Par ailleurs, en réalité, ceux qui ont inventé l'Etat social, c'est la droite aux Etats-Unis. Notamment, l'impot confiscatoire sur le revenu comme contre-poids aux inégalités croissantes induites par le capitalisme par nature et le revenu minimal comme contre-poids du salarié face au patron.
Pour ce qui concerne la France, l'échelle mobile des salaires, qui ajuste les salaires des travailleurs sur l'inflation pour leur permettre de conserver leur pouvoir d'achat, a été mis en place en 1952 par le parti libéral les Républicains indépendants (sous pression de l'ancêtre du parti socialiste certes). Elle sera supprimé par Jacques Delors, socialiste, sous le gouvernement socialiste de Mitterrand en 1982. Notons que l'Italie a supprimé la sienne en 1992 pour rentrer dans l'Union Européenne : cela en dit long sur les promesses d'Europe sociale de notre « gauche » depuis 20 ans.
Le gel de la cotisation patronale vieillesse intervient dès 1979 (Giscard - Centre Droit); le gel de la cotisation patronale santé, en 1984 (Mitterrand - « Gauche »). Puis vient le tour de la cotisation patronale chômage gelée en 1993 (Mitterrand - « Gauche »), de la cotisation salariale gelée au milieu des années 1990 (Mitterrand - « Gauche ») et de la cotisation patronale de retraite complémentaire (AGIRC et ARRCO) gelée en 2001 (Chirac - Droite).
Passons aux traités européens. Delors et Lamy, par une irresistible envie de « moderniser » le traité de Rome et plus particulièrement l'article 56 devenu l'article 63 dans le traité de Lisbonne : « Toutes les restrictions de mouvements de capitaux entres les États membres et les pays tiers sont intedites ». Le summun de la libéralisation et surtout totalement opposé au projet initial d'un marché européen en provenance… de socialistes. Alors que ni la droite libérale ni les marchés financiers ni les entreprises ne l'avait demandé, pas plus que les ordolibéraux allemands (qui se sont tout de même alors jeté dans la brêche ouverte) .
La règle de 3% de déficit, pondu en 1h sur un coin de table, qui « ne mesure rien » et est une norme (3 %) qui « n'a pas d'autre fondement que celui des circonstances » et « rappelle la Trinité », est également l'invention d'un socialiste sous Mitterrand, à savoir Guy Abeille. À prendre conscience : c'est ce critère, entre autres règles toutes aussi arbitraires et sans fondement économique sérieux, qui gouverne la dépense publique des gouvernements de quelques 320 millions d'européens partageant une monnaie (pseudo-)unique et qui a notamment permis à l'Eurogroupe, contre l'avis du FMI et d'un paquet de prix Nobel d'économie, de mettre sous tutelle politique la Grèce et surtout de piller 25% de son PIB. Avec pour soutien, François Hollande, un grand socialiste s'il en est, ratificateur du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), version aménagée de la Constitution européenne qui avait essuyé un « non » majoritaire au referendum.
Mais comme le dit si bien le socialiste Jacques Delors :
« L'Europe est une construction à allure technocratique et progressant sous l'égide d'une sorte de despotisme doux et éclairé » – Jacques Delors, conférence à Strasbourg, 7 décembre 1999
Et je ne résiste pas à l'appel de la citation, avec Attali, qui ne tient pas vraiment le même discours lors de conférences privées que sur les plateaux grands publics ou dans ses livres :
« tous ceux qui ont eu le privilège […] d'écrire les premières versions du traité de Maastricht, savent que l'on s'est bien engagé à faire en sorte que sortir ce ne soit pas possible. On a soit disant oublié d'écrire l'article qui permet de sortir. C'était pas très démocratique, évidemment, mais c'était une grande garantie pour rendre les choses plus difficiles, pour se forcer à avancer. » – Jacques Attali, Université participative organisée par Ségolène Royale le 24 Janvier 2011.
« Se forcer à avancer » si c'est pour aller n'importe où, ou droit dans le mur, c'est pas forcément très malin.
Une citation d'un socialiste qui concourera facilement aux côtés de celle de Juncker, pas franchement très socialiste, mais le roi de l'évasion fiscale :
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » – Jean-Claude Juncker, 28 janvier 2015, Bruxelles.
Citer un socialiste à côté de Juncker, c'est plutôt pour montrer qu'en terme de politique en Europe, il ne reste plus que des labels sur une fausse alternance qui en réalité cache une même obsession. J'ai encore du mal à savoir si c'est par stupidité ou s'ils y croient réellement. Par exemple, Michel Sapin, socialiste, me semble sincère, quoiqu'un peu naïf, lorsqu'en 1992, alors ministère des Finances:
« Le traité d’union européenne se traduira par plus de croissance, plus d’emplois, plus de solidarité. » (Michel Sapin, ministre socialiste des finances, Le Figaro, 20.8.92)
Sur la solidarité, on repassera notamment avec l'Article 125 du traité de Lisbonne (ex-article 103 traité de Rome consolidé) dit du « no-bail out » qui interdit l'intervention d'autres états pour le rachat d'obligation (entre autres). Ou alors l'Allemagne qui attaque en justice par deux fois la BCE, l'une pour le programme OMT, l'autre sur le rôle de la BCE sur les questions d'intégration ou de sorties de la zone euro.
Cela me fait penser aux quelques membres plus haut qui souhaitaient la confiscation du pouvoir par une armée d'expert-policiens. À priori, dans cette logique là, quelqu'un qui s'est autant planté, puisque la zone euro a la croissance la plus faible au monde, ne devrait pas se retrouver ministre des Finances 20 plus tard. Surtout lorsque celui-ci oblige le Brésil et l'Argentine a intervenir officiellement pour démentir un mensonge éhonté pour justifier une idéologie morbide: Après l’Argentine, le Brésil dément les propos de Michel Sapin sur la Grèce. À priori, on savait qu'un paquet de têtes d'affiches des Républicains étaient sous le coup d'affaires judiciaires pas très nettes, mais au moins, ils n'ont pas autant trahis leur idéologie première que les socialistes ces 50 dernières années.
Si l'on veut revenir un peu du côté de la finance, ce sont les démocrates sous Clinton qui suppriment le Glass Steagall Act qui vise une séparation stricte entre les banques commerciales et les banques d'investissement. Cette mesure, instaurée par Roosevelt en 1933 fut la principale réponse apportée à la crise de 1929 et a été enteriné en 1999 après que de toute manière celle-ci ait pû être de plus en plus contourné à cause du libéralisme grandissant.
À côté, Hollande a fait passer une loi sur la « séparation » bancaire qui n'a de séparation que le nom puisqu'elle ne fait qu'obliger, grosso modo, les banques à placer les 1% de leurs actifs les plus toxiques dans une filiale… 1% dans une filiale. Voila.
Fin de diatribe.
EDIT: Je serais ravis d'échanger avec toi sur ton lien. Malheureusement un autre jour.