Le quenya (anciennement « qenya ») est une invention précoce de Tolkien (années 1910), et la première langue qui survivra dans ses écrits sur la Terre du Milieu. Elle a donc été amplement complétée et modifiée tout au long des écritures et des ré-écritures, jusqu’à la mort du professeur. Les inspirations de cette langue sont explicitement latines, grecques et finnoises ― on notera quelques ressemblances avec des langages plus précoces de Tolkien lui-même.
D’un point de vue interne, c’est-à-dire dans le monde imaginé, le quenya a bien sûr évolué en fonction du temps : sa forme ancienne perdure jusqu’à l’invention des sarati, puis évolue en se séparant en trois dialectes inter-compréhensibles principaux :
- Le vanyarin, parlé par les Vanyar : ce sont les elfes de la tribu des Minyar (décrite dans la partie précédente), les premiers arrivés dans le pays des Valar.
- Le ñoldorin, parlé par les Ñoldor : ce sont les elfes du second clan, les Tatyar, arrivés après les Vanyar et, pour la plupart, repartis en Terre du Milieu à l’occasion de circonstances décrites dans le Silmarillion. Leur version du quenya se fera donc connaître aux peuples non-elfiques sous le nom de « quenya de l’exil ». Il est alors délaissé comme langue vernaculaire (utilisée au quotidien), principalement utilisé dans des contextes poétiques ou rituels1.
- Le quenya livresque n’est pas à proprement parler utilisé comme un langage, c’est pourquoi il ne figure pas dans l’arbre ci-dessous. Il est utilisé comme langage d’érudit par les Hommes de Númenor.
Ces différentes versions du quenya diffèrent sur certains points, notamment par leurs lexiques : le quenya est par exemple appelé « quendya » par les Vanyar (aussi observé dans le nom « quendien primitif »), alors que la consonne d a disparu dans les autres dialectes. Ce n’est bien sûr qu’un exemple parmi d’autres (cf. l’excellent À quoi ressemble le quenya vanyarin ?).
En raison des multiples changements internes2 et externes3, il est évident que l’on ne peut considérer tous les textes rédigés par Tolkien en cette langue comme un tout homogène régi par des lois identiques. Cela reviendrait à faire du français de Rabelais le strict équivalent du nôtre, ce qui est absurde. Il faut donc prendre toutes les données avec prudence, et les remettre dans le contexte : voir le texte en annexe pour plus de précisions.
Mais malgré toutes ces limites et ces précautions, ça n’empêche pas les lambendili de faire du beau travail avec :
Allons-y !
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D’où son appellation, attestée de la main de Tolkien : « elven-latin » (latin elfique).
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L’apparition du quenya, à partir des premières langues elfiques, a été amplement détaillé par H.K. Fauskanger (en anglais).
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Pour vous apercevoir des multiples changements opérés par Tolkien, vous pouvez lire (en anglais) le très austère mais très intéressant essai “Quenya grammar reexamined”.
↩
Aperçu du quenya et références
Cette partie ne peut bien sûr pas prétendre être un cours de quenya. C’est au mieux une introduction, qui vous présentera les grandes caractéristiques de cette langue et vous donnera des références fiables pour continuer à l’étudier.
Description du haut-elfique
Phonologie
Si vous avez correctement suivi ce tutoriel, vous devriez avoir une certaine idée de la phonologie du quenya :
- À partir de celle des langues elfiques précédentes ;
- À partir des noms quenya qui ont égrené ce tutoriel ;
- À partir des tengwar en mode quenya (logique) : si vous ne vous en rappelez plus trop, revoyez-les maintenant, ça vous aidera.
À noter que le quenya peut également être écrit en sarati, mais que l’usage des tengwar est plus répandu, et plus adapté aux spécificités phonologiques de cette langue.
Dans notre monde, on préfère cependant utiliser l’alphabet latin pour retranscrire les mots quenya, plutôt que de les écrire en tengwar : cela évite les erreurs de lecture. Pour lire un mot quenya écrit en alphabet latin, il faut simplement oublier toutes les exceptions inhérentes à la lecture du français : s produit toujours le son /s/, c toujours le son /k/, u le son /u/ (« ou »), etc. D’autre part, certaines lettres symbolisent des éléments qui n’existent pas en français, comme le ñ pour /ŋ/, l’accent aigu ´ pour les voyelles longues, etc.
Sur la transcription tengwar-latin, vous pouvez consulter cette page (en français) ou celle-ci (anglais, plus complète).
Que peut-on observer, à partir de ces données phonologiques ?
Mise à part la présence de quelques sons un peu difficiles pour les locuteurs francophones (/x/, /ŋ/, /θ/ ; déjà présents dans les langues précédentes), c’est que certaines consonnes (/d/ ou /g/) ne peuvent pas exister seules, mais seulement dans des groupes de consonnes (nd ou ng). Cela peut paraître un détail, mais cela conditionne pas mal les adaptations de mots étrangers en quenya (voir les transpositions depuis le valarin − langue exposée plus loin).
Autre point intéressant, on observe, avec le quenya, à la naissance des diphtongues. Comme le dit Tolkien à travers les mots d’un linguiste elfe : « nos pères […], en construisant les mots, prirent les voyelles et les séparèrent avec des consonnes comme des murs » 1 ; au contraire, le quenya se permet de rompre cette alternance, créant les diphtongues, si reconnaissables en tengwar.
Enfin, le quenya a des règles d’accentuation tonique, qui déterminent grosso modo la syllabe sur laquelle on insiste : les langues précédentes avaient déjà des règles d’accentuation tonique, mais différentes (et moins fréquemment attestées). Dans la langue quenya, les règles d’accent tonique sont (étonnamment) semblables à celle du latin :
- Dans un mot de deux syllabes, c’est la première qui est accentuée : tengwar.
- Dans un mot de plus de deux syllabes, l’avant-dernière syllabe est accentuée lorsqu’elle contient une voyelle longue, une diphtongue ou un groupe de consonnes : Elendil.
- Dans un mot de plus de syllabes, quand le cas précédent n’est pas rempli, c’est l’avant-avant-dernière syllabe qui est accentuée : Denethor.
Déclinaisons
Le quenya, comme le latin, le grec ancien ou le finnois, contient des déclinaisons (notion expliquée plus tôt, rappelez-vous) : dans cette langue, les noms varient donc en nombre (singulier, pluriel, etc.) et en cas (c’est-à-dire en fonction grammaticale : sujet, C.O.D., etc.).
Il y a 4 nombres possibles en quenya, contre 2 en français :
- Le singulier, indiquant un objet seul ― facile.
- Le pluriel tel que nous le connaissons en français (dit pluriel général). Quand le mot singulier termine par une consonne, on rajoute un « -i » (« Istar », un magicien → « Istari », des magiciens) ; quand il s’agit d’une voyelle, on rajoute un « -r » (« Vala » → « Valar » ; « Ñoldo » → « Ñoldor »). Cet ajout du « -r » semble ne pas exister en quenya vanyarin.
- Le duel, indiquant des objets allant par paires, indiqué par l’ajout du « -t » ou d’un « -u » : par exemple, les oreilles (« hlaru ») ou les mains (« maquat »).
- Le pluriel partitif, signifiant une partie d’un tout plus grand ― caractérisé par sa terminaison en « -li ». Par exemple, « Ñoldoli », une partie du peuple Ñoldo, quelques individus de ce peuple. Ce nombre semble avoir été de moins en moins utilisé par Tolkien.
Les cas en quenya sont variables, mais on en compte une dizaine : c’est beaucoup, mais certes moins que le finnois (15 cas), et le modèle de déclinaison est sensiblement le même pour tous les mots (à la différence du latin, par exemple, où l’on compte traditionnellement 5 modèles).
La déclinaison, en quenya, a été remodelée tout au long de la vie de Tolkien, mais ce dernier a malgré tout laissé deux documents explicatifs sur le sujet : le premier est appelé « Déclinaisons Bodléiennes » et date des années 1930 ; le second, plus récent, est généralement cité à titre de référence ― ce sont les « déclinaisons de Plotz ».
En voici un extrait :
Cas (fonction exprimée) | Singulier | Duel | Pluriel partitif | Pluriel général |
---|---|---|---|---|
Nominatif (sujet) | cirya | ciryat | ciryalí | ciryar |
Accusatif (C.O.D) | ciryá | ciryat | ciryalí | ciryai |
Génitif (marque l’origine) | ciryó | ciryato | ciryalion | ciryaron |
Instrumental (C.C. de moyen) | ciryanen | ciryanten | ciryalínen | ciryanen |
Allatif (lieu où l’on va) | ciryanna | ciryanta | ciryalinna® | ciryannar |
Datif, forme courte de l’allatif (C.O.I.) | ciryan | ciryant | ciryalin | ciryain |
Locatif (lieu où l’on est) 2 | ciryassë | ciryatsë | ciryalisse(n) | ciryassen |
Locatif abrégé | ciryas | ciryalis | ciryais | |
Ablatif (lieu d’où l’on vient) | ciryallo | ciryalto | ciryalillo(n) | ciryallon |
Possessif/Adjectival (possession) | ciryava | ciryalíva |
Tolkien a également donné les déclinaisons pour un autre mot (« lassë », feuille), mais les terminaisons sont similaires.
Gardez bien en tête que ces déclinaisons sont celles du quenya livresque, mais qu’elles peuvent être différentes pour les autres sortes de quenya : par exemple, le quenya ñoldorin ne fait pas de différence entre le nominatif et l’accusatif (de toute façon très proches).
Enfin, contrairement à d’autres langues (comme le latin), seuls les noms se déclinent : les adjectifs, eux, ne s’accordent pas en cas, mais seulement en nombre. Il y a des doutes sur la manière d’accorder (utilise-t-on les mêmes terminaisons que le nom, ou d’autres ?), mais je ne vous encombrerai pas avec.
Pronoms personnels
Je ne connais pas le dialecte des exemples que donnés dans cette partie. À prendre avec prudence.
Les pronoms personnels ont, eux aussi, subi de nombreuses modifications au cours de la vie de Tolkien, et, pour les présenter, on se base généralement sur les écrits tardifs du Professeur (fin des années 1960, début des années 1970).
Ils n’ont, contrairement aux noms, que 3 nombres possibles : singulier, duel, et pluriel général. Mais ils ont d’autres subtilités, la première étant qu’ils ont trois grandes formes différentes :
- La forme enclitique, c’est-à-dire qui a l’aspect d’une terminaison : « -nyë » pour la première personne du singulier (je) ;
- La forme détachée simple ou courte : « ni » pour la première personne du singulier ;
- La forme détachée emphatique ou longue : « nyë » pour la première personne du singulier.
Ainsi donc, « j’aime » peut se traduire :
- « melinyë » (raccourci en « mellin ») ;
- « ni melin » ;
- « nyë melin ».
À noter que des formes enclitiques existent également pour marquer d’autres cas, comme le possessif (« tielyanna », sur votre chemin), l’accusatif (« karitas », le faire), etc. On utilise généralement les formes détachées pour insister sur la personne, un peu comme en français on rajoute un « moi » avant le « je », pour insister le pronom personnel.
Autre curiosité digne d’intérêt, la première personne du pluriel (ou du duel) peut être inclusive ou exclusive. Cette notion n’existe pas en français, alors il est important de l’expliquer :
- Le nous inclusif comprend l’interlocuteur : « nous allons manger », c’est-à-dire « toi, moi, et peut-être d’autres personnes allons manger » ;
- Le nous exclusif, au contraire, met une distance par rapport à l’interlocuteur : « nous allons manger », c’est-à-dire « moi et d’autres personnes allons manger, mais pas toi ».
Pour aller plus loin à propos des pronoms en quenya, vous pouvez consulter le tableau d’Ambar Eldaron sur le sujet. Alors, effectivement, il n’a pas été mis à jour depuis 2007, et il ne précise pas en quel dialecte du quenya ces éléments sont en vigueur : mais il a le mérite d’être synthétique. Vous pouvez aussi explorer ce que dit Wikipedia (en anglais) sur ces pronoms.
Conjugaison
La conjugaison du quenya peut paraître de prime aabord un peu complexe, car elle comporte des temps qui n’existent pas en français :
- L'aoriste, sorte de temps à valeur générale : on pourrait l’utiliser dans les phrases du type « Le soleil se lève chaque matin » ou « Le fer rouille au contact de l’eau » ;
- Le présent, désignant une action en cours ;
- Le parfait, parlant d’une action passée déjà achevée. Un article en anglais, traduit sur Tolkiendil, aborde ce temps de manière très accessible : lisez-le.
- Le passé, qui décrit une action passée inachevée. À nouveau, un article traduit en français est disponible, mais sa lecture est plus ardue ;
- Le futur.
Ces distinctions, peu familières aux locuteurs du français, sont néanmoins plutôt simples à appréhender avec un peu d’entraînement (comme l’histoire des nous exclusifs et inclusifs, l’usage des déclinaisons, etc.).
De surcroît, le verbe quenya ne varie pas selon la personne (au contraire du français) : la forme du verbe « manger » sera donc la même dans les traductions des phrases « je mange » et « tu manges ». Cependant, quand le sujet n’est pas attaché au verbe (mot ou pronom indépendant), le verbe s’accorde en nombre (-t au duel, -r au pluriel).
Il existe plusieurs modes :
- L’indicatif, bien sûr, qui parle de ce qui est réel ;
- L’impératif, qui donne des ordres (et le prohibitif, qui interdit) ;
- L’optatif, qui indique un espoir, un désir ;
- Certains éléments pourraient indiquer la présence d’un subjonctif, mais cela reste en débat ;
- Et enfin, les habituels : infinitif, gérondif, participes (présent, passé). Un certain nombre de ces formes ont été étudiées par H. De Rosario Martínez (en anglais), qui a pris en compte les différentes modifications que Tolkien a apportées.
Conclusion
Il y aurait, évidemment, bien plus à dire sur cette langue elfique : mais cette présentation n’a pas vocation à être exhaustive, et n’a pour autre but que de vous familiariser avec le quenya, pour que vous ayez moins de mal à l’étudier si l’envie vous en prend. Les références égrenées tout au cours de cette description pourront vous aider à approfondir la question, ainsi que celles qui suivent. Mais n’oubliez pas que la manière la plus fiable pour connaître les langues de Tolkien, c’est d’en étudier les écrits ! Comme ici par exemple (en anglais), où le quenya du Seigneur des Anneaux et du Silmarillion est décortiqué pour en permettre une plus grande compréhension.
Ressources pour l’étude du quenya
Trouver des ressources sur Internet à propos du quenya n’est pas un problème : le plus dur est d’obtenir des références de bonne qualité. Pour jauger la valeur d’une référence, la Communauté de Linguistique Elfique a proposé quelques règles élémentaires, disponibles ici en anglais, traduites ci-dessous. Nous allons tâcher ici de les appliquer pour séparer le bon grain de l’ivraie.
Si un auteur prétend être capable de parler quenya ou sindarin, ou que d’autres peuvent, ou même que ce soit possible de faire ainsi ; ou en fait, de quelque manière que ce soit, un équivalent de l’espéranto, soyez très suspicieux. Ils ont tort. Tolkien ne s’est pas préoccupé de rendre le quenya ou le sindarin parlable. Il ne voulait pas créer un langage auxiliaire. Il faisait référence à eux en tant que langages artistiques, et son but, les concernant, était artistique et intellectuel, pas utilitaire.
Si un auteur ne cite que rarement ou jamais les travaux de Tolkien et, pour expliquer et faire valoir ses vues, s’appuie avant tout sur des formes ou des phrases fabriquées que Tolkien n’a jamais écrit, soyez très suspicieux. Utiliser ses propres fabrications comme preuve est un raisonnement circulaire. Et, de même, les faits à propos des langues de Tolkien ne peuvent être détachés du contexte d’écriture, à la fois externe et interne. Faire cela conduit à des erreurs linguistiques fréquemment observées dans les dictionnaires.
Si un auteur fait fréquemment référence à des formes "matures" ou à des "erreurs" dans les descriptions que Tolkien lui-même fait de ses langues, soyez très suspicieux. Cette attitude permet à l’auteur de faire une sélection arbitraire parmi les faits, et de mettre ces derniers au service de sa théorie, plutôt que l’inverse, qui est le propre de la procédure académique.
Si un auteur décrit quelque construction grammaticale comme "correcte" sans expliquer pourquoi en faisant référence aux mots, formes et exemples de Tolkien lui-même, soyez très suspicieux. Une telle attitude est la conséquence de la croyance selon laquelle les langues de Tolkien peuvent être parlées. Comme pour n’importe quel langage peu attesté sans exemples authentiques suffisants, c’est faux. Personne ne peut honnêtement prétendre savoir ce qui est ou non "correct" dans un tel langage de manière non-triviale ; et ainsi donc, toute prétention de "parler" est un pur non-sens. Affirmer le contraire a pour conséquence, voulue ou non, d’insinuer l’auteur en l’étudiant et Tolkien lui-même, et ériger l’auteur en modèle d’orthodoxie : une situation fausse et artificielle, de manière flagrante.
(Traduction par mes soins, n’hésitez pas à me corriger).
Cours sur Internet
Que ce soit en français ou en anglais, de nombreux cours expéditifs vous proposent d’apprendre « l’elfique », vous proposant généralement quelques notions de quenya et de sindarin (autre langue elfique étudiée plus loin). C’est par exemple le cas de cette leçon sur WikiHow ou celle-ci sur Wattpad : ces dernières ne sont pas recommandables. Tout d’abord, par leur manque total de références aux travaux de Tolkien (ou de sources citant elles-mêmes Tolkien) les discrédite totalement ; ensuite, ils prétendent que le quenya peut être facilement parlé en ne tenant pas compte du contexte : le q(u)enya a évolué tout au long de la vie de Tolkien, de quelle forme s’agit-il là ? Le quenya a évolué en plusieurs dialectes, quel est-il ici ? Etc. Enfin, les mots utilisés le sont sans prudence : par exemple, dire « alatulya » revient à dire « accueillir », et non « Bienvenue (à toi) ! » ; de même, « Aica umbar » n’est que la traduction mot à mot de « mauvais sort », sans trace d’intentionnalité (« je te souhaite… » ou « aie… »). Tout cela est une excellente illustration de manque de prudence.
D’autres cours sont plus complets, comme celui du très connu H.K. Fauskanger, traduit en français par la plateforme francophone Ambar Eldaron. Quoique assez complet et citant de Tolkien à de nombreuses reprises, ce cours est critiquable, tant en termes de qualité de traduction que de fraîcheur (les dernières parutions ne sont plus prises en compte) : je vous invite donc à lire cette critique de D. Giraudeau afin d’y voir plus clair (surtout pp. 11–21).
Malgré tout, je recommanderais de l’étudier à titre d’introduction, pour avoir une première vue d’ensemble (quoique trop vague) sur la langue quenya : ce cours est en effet très pédagogique, très accessible, permettant de mettre le pied à l’étrier. Mais, attention, comme le dit la Communauté de Linguistique Elfique : « [on ne peut considérer ce type de cours] autrement qu’une approximation et qu’une introduction à l’étude des inventions linguistiques de Tolkien ». Par ailleurs, je vous conseillerais de lire plutôt la version anglophone, à la fois pour des raisons de traduction et de clarté (le document est adressé à des lecteurs anglophones, ce qui rend une part des explications phonétiques caduques).
Je ne mentionne pas ici le cours de Thorsten Renk (aussi traduit par Ambar Eldaron), qui fait davantage part de ses théories sur le quenya plutôt que de caractéristiques observées.
Enfin, les ressources les plus fiables sont celles qui sont circonstanciées, focalisées sur un seul aspect. En français, nous avons les traductions et essais de Tolkiendil (voir aussi qenya) ; voir aussi les quelques points intéressants soulevés sur le site de D. Giraudeau.
En anglais, bien sûr, nous avons bien plus, particulièrement cette Communauté de Linguistique Elfique (Elvish Linguistic Fellowship), de même que d’autres références recommandées sur cette page.
À noter, bien sûr, que tout peut changer avec la publication de documents encore inédits, écrits par Tolkien en personne.
Livres et revues
Plusieurs livres ont été publiés sur le quenya, mais le titre français le plus connu est sans doute Apprendre le haut-elfique d’E.J. Kloczko, qui a déjà été réédité plusieurs fois. Il est malheureusement critiquable, en raison des nombreuses interprétations personnelles qu’il contient : voir ce sujet sur la critique des deux premières éditions.
En anglais, les références me sont un peu plus inconnues, mais d’aucuns déconseillent la lecture de Basic Quenya, de N. Martsch.
Bref, si vous voulez vraiment acheter un livre, veillez à ce qu’il soit récent, et lisez quelques critiques sur Internet, auparavant.
Mais le plus intéressant, dans ce domaine-là, ce sont les revues phares Vinyar Tengwar et Parma Eldalamberon. Ce sont des journaux anglophones spécialisés, qui mettent au jour des écrits encore inédits de Tolkien et des études pointues sur le sujet.
Un certain nombre de numéros sont déjà épuisés, les autres peuvent encore être acheté pour un prix… assez élevé : cela peut vite vous coûter très cher, mais d’aucuns en revendent d’occasion.
C’est, à mon sens, le meilleur moyen d’étudier les langues de Tolkien.
Par chance, Eldamo recense les références qui ont trait à tel ou tel aspect de la grammaire du quenya : par exemple, le Parma Eldalamberon n°22 (p.64) traite de la transcription, etc. Cela vous permet de savoir quel numéro est utile en fonction de vos centres d’intérêt.
Dictionnaires et lexiques
À nouveau, il existe de nombreux dictionnaires et traducteurs automatiques sur Internet, mais la qualité n’est pas souvent là. Typiquement, ce traducteur n’est pas capable de retrouver, à partir du texte anglais, de fameuses phrases en haut-elfique, comme « Elen síla lúmenn' omentielvo » ou « Aiya Eärendil elenion ancalima ».
Ambar Eldaron propose également un dictionnaire, bourré d’erreurs de traduction, d’inventions, etc. Cf. la critique de D. Giraudeau citée plus haut.
De même, certains cours Memrise vous proposent d’apprendre du lexique quenya, mais ils sont généralement tirés des cours douteux épinglés ci-dessus : prudence, donc. Il faut vérifier la véracité du vocabulaire présenté, avant de l’apprendre.
Les sources fiables sont multiples. Tolkiendil a deux pages de vocabulaire quenya-français (de A à M puis de N à Z). En anglais, la référence la plus fiable, qui documente chacune de ses entrées, est Eldamo, à utiliser sans modération mais avec conscience.
Voilà ! Vous avez normalement tout ce qu’il vous faut pour travailler le quenya .
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Vinyar Tengwar n°49, p. 10, cité par Fauskanger (cours 1, section “Pronunciation”).
↩ -
Ce cas en « -s » semble en fait avoir une histoire plus mouvementée et plus débattue… Voir « The -s case ».
↩
Néo-quenya : le haut-elfique après Tolkien
Pourquoi le néo-quenya ?
Ces tentatives de complétion du quenya remontent à plus de 45 ans : on considère généralement le poème Valinorenna, publié en 1973 (année de mort de Tolkien) comme le premier écrit en néo-quenya. Depuis, de très nombreuses esquisses de néo-quenya ont vu le jour, pour servir de base à des poèmes, chansons, tatouages, etc.
Ainsi donc, plutôt que de tenter de faire une liste pseudo-exhaustive de ces tentatives, je vous propose de passer en revue les grandes catégories de néo-quenya, accompagnés de quelques exemples.
Travail sur la grammaire
Comme dit précédemment, la grammaire quenya est loin d’avoir été précisément et complètement décrite : d’aucuns se sont donc attelé à défricher cette grammaire, pour y voir plus clair, et à l’augmenter, pour préciser des points non abordés jusque-là.
C’est le cas notamment du cours de H.K. Fauskanger dont je vous ai parlé plus haut : même s’il permet d’avoir une bonne vue d’ensemble sur le quenya de Tolkien, il contient certaines formes reconstruites qui empêchent de parler de quenya stricto sensu.
Le cours de Thorsten Renk, traduit en français par Ambar Eldaron (avec les limites qu’on lui connaît), est plus ouvertement un cours de néo-quenya, puisque son auteur précise dès la préface qu’il s’agit d’une reconstruction : d’où le fait que son cours soit particulièrement parcimonieux en citations de Tolkien.
Ces cours sont bien sûr utilisables pour aborder les langues de Tolkien, mais elles ne suffisent évidemment pas à les maîtriser.
Bien sûr, d’autres personnes ont pu créer des structures grammaticales en néo-quenya, mais sans forcément créer de cours. Je pense notamment à ceux qui, traduisant des textes en haut-elfique, ont dû créer des structures grammaticales moins fréquentes.
Création lexicale
La création de nouveaux mots est une tâche moins difficile et moins coûteuse que la reconstitution d’une grammaire : d’où le fait que de nombreuses personnes s’y soient consacré. TolkienGateway énonce un certain nombre de techniques utilisables pour créer du lexique, tout en restant plutôt cohérent avec l’héritage tolkiennien :
- Combiner ou décomposer des mots déjà existants ;
- Faire des emprunts à d’autres langues de la Terre du Milieu ou à partir d’un lexique antérieur proposé par Tolkien (qenya, goldogrin, etc.) ;
- Prendre une racine des langues elfiques primitives et la modifier pour obtenir un mot ressemblant au quenya connu.
Mais il est clair que toutes les créations n’obéissent pas toujours à ces bonnes pratiques… Quelques lexiques néo-quenya pour illustrer cette disparité :
- Sur RealElvish.net : ironique, quand on sait que cet elfique n’est pas "réel" (c’est-à-dire tolkiennien) ;
- Sur Eldamo ;
- Sur un wiki spécifiquement dédié et écrit en néo-quenya ;
- Sur le site d’Ales Bican ;
- Un dernier exemple.
À noter que tous ne précisent pas le dialecte d’appartenance de ces mots inventés, alors même que c’est assez déterminant (cf. plus haut).
Utilisations du néo-quenya
L’application la plus connue du néo-quenya est celle des films de Peter Jackson : les langues de Tolkien y ont été grandement utilisées pour les dialogues, les paroles des chants, les inscriptions, etc. Toute la traduction a été faite par une seule personne : David Salo, qui a dû de facto recourir à la création lexicale et grammaticale pour combler les lacunes du corpus tolkiennien. Je vous invite très fortement à fouiller le site de Gwaith-i-Phethdain, qui a fait l’inventaire de toutes les occurrences de néo-quenya dans la trilogie du Seigneur des Anneaux.
D’autres se sont adonnés à la traduction, notamment le désormais bien connu Fauskanger, qui s’est attelé à la traduction du Nouveau Testament en quenya, tout comme Tolkien, fervent catholique, a traduit le Pater noster ou l'Ave Maria. Certains de Tolkien ont été eux-mêmes traduit en néo-quenya, comme l'Ainluindalë, qui conte la création du monde. Notez enfin l’existence d’un wiki entièrement en néo-quenya, bizarrerie assez amusante.
La traduction mise à part, il reste encore de bien nombreux usages possibles du néo-quenya, mais l’un des plus nobles est sans doute celui de la poésie, à la ressemblance de Tolkien1. Là encore, une liste exhaustive ne pourrait pas être possible ; mais on peut citer les écrits de Thorsten Renk lui-même ou encore ceux de V. Barouch.
Tous ces éléments ne doivent tout de même pas vous faire perdre de vue combien la reconstruction d’une langue comme le quenya est quelque chose de délicat, qui est trop souvent bâclée par facilité ou manque de prudence. Ainsi, je ne pourrais pas me porter garant de la qualité des références listées ci-dessus, et de leur fidélité au corpus de base.
-
Le rôle de la poésie chez Tolkien est assurément important, ne serait-ce que parce que le Seigneur des Anneaux en est truffé. Dès ses premières tentatives linguistiques (cf. Un Vice Secret), Tolkien écrivait déjà de la poésie.
↩
Voici pour ce qui est du quenya, amis des langues ! Vous connaissez maintenant un peu mieux son rôle fondateur dans la construction de la Terre du Milieu, ainsi que ses multiples caractéristiques ; vous disposez par ailleurs de ressources pour pousser plus loin l’étude de cette langue, tout en respectant l’œuvre de Tolkien.
Mais ce n’est pas fini : d’autres langues elfiques, avec d’autres spécificités et d’autres saveurs, vous attendent encore !