Militer sert-il vraiment à quelque chose aujourd'hui ?

Où il est question de débat public et d'enjeux de société...

a marqué ce sujet comme résolu.

Sauf que le terrorisme a une qualification légale. C’est ce que la loi considère comme un acte de terrorisme. Pas toi, la loi.

Me semble toujours important d’en distinguer la notion légale et la notion commune, tout comme la morale est distincte de la loi. A ce jeu là, on aurait aussi pu dire que de toute façon les Noirs n’étaient pas des humains ou pas des citoyens parce qu’il y a une définition légale et qu’ils ne rentrent pas dedans. On peut aussi discuter d’une notion légale pour savoir si elle doit changer pour s’adapter à l’évolution de la morale.

Par ailleurs, on pourrait reprendre ce que tu dis à propos de la prise d’otage, je ne sais pas si tu fais une différence ou pas sur ce point ou si tu as juste réagis après dans la discussion.

C’est en fait très faux car la population n’a presque aucun impact sur la qualification légale dès qu’on entre dans la sphère du droit pénal. Il y a très très peu d’exceptions à cela. La plus récente est la dépénalisation de l’avortement en lien avec le droit de jouir de son propre corps.

Me semblait que c’était le principe de la démocratie quand même ^^ Je te taquine mais c’est bien ce que j’entendais par "la population", au sens du peuple a le pouvoir en démocratie, pas au sens on va faire un référendum pour définir le code pénal.

Il me semble que, moyennant quelques discussions terminologiques, on pourra ranger le militantisme vegan parmi les luttes concernant l’accès égal aux droits (à vivre, à la considération des intérêts relativement à la forme de vie en question et sans nier les différences). Mais c’est une discussion à laquelle je ne veux pas participer directement, même si elle m’intéresse.

Je ne pense pas parce qu’on rentre à mon avis dans la discussion sur comment qualifier les animaux. Ou alors, on pourrait redéfinir ton idée en luttes pour donner plus de droits à plus d’êtres vivants. D’un autre côté, il s’agit également de restreindre celle d’autres personnes (le droit à manger de la viande). On peut faire un parallèle douteux en disant que la lutte contre l’esclavage visait à interdire le droit à certains à exploiter d’autres personnes, mais c’est hasardeux, je le signale juste et je précise que je ne le pense pas.

Tout de même : il me semble que le but des attaques de boucheries n’est pas (en tout cas pas à ma connaissance) de terroriser les bouchers, comme tu le dis plus bas. Que cela soit une conséquence, effectivement, mais il me semble que les rationalités ne sont pas celle-là. Je précise que je dis cela en étant opposé à cette forme d’action, non pas par condamnation de toute dégradation ou par aversion pour la violence, mais simplement parce que cela me semble contradictoire avec d’autres luttes et d’autres enjeux, dont le respect des travailleurs et l’importance de ne faire reposer sur des personnes qui travaillent pour vivre la responsabilité d’un système si vaste et si massif.

J’ai cru comprendre que si le but était de faire flipper les bouchers, mais je ne connais personne y participant donc je ne peux pas le garantir. C’est vrai que ça changerait sûrement ma façon de considérer la chose, même si je serais toujours contre.

Là je suis embêté parce que je n’avais pas du tout cela en tête en développant sur le militantisme.

Je dirais qu’on a besoin de plusieurs concepts de militantisme, et que la ligne que je traçais peut permettre de distinguer :

  • Militer au sens large (combattre, lutter pour une cause, quelle qu’elle soit)
  • Militer au sens restreint : lutter pour des individus (leurs droits, leurs libertés, l’émancipation, etc.)

Je sais que c’est très vague et qu’on tombera rapidement dans quelque chose comme : "qu’est-ce qui te permet de distinguer les causes qui relèvent de la deuxième catégorie, clairement valorisée, et d’en exclure d’autres ?". Je n’ai pas de réponse toute prête. Je sais simplement qu’on fait la plupart du temps une distinction de ce type sans forcément s’en rendre compte.

Juste une remarque pseudo-épistémologique qui confine à la mauvaise foi : ce n’est pas parce qu’on n’a pas de critère parfaitement explicite et formulable pour une distinction que cette distinction n’est pas pertinente et opératoire ;)

Je blague mais c’est une idée importante, par contre vu comment je la place ici je me doute que je la dessers plus qu’autre chose :)

kakiharaa

Non mais globalement, on va avoir les militants avec les causes pour lesquelles on est d’accord et celles avec lesquelles on est opposé. Mais je pensais que c’était quand même important de ne pas l’oubleier.

EDIT : par rapport à ce que tu as précisé dans ton edit @Arius, effectivement je vois ce que tu veux dire. Il ne s’agit pas dans mon cas de remettre en cause la définition légale du terrorisme, mais bien juste de discuter de mon ressenti par rapport à ma morale. Mais même si c’est dangereux, toute définition légale reste soumise à débat et peut être modifiée un jour ou l’autre, et empêcher d’en discuter ne permet pas d’empêcher qu’elle soit utilisée à de mauvaises fins un jour. Et comme tu le précises, je n’ai aucun pouvoir politique, et il ne s’agit pas d’agir sur ce que je pense mais bien, toujours, d’en discuter.

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Me semble toujours important d’en distinguer la notion légale et la notion commune, tout comme la morale est distincte de la loi. A ce jeu là, on aurait aussi pu dire que de toute façon les Noirs n’étaient pas des humains ou pas des citoyens parce qu’il y a une définition légale et qu’ils ne rentrent pas dedans. On peut aussi discuter d’une notion légale pour savoir si elle doit changer pour s’adapter à l’évolution de la morale

De la moralité collective, oui.

Je ne crois pas que la moralité collective tend à penser que des actes de rébellion de la part d’une frange des GJ constituent des actes de terrorisme. Des violences et dégradations, sans aucun doute. L’expression d’une opinion radicale sur une thématique donnée, peut-être. Du terrorisme ? Je n’en vois pas de traces d’après mes recherches.

Par exemple, l’avortement (qui fait actuellement l’objet d’un vif débat en Belgique, @Renault ou @Green confirmeront) entre dans ce cas-là. L’expression de la collectivité tend vers la dépénalisation totale. Et une proposition de loi est actuellement bloquée par des bassesses politiques liées à la formation d’un gouvernement, déclenchant l’ire des associations féministes et d’une partie semble-t-il majoritaire de la population.

Mais vraiment, attention à qualifier X, Y, Z de "terrorisme". C’est une véritable boîte de Pandore, soyez-en conscients.

L’abus de l’État existe.

Pour rappel, le post auquel j’ai réagi :

Je te remercie, @Renault, pour cette clarification.

Dans ce cas, j’ai obtenu une réponse satisfaisante : les actions en question relèvent bel et bien du terrorisme, sont parfaitement condamnables en tant que tel, et sont à dissocier du militantisme au sens large.

Cette phrase n’est pas l’expression d’une opinion personnelle.

Au sens de la loi, la réponse est non. Il n’y a jamais eu de cas de condamnation ou même d’inculpation pour fait de terrorisme et je ne crois pas que, au vu de la jurisprudence actuelle, cela irait en ce sens.

EDIT : par rapport à ce que tu as précisé dans ton edit @Arius, effectivement je vois ce que tu veux dire. Il ne s’agit pas dans mon cas de remettre en cause la définition légale du terrorisme, mais bien juste de discuter de mon ressenti par rapport à ma morale. Mais même si c’est dangereux, toute définition légale reste soumise à débat et peut être modifiée un jour ou l’autre, et empêcher d’en discuter ne permet pas d’empêcher qu’elle soit utilisée à de mauvaises fins un jour. Et comme tu le précises, je n’ai aucun pouvoir politique, et il ne s’agit pas d’agir sur ce que je pense mais bien, toujours, d’en discuter.

Ok. :)

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J’ai pas parlé des GJ mais uniquement de certaines actions de certains militants vegans. Et encore, comme on disait avec kakiharaa, ça dépend pour moi de l’intention derrière l’acte. Les GJ je le classe plutôt dans le vandalisme en mode regardez je ne suis pas content, comme brûler des bagnoles (vides les bagnoles, sinon c’est pas pareil). De ce que je vois dans les attaques sur les boucheries, c’est la volonté de faire peur et intimider.

C’est d’ailleurs très flou tout ça, et encore heureux qu’on ne met pas de définition aussi floue dans la loi. Je préfèrerai toujours que l’on ne classe pas des actes comme terroristes même s’ils le sont plutôt que de classer en acte terroriste un évènement qui ne l’est pas et attirera une réaction disproportionnée.

Notre notion légale de terrorisme, si je ne m’abuse, est beaucoup tournée vers la perte de vies humaines, par conséquent on ne peut pas dire que classer une attaque de boucherie sans perte serait adapté parce que cela appellerait à des sanctions trop lourdes (et des moyens d’enquête trop importants, notamment en ce qui concerne le respect des libertés individuelles). De même, l’impact de ces attaques n’a rien à voir avec celles du Bataclan.

On pourrait dire alors que je pense que ces évènements se rapprochent du terrorisme, plutôt. Mais pour moi, la méthode est quasiment la même, il y a surtout une différence d’échelle.

+1 -0

Je pense que là où @Phigger veut en venir (et moi aussi, d’ailleurs sur la discussion parallèle par rapport aux blocages), c’est que dans cette discussion, la loi ne saurait placer de limite absolue ni cadrer totalement les concepts que nous manipulons.

Pourquoi ?

Déjà parce que, très souvent, les mouvements militants ont pour but de faire bouger la loi. Si c’était la loi qui définissait strictement tout notre vocabulaire, alors ce qui est mal aujourd’hui pourra être bien demain et inversement. Les terroristes d’hier sont aujourd’hui des résistants. Les héros d’un régime peuvent être les criminels du suivant, etc. Et on ne s’y retrouverait plus.

Ensuite, parce que la justice est indépendante de la morale et de l’éthique. Corrélée, certes, puisque c’est en principe la morale qui donne leur origine aux lois, mais indépendante, parce que la loi (et la jurisprudence) sont le seul référentiel à entrer en jeu dans les décisions de justice.

Qu’est-ce que ça implique ?

Eh bien, ça implique que quand je parle de terrorisme, je parle en termes de considérations purement morales. Je ne dis pas que la définition légale ne soit pas importante @Arius, et tu fais très bien de le souligner, pour les raisons que tu cites : on est sur un terrain glissant et il nous faut exercer un minimum de prudence, mais simplement que, puisque l’on observe des phénomènes que je trouve personnellement discutables (pour le moins) sur le plan moral, couverts notamment par le droit de grève, et qui prennent leur origine dans un dysfonctionnement apparent de la démocratie Française (pour ne parler que de ce que je connais…), il n’est pas impossible que ce que je remets en cause dans ce thread soit in fine certains points légaux ou constitutionnels.

Mais il est encore trop tôt pour l’affirmer, ou pour "militer pour une abolition du militantisme" (je déconne, je précise, c’est juste que la formulation m’amuse) : vraiment, j’ai volontairement une position naïve sur la question et j’alimente mes réflexions avec ce que je lis dans ce thread, et je ne sais pas ce que je serai amené à penser dans deux pages. Je note juste que depuis le début de ce thread, j’ai pu relever des arguments convaincants qui légitiment parfaitement, en l’état actuel des choses, des phénomènes qui me dérangent, et donc je ne m’interdis pas de réfléchir à leurs causes sous-jacentes, ce qui implique d’imaginer remettre la loi ou la constitution elles-mêmes en question sur certains points, ou du moins de se sentir libres de le faire, puisque ça ne mange pas de pain ni ne nous engage à rien dans un débat sur un forum.

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@Phigger:

  • Les luttes vegans ne visent pas un accès égal aux droits, puisqu’il y a malgré tout une énorme différence entre un animal quelconque et un humain. Il me semble que les propos de terrorisme ici sur ce topic portent avant tout sur les actions des militants vegans.
  • Militer, ça peut aussi être pour des causes qu’on ne considère pas ici comme bienveillantes, et notamment : contre le mariage homosexuel, contre la GPA et la PMA, contre l’immigration.
  • Par ailleurs, je rappelle que même au sein d’un objectif il y a des divergences qui peuvent être perçues comme non bienveillantes : dans le féminisme avec la question des travailleurs et travailleuses du sexe, dans l’écologie avec la question du nucléaire, dans la démocratie avec parfois des oppositions démocratie directe / anarchie, etc.

Mauvais contre-exemples à mon sens.

Pour certains, il y a une énorme différence entre un animal quelconque et un humain, comme il y avait autrefois une différence entre un noir et un blanc. Et quoiqu’il arrive ce n’est pas un contre-exemple à ce que disait je ne sais plus qui au départ : la lutte vegan est essentiellement une défense des droits d’autrui, que ce soit des animaux ça ne change rien au fond.

Les causes telles que : contre le mariage homosexuel, la GPA, l’immigration, etc. ; tu les considères peut-être malveillantes mais ça n’engage que toi. Certes c’est du militantisme "contre", mais à la base il y a tout autant un souci des autres. Que ce soit la protection des enfants, les risques de dérives (GPA professionnelle, voire plus ou moins forcée), les risques de violences voire de guerre civile dûs à une immigration incontrôlée, etc. Et ça peut également être un militantisme altruiste mais restreint à une certaine communauté, sans forcément intenter de violence en-dehors. De plus, sur ces sujets, le militantisme est forcé du fait que ces sujets sont imposés par la classe politique, à l’encontre de la volonté générale objective. Bref, là encore ce n’est pas un contre-exemple à la distinction qui a été avancée entre militantisme (essentiellement altruiste et tourné vers les individus) et le terrorisme (purement idéologique et violent).

EDIT : encore une fois, détruire des boutiques et parfois agresser des bouchers pour que ni lui ni les autres bouchers du coin ne se sentent en sécurité, moi j’appelle ça du terrorisme. D’ailleurs, les résistants étaient des terroristes. Ils sont passés au statut de résistant à partir du moment où le régime de Vichy et donc la capitulation à l’Allemagne ont été désavoués.

Phigger

Que veux-tu dire par les résistants étaient des terroristes ? Ca me semble douteux là où tu veux en venir.

Pendant les années où ils officiaient, le régime en place (plus ou moins légitime selon les avis, pas vraiment selon eux) les considérait comme des terroristes.

Pour le reste, je l’adressais parce qu’il me semble que c’était oublié. On peut tout tourner d’une façon ou d’une autre. Tu dis qu’il s’agit de protéger des droits, moi je te dis qu’il s’agit d’en interdire à d’autre (celui d’avoir des enfants, celui de choisir son partenaire, celui d’habiter dans un pays en sécurité).

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Je perçois beaucoup d’affect et d’interprétations hâtives dans la réponse d'@entwanne.

nohar

Alors non, ou du moins c’est pas ce que voulais. Mais je m’interrogeais sur ton intention derrière le souhait de faire dire « oui, c’est assimilable à du terrorisme ».

Sans continuer plus longtemps sur le terme parce que je vois qu’il a encore bien été débattu sur ces dernières pages, pour moi le terrorisme n’est pas une fin en soi. Je ne sais pas exactement comment le formuler mais ce qui me gêne (dans l’islamisme type daesh par exemple) ce sont avant tout les idées qu’ils prônent. Leur moyen d’action c’est la guerre aux pays ennemis, le massacre de civils à l’étranger, et malheureusement c’est pas le monopole des organisations terroristes.

Quand un pays jugé démocratique use de tels moyens à l’étranger, il y a déjà moins de voix qui s’élèvent. L’intervention de la France au Mali était d’ailleurs plutôt bien reçue dans l’opinion. Et personne ne vient parler de terrorisme pour qualifier les actes de guerre menés dans les négociations pour l’accord de paix.

Le moyen d’action, dans tous les cas je ne l’approuve pas, quel qu’en soit l’auteur. Pour autant les attentats de daesh et les interventions françaises récentes à l’étranger ne me paraissent pas assimilables, parce que les idées défendues sont totalement différentes.

Je dis ça tout en étant fondamentalement non-violent, mais ce sont des actions que je peux comprendre qui s’expliquent. Et expliquer, ce n’est pas un peu excuser.

Qu’en est-il d’"accepter" ?

nohar

Je ne sais pas bien ce que ça veut dire, est-ce que c’est « ne pas condamner » ? Dans ce cas c’est au cas par cas, je ne peux pas donner de réponse générale et je n’ai pas suffisamment d’exemples en tête, mais non je ne pense pas que je condamnerais tout par défaut parce qu’il s’agit d’une action violente.

Je n’accuse personne, il n’y a aucun affect, ni aucune volonté derrière ce parallèle. C’est une observation purement objective, et difficilement réfutable, si tant est qu’elle le soit : le mécanisme mis en oeuvre est strictement le même, c’est celui du chantage.

Un chantage légal et constitutionnel, certes, mais un chantage tout de même. Ça n’est pas du tout sujet à interprétation. Peu importe qu’il soit perpétré par des cheminots ou leur patron ou leurs petites soeurs ou le pape.

nohar

Parler de prise d’otages c’est pour moi en accuser les auteurs. Du chantage, oui, mais des otages je ne suis vraiment pas d’accord avec l’idée.

Personne ne s’est retrouvé séquestré dans l’histoire, n’était plus libre de ses mouvements.

Et encore, quand cette situation s’est produite récemment avec le confinement, je crois que personne n’a osé parlé de prise d’otage. Alors qu’il est pour moi bien plus problématique que le chef de l’État puisse décider unilatéralement (l’Assemblée et le Conseil constitutionnel s’étant couchées sous son choix) — et ce qu’elles qu’en soient les raisons — d’assigner toute la population à résidence, plutôt qu’une grève organisée dans les transports.

Le problème, c’est que polariser le débat le paralyse et l’empêche plus souvent d’aboutir à une solution consensuelle qu’autre chose. C’est justement ça que je déplore.

Polariser un débat revient à demander aux gens de se positionner sur un parti ou un groupe de personnes et d’adopter l’ensemble de ses idées plutôt que de se positionner sur les idées elles-mêmes, prises individuellement. Je ne vois pas bien ce que le débat public gagne à demander aux gens de choisir entre la peste et le choléra, ou bien le centre : "ne rien faire de significatif". Si on accepte ce système, alors on accepte de ne prendre, en fait, jamais la moindre décision significative, tout en se faisant régulièrement agresser par des extrêmes avec leurs idées déconnantes.

Je ne vois pas en quoi on peut considérer cela comme un système de prise de décision sain et efficace.

PS : Le fait que de plus en plus de gens abandonnent et se désintéressent tout simplement de la politique tendrait plutôt à le confirmer, d’ailleurs.

nohar

Mmm… Je me suis peut-être mal exprimé ici. Ce que je voulais dire c’est que s’exclure volontairement du « raisonnable » en adoptant des positions tranchées peut être une tactique pour pousser des prises de décisions qui ne l’auraient pas été sans cette posture. C’est un peu l’idée de « l’ennemi commun » qui du coup devient un moteur pour des avancées.

Par contre, encore une fois, je rechigne carrément à rapprocher de façon si simple et directe militantisme et extrémisme. Que les rapports puissent être pensés, certainement ; mais un raccourci comme celui-là ? Je ne crois pas que ce soit pertinent.

kakiharaa

Je vais préciser mon propos ici, parce que le terme « extrémisme » est très fortement connoté de nos jours (c’est pour cela que j’emploie des guillemets). Ce que je veux dire, c’est qu’a priori un militant ne défend pas des idées appartenant au champ du « raisonnable ». S’il y a lieu de militer et donc de « lutter » c’est que, logiquement, la cause en question n’appartient pas à ce qui est considéré comme « convenable ». En ce sens, la position est « extrême » parce qu’elle sort du cadre du convenu.

Le second cas est sain, "magnez vous de légiférer pour en faire une circonstance aggravante et durcir les peines !".

nohar

Je suis pour ma part totalement contre l’ajout de circonstances aggravantes pour ce genre de cas. De mon point de vue, c’est une abomination sur le plan de l’égalité entre les citoyens. Modifier la peine encourue pour un viol, une aggression ou un meutre (pour ne citer que ceux là) sur base du sexe, de la religion, de l’orientation sexuelle ou autres est à mes yeux une très mauvaise idée parce qu’elle sous-entend qu’une vie n’en vaut pas une autre et détruit l’image d’une justice égale pour tous.

Sur ce sujet particulier (les inégalités sociales entre hommes et femmes), je ne crois pas qu’il y ait encore réellement matière à combattre et polariser la société de nos jours.

nohar

Je vais me baser un peu sur le propos de @rezemika ici qui citait Markx et Engels : si tu parts du principe que les droits ont été obtenus par la lutte et donc se basent sur un rapport de force, cela induit qu’il est nécessaire de le maintenir sans quoi ces droits pourraient bien être perdus dans le futur. Cela paraît hypothétique dans nos sociétés, mais cela ne l’est pas. La perte de pas mal de protections sociales dans nos sociétés est clairement liées à un manque de combativité, notamment syndicale. Rien n’est jamais acquis, ne pas partir de ce principe est à mon sens le meilleur moyen de les perdre.

+3 -0

Parler de prise d’otages c’est pour moi en accuser les auteurs. Du chantage, oui, mais des otages je ne suis vraiment pas d’accord avec l’idée.

Personne ne s’est retrouvé séquestré dans l’histoire, n’était plus libre de ses mouvements.

Personnellement, pendant cette période, j’ai été obligé de faire ma prise de poste en télétravail, et mon nouvel employeur ne m’a pas vu pendant le premier mois et demi de mon poste, à cause de cette grève. De très nombreuses activités annexes se sont avérées impossibles pour moi, et cela m’a fait perdre une somme considérable d’argent que j’avais dépensé sans pouvoir jouir de la contre-partie, et je ne suis qu’un particulier, faisant partie des "privilégiés", qui peut télétravailler en un clin d’oeil et ne pas se retrouver dans la merde pour un millier d’euros perdus, mais je fais quand même partie des millions de gens qui n’ont rien demandé à personne et ont fait les frais de ce mouvement social. J’étais peut-être libre de mes mouvements, mais il m’a quand même fait perdre plus d’argent que si je m’étais fait braquer dans la rue.

Clairement, je pense qu’il serait parfaitement déraisonnable de négliger l’impact économique et social d’un tel blocage prolongé. De nombreuses personnes et entreprises ont été victimes (et c’est le mot juste) de ce mouvement, et le fait qu’il s’agisse, comme la grippe, d’un événement saisonnier ne fait absolument pas pencher la balance dans le bon sens.

Du coup, oui, c’est clairement une accusation. Il n’est pas sain que quelqu’un puisse disposer d’un tel pouvoir de nuisance dans la société, et encore moins légalement. Pas seulement parce que ça me fait chier, pas seulement parce que ça fait chier tout court, mais parce que ce pouvoir est suffisant pour peser de façon unilatérale dans les décisions du gouvernement, et que même si la dernière grève en date était d’une amplitude record, il ne faut pas non plus oublier qu’on s’en tape quand même plusieurs par an, donc qu’ils en usent et en abusent.

Pour moi, quand on peut prédire la prochaine grève SNCF avec la même précision que la météo peut prédire un orage, c’est un signe très fort que quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays.

+4 -3

Clairement, je pense qu’il serait parfaitement déraisonnable de négliger l’impact économique et social d’un tel blocage prolongé. De nombreuses personnes et entreprises ont été victimes (et c’est le mot juste) de ce mouvement, et le fait qu’il s’agisse, comme la grippe, d’un événement saisonnier et annuel ne fait clairement pas pencher la balance dans le bon sens.

Du coup, oui, c’est clairement une accusation. Je ne trouve absolument pas sain que quelqu’un puisse disposer d’un tel pouvoir de nuisance dans la société, et encore moins légalement. Pas seulement parce que ça me fait chier, pas seulement parce que ça fait chier tout court, mais parce que ce pouvoir est suffisant pour peser de façon unilatérale dans les décisions du gouvernement, et que même si la dernière grève en date était d’une amplitude record, il ne faut pas non plus oublier qu’on s’en tape quand même plusieurs par an, donc qu’ils en usent et en abusent.

Pour moi c’est un signe très fort que quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays.

nohar

Tu trouves que les personnes qui font grève disposent d’un pouvoir et pèsent unilatéralement dans les décisions du gouvernement ? Tu as l’impression que les gouvernements successifs ont satisfait les revendications des mouvements de grève successifs ?

Loi travail, parcoursup, chômage, retraites, loi asile et immigration… tu trouves que ce qui s’est passé est l’exercice d’un pouvoir unilatéral qui s’exerce à travers une population prise en otage, avec un gouvernement qui ne peut faire autre chose que de céder à ces forces antidémocratiques ?

Tu parles d’argent perdu, mais combien vas-tu perdre en pension de retraite ? En droits au chômage si tu viens à en avoir besoin ? Le refrain est connu, mais tout de même : sécurité sociale, congés payés, droit du travail, penses-tu que ce dont on jouit aujourd’hui serait arrivé sans luttes, par le bon vouloir des gouvernants et l’oreille bienveillante qu’ils portent aux besoins de la population ?

L’histoire de nos sociétés est aussi une histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme. Je comprends à la limite que l’on râle et que l’on trouve certaines luttes moins pertinentes que d’autres, mais que l’on soit prêt à tenir une position aussi générale et inconséquente sur le "pouvoir de nuisance "des méchants manifestants me dépasse.

@Phigger : Oui on est d’accord, ça rejoint ce qu’on disait plus haut, le terrorisme a une définition vague et pas toujours dénuée d’intention. J’ai réagi car je pensais que tu disais que c'était des terroristes, par opposition forte à étaient considérés comme tels. Pour le reste, OK, mais tu peux dire ça de tous les droits. Ca ne change pas le coeur du propos.

+1 à Taurre, il y a toujours matière à combattre aujourd’hui, clairement, y compris dans nos sociétés occidentales en état de paix. J’extrapole peut-être, mais ce sera peut-être toujours le cas, même si on arrive à évoluer et dépasser les idéologies et les sophismes pour atteindre une société de l’information de qualité et du débat respectueux, il y aura toujours de l’inertie, du manque d’information, des intérêts contraires, des rapports de domination et des mauvaises intentions.

@nohar : D’accord mais n’oublie pas de mettre ton préjudice en perspective avec le préjudice économico-social que subissent ces gens et qui les pousse à faire grève. Et ne crois pas que la grève est sans conséquences non plus pour eux. Surtout, se pose à mon avis la question de l’alternative. Quel autre moyen a-t-on de se faire entendre et de peser sur les décisions, dans un pays où le dernier référendum s’est tenu il y a quinze ans et n’a pas été respecté, où les dernières élections sont suspectées d’avoir été gravement manipulées (couverture médiatique, irrégularités sur les listes électorales, corruption de magistrats…), où on tire sur les manifestants au LBD et à la GLI-F4, où la revendication centrale des gilets jaunes (le référendum) a été complètement éludée du soi-disant grand débat qui a suivi ? La grève et le blocage, c’est merdique, on est d’accord, mais qu’auraient-ils dû faire d’autre ? C’est ça à mon avis la question la plus intéressante. La violence de ces mouvements n’est pas comparable à la violence exercée en face, y compris sur les gens qui ne s’impliquent pas.

+2 -0

@kakiharaa : Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit. Tu interprètes, là.

Quelles que soient les revendications, quel que soit le sujet ou la cause, ou les positions des uns ou des autres, ou ce qu’il en résulte, je trouve qu’il n’est absolument pas sain que l’on ait besoin d’avoir recours à ces actions pour se faire entendre.

Je trouve qu’il n’est pas normal que cela soit une modalité parfaitement banale du jeu politique.

Je trouve qu’il est particulièrement inquiétant que leur fréquence aille croissant.

Pour résumer, je trouve que c’est le symptôme d’une société malade.

@Society : Voilà, je pense qu’on va dans le même sens.

+3 -0

@nohar : Pour réagir à ton dernier message, en fait tu as parfaitement raison, c’est malsain et symptomatique. Mais à mon avis la situation dans laquelle nous étions depuis quelques décennies, c’était ça l’exception. Et surtout il ne faut pas se tromper d’adversaire.

Society

Attention, je ne n’ai pas d’adversaire. Je ne lutte pas, moi. :)

Par contre quand je prends un coup, je regarde d’où il vient : si je subis une forme ou une autre d’agression, je n’ai a priori aucune raison de considérer que c’est mon agresseur qui a raison. Le seul droit dont je me revendique, est celui que devrait avoir chaque être humain, de vivre sans qu’on vienne lui chier dans les bottes.

C’est idéaliste, c’est utopiste, c’est peut-être simpliste à l’extrême, c’est ce qu’on veut, mais en tout cas, c’est là ma seule aspiration.

+0 -0

@nohar : Je comprends tout à fait, c’est probablement l’aspiration de pas mal de monde. J’aurai cependant quelques choses à répondre à ça. :P

  • C’est un raisonnement égoïste. Au-delà du problème que ça pose en soi, qui peut être discuté au regard de l’éthique personnelle, c’est ce qui rend possible le "diviser pour régner", et ça contribue aussi à la polarisation de la société dont tu parlais.
  • C’est un raisonnement deux poids deux mesures. Dans pas mal de cas, ceux qui luttent ne font que revendiquer ce même droit. Le droit à ne pas être exploités, le droit à ne pas être discriminés, etc. n’en sont que des composantes.
  • Dans ton propre intérêt, tu ne peux pas te couper du monde dans lequel tu vis. Comme a dit Staline, "si vous ne vous intéressez pas à la guerre, la guerre viendra s’intéresser à vous". Ou encore, "si vis pacem, para bellum". Tout droit doit être accompagné d’une force pour être effectif, ton droit à vivre tranquille y compris. Le préjudice que tu as subi du fait de la grève n’est rien à côté du préjudice que ces gens subissent, et que tu subiras demain (toi ou tes enfants d’ailleurs) si l’on continue dans cette direction. D’ailleurs, même si c’est difficilement perceptible, tu subis déjà ce préjudice : tu n’as aucun poids sur les décisions, tu es forcé à vivre dans un environnement pollué, tes communications sont surveillées, tu es forcé à travailler ~40 heures par semaine, à manger de la nourriture malsaine, à subir un système de santé en décrépitude, à te faire taxer abusivement pour financer des cadeaux fiscaux, à subir éventuellement l’insécurité, etc. L’impact sur ta santé, sur ta qualité de vie, sur tes finances, sur ta liberté, et j’en passe, est peut-être difficile à quantifier pour toi et à l’heure actuelle, mais il est réel et s’accroîtra avec le temps et/ou avec certains événements qui découleront, s’il n’y a pas de lutte contre le pouvoir établi, la corruption, les ultra-riches, les multinationales, les lobbies, etc. Bref en somme ce que je veux dire dans ce troisième argument, c’est que le droit auquel tu aspires ne sera garanti que si tu prêtes attention à ce qui se passe autour de toi, que tu l’analyses correctement et que d’une certaine manière tu luttes.
  • Plus pragmatiquement, si tu veux mettre fin à l’agression que tu subis, il faut identifier correctement la source du problème. Or en l’occurrence, on est tombés d’accord, cette source n’est pas la grève elle-même, le coup que tu as reçu était plus facilement perceptible et sa provenance identifiable, mais ce n’était qu’un dommage collatéral dans un contexte plus complexe. Tu ne peux améliorer ta propre situation qu’en faisant une analyse correcte et en ne t’arrêtant pas à une simple portion de la réalité qui te concerne plus directement. Tant que le problème de fond existera, les grèves continueront et deviendront de plus en plus fréquentes, et continueront à t’impacter. Jusqu’au jour où elles seront interdites et où tu auras toi-même des problèmes plus importants. ;)
+3 -0

Le seul droit dont je me revendique, est celui que devrait avoir chaque être humain, de vivre sans qu’on vienne lui chier dans les bottes.

Source:nohar

Ce droit présuppose beaucoup de choses et ne vient pas de nulle part. Il a une histoire et des conditions de possibilités, parmi lesquelles la vigilance de personnes qui s’organisent et qui luttent.

Ou pour le dire autrement : ton droit à vivre en paix, sa possibilité même repose, parmi d’autres choses bien sûr, sur les activités que tu condamnes.

Quelles que soient les revendications, quel que soit le sujet ou la cause, ou les positions des uns ou des autres, ou ce qu’il en résulte, je trouve qu’il n’est absolument pas sain que l’on ait besoin d’avoir recours à ces actions pour se faire entendre.

Je trouve qu’il n’est pas normal que cela soit une modalité parfaitement banale du jeu politique.

Je trouve qu’il est particulièrement inquiétant que leur fréquence aille croissant.

Pour résumer, je trouve que c’est le symptôme d’une société malade.

nohar

De mon point de vue d’anarchiste, ce que tu pointes du doigt c’est le problème du pouvoir dans les sociétés humaines, c’est-à-dire, de manière générale, la faculté qu’à un être humain d’en contraindre un autre. À mes yeux, c’est un très gros problème dans nos sociétés capitalistes, parce que la contrainte sur l’existence des gens est omniprésente (la contrainte de travail pour vivre, notamment). Or, aussi longtemps que des facultés de contraintes aussi monstrueuses existeront, il ne pourra jamais y avoir autre chose que des luttes, précisément pour mettre un terme à ces facultés de contraintes.

Sur ce point et au sujet des gilets jaunes, je pense qu’il est important d’intégrer que cela a dépassé le stade de la manifestation et que cela a muté en insurrection par moment (je ne vois pas comment qualifier autrement la prise d’assaut d’un ministère avec un engin de chantier). C’est une donnée importante, parce que c’est le signe que les choses vont très mal et qu’il est grand temps de s’en inquiéter, particulièrement parce que cela ne mènera probablement nulle part. Le souci du mouvement des gilets jaunes, c’est que la seule chose qui lui donne corps c’est d’avoir un ennemi commun : le gouvernement. Or, à supposer qu’ils parviennent à le faire tomber, potentiellement par la force, le résultat sera catastrophique, parce qu’il n’y aura rien de prévu ensuite.

+0 -0

@Taurre : C’est un signe que les choses vont très mal, ou très bien, selon le point de vue. Il serait peut-être temps d’entrer en insurrection, vu la violence exercée par notre société et son gouvernement, que ce soit sur les populations ou sur l’environnement. Et il n’est pas dit que cela soit encore faisable aussi facilement dans quelques années avec la concentration des moyens, les techniques modernes de surveillance, de manipulation de l’information, la dégradation du climat général (politique, judiciaire, intérieur, social, etc.). Je ne suis pas vraiment d’accord avec toi sur le mouvement des gilets jaunes : j’ai été véritablement stupéfait d’assister d’une part à son hermétisme à la division, l’instrumentalisation ou la décrédibilisation, d’autre part à sa convergence massive, rapide et spontanée vers la réponse extrêmement intelligente du référendum citoyen (et derrière ça, de la constituante). Pour moi, c’est le mouvement contestataire / pré-insurrectionnel le plus impressionnant, authentique et prometteur qu’on a pu voir depuis un paquet de temps. D’ailleurs, le soutien massif de la population, et la violente répression qu’il a subi, sont sûrement des indicateurs de cette crédibilité.

+0 -1

Je pense que là où @Phigger veut en venir (et moi aussi, d’ailleurs sur la discussion parallèle par rapport aux blocages), c’est que dans cette discussion, la loi ne saurait placer de limite absolue ni cadrer totalement les concepts que nous manipulons.

Pourquoi ?

Déjà parce que, très souvent, les mouvements militants ont pour but de faire bouger la loi. Si c’était la loi qui définissait strictement tout notre vocabulaire, alors ce qui est mal aujourd’hui pourra être bien demain et inversement. Les terroristes d’hier sont aujourd’hui des résistants. Les héros d’un régime peuvent être les criminels du suivant, etc. Et on ne s’y retrouverait plus.

Ensuite, parce que la justice est indépendante de la morale et de l’éthique. Corrélée, certes, puisque c’est en principe la morale qui donne leur origine aux lois, mais indépendante, parce que la loi (et la jurisprudence) sont le seul référentiel à entrer en jeu dans les décisions de justice.

Qu’est-ce que ça implique ?

Eh bien, ça implique que quand je parle de terrorisme, je parle en termes de considérations purement morales. Je ne dis pas que la définition légale ne soit pas importante @Arius, et tu fais très bien de le souligner, pour les raisons que tu cites : on est sur un terrain glissant et il nous faut exercer un minimum de prudence, mais simplement que, puisque l’on observe des phénomènes que je trouve personnellement discutables (pour le moins) sur le plan moral, couverts notamment par le droit de grève, et qui prennent leur origine dans un dysfonctionnement apparent de la démocratie Française (pour ne parler que de ce que je connais…), il n’est pas impossible que ce que je remets en cause dans ce thread soit in fine certains points légaux ou constitutionnels.

Mais il est encore trop tôt pour l’affirmer, ou pour "militer pour une abolition du militantisme" (je déconne, je précise, c’est juste que la formulation m’amuse) : vraiment, j’ai volontairement une position naïve sur la question et j’alimente mes réflexions avec ce que je lis dans ce thread, et je ne sais pas ce que je serai amené à penser dans deux pages. Je note juste que depuis le début de ce thread, j’ai pu relever des arguments convaincants qui légitiment parfaitement, en l’état actuel des choses, des phénomènes qui me dérangent, et donc je ne m’interdis pas de réfléchir à leurs causes sous-jacentes, ce qui implique d’imaginer remettre la loi ou la constitution elles-mêmes en question sur certains points, ou du moins de se sentir libres de le faire, puisque ça ne mange pas de pain ni ne nous engage à rien dans un débat sur un forum.

nohar

Ah mais je comprends tout-à-fait. D’ailleurs, c’est un sujet qui est extrêmement débattu dans le monde juridique. Comme je l’ai dit précédemment, la loi (et plus généralement, le droit) vise à créer un équilibre entre des intérêts contradictoires. Pour reprendre ton exemple des blocages, la question est : comment trouver un équilibre entre le droit de travailler et le droit de grève ? L’un n’est pas au-dessus de l’autre. Et c’est vrai pour bien d’autres. Il y a des droits qui entrent de plus en plus en conflit. C’est un sujet très intéressant, très étudié par les spécialistes du droit constitutionnel (oui, ça existe Taurre :P ) et des ouvrages entiers ont déjà été écrits à ce sujet.

Récemment, c’est la balance droit à la vie privée/droit à l’information qui a évolué. Peut-être qu’à l’avenir, avec les débats de société concernant le droit de travailler/le droit de grève, cela évoluera aussi.

Donc bien sûr qu’on peut remettre la loi en question. C’est le préalable à son évolution (avortement, etc.). Et ce n’est pas cela qui m’a fait réagir.

Ce qui m’a fait réagir, c’est ceci :

Je te remercie, @Renault, pour cette clarification.

Dans ce cas, j’ai obtenu une réponse satisfaisante : les actions en question relèvent bel et bien du terrorisme, sont parfaitement condamnables en tant que tel, et sont à dissocier du militantisme au sens large.

A la lecture de ce post, tu sors du cadre du débat moral sur ce qui constitue ou devrait constituer pour toi un acte de terrorisme pour entrer dans la sphère du droit : ce qui est condamnable en tant que tel "maintenant". Donc oui, j’ai tiqué. :D

Or, c’est inexact. Au sens de la loi, la réponse est non. Il n’y a jamais eu de cas de condamnation ou même d’inculpation pour fait de terrorisme ni aucune jurisprudence qui tendrait à considérer de tels actes comme des actes de terrorisme.

Le monde juridique, compte tenu de l’arbitraire de l’Etat, est extrêmement attentif à la qualification (juridique) des mots. La notion de terrorisme en Europe a une acception restreinte car d’une part, en matière pénale l’interprétation est dite stricte et d’autre part, car il y a également une volonté de protection vis-à-vis de l’arbitraire de l’Etat. C’est pour cela que lorsque le ministère public décide de poursuivre X ou Z pour des faits de terrorisme au lieu de choisir un autre article du Code pénal, c’est parce qu’il a précisément étudié la question après une analyse parcimonieuse des faits.

Ils savent très bien qu’il faut être prudent lorsque l’on considère que l’acte Y relève du terrorisme. Cette qualification doit être utilisée avec une très, très grande prudence.

La définition légale "version courte" du terrorisme proposée à l’ONU par A.P. Schmid est la suivante : « l’équivalent en temps de paix d’un crime de guerre. ». La connotation du mot "terrorisme" est donc grave, elle est assimilée au crime de guerre, qui est sur l’échelle criminelle un crime d’une extrême gravité.

Je ne suis pas sûr qu’il serait souhaitable de rapprocher des actes de vandalisme, de provocation dans des boucheries à ces mêmes actes. C’est de la violence, sans aucun doute. Mais l’équivalent en temps de paix d’un crime de guerre (en terme de gravité) ? J’en doute sincèrement.

Dans certains pays, cette qualification juridique est utilisée à tout-va pour emprisonner, torturer voire exécuter des personnes. En Chine par exemple, où les Ouïghours sont considérés comme des terroristes dissidents et envoyés dans des "écoles" juste parce qu’ils ont tenté de pratiquer leur religion (les mosquées ont toutes été fermées dans la région).

Compte tenu de ci-dessus, et en lisant ta phrase, forcément j’avais envie de réagir en disant "attention" parce que ce serait ouvrir une boîte qu’il serait préférable de laisser fermée. Le fait que nous vivons dans des Etats démocratiques ne nous protège pas à 100% de l’arbitraire de l’Etat et de ses dérives.

Edit : autre exemple :

@Taurre : C’est un signe que les choses vont très mal, ou très bien, selon le point de vue. Il serait peut-être temps d’entrer en insurrection, vu la violence exercée par notre société et son gouvernement, que ce soit sur les populations ou sur l’environnement.

Sérieusement, soyez conscients du sens et des conséquences des mots que vous utilisez

+1 -0

@Arius : Merci pour ces informations juridiques que je ne connaissais pas. Cela dit, rien d’étonnant à ce que la loi interdise l’insurrection, même si ça semble manifestement anticonstitutionnel. Cependant je n’ai pas la même foi que tu sembles avoir en la loi, ni même en la constitution, qui sont très loin d’être parfaites et dont on peut remettre en cause la légitimité. En dernière instance, le peuple est souverain. Si c’était pénalement répréhensible ne serait-ce que de débattre du sujet (ce qui d’après ton lien n’est pas le cas), on aurait des inquiétudes à avoir sur notre démocratie. ;)

+0 -0

Cela dit, rien d’étonnant à ce que la loi interdise l’insurrection, même si ça semble manifestement anticonstitutionnel

Aucun État, aucune constitution européenne autorise la violence armée contre les institutions démocratiques.

La révolte armée n’est pas un droit constitutionnel dans une société qui permet le changement politique par des voies pacifiques : élections, plaintes auprès du pouvoir judiciaire,… Utilisez-les. C’est facile de ne pas voter, de ne pas se présenter si aucun candidat est intéressant, de ne pas s’impliquer dans le débat politique… Et puis venir et, comme certains, faire des appels à l’insurrection sans remettre une seule fois en question son immobilisme.

Et après l’on vient se plaindre que le politique est déconnecté des problème des citoyens. Mais peu de gens daignent se demander si les citoyens n’ont pas leur part de responsabilité en ne s’intéressant pas au débat politique.

Qui ici suit les débats de l’Assemblée générale/Sénat, hmm ? Savez-vous comment la démocratie fonctionne ? Savez-vous ce qu’est par exemple la navette parlementaire ? Savez-vous comment se déroule le travail en commission ? Avez-vous déjà pris contact avec vos députés pour discuter d’un problème ressenti ?

Que faites-vous pour faire entendre à vos élus des problèmes qui vous sont chers ?

Cependant je n’ai pas la même foi que tu sembles avoir en la loi, ni même en la constitution, qui sont très loin d’être parfaites et dont on peut remettre en cause la légitimité.

Dire à quelqu’un qui a écrit plusieurs posts ici même et donné des exemples de l’arbitraire de l’État qu’il a foi en la loi est comique.

Par contre, je suis payé par l’État pour m’assurer qu’il applique des décisions dans le respect de la loi et, dans le cas d’erreurs ou d’une volonté politique d’agir contrairement aux lois et impactant les citoyens, corriger le tir. Ma fonction est inéluctablement de protéger les citoyens de l’arbitraire de l’administration étatique.

Je ne suis pas chargé d’appliquer bêtement les décisions politiques sans regarder si elles sont conformes au droit, je suis chargé de m’assurer que l’administration agisse conformément au droit et corriger le tir si ce n’est pas le cas. Tout comme les avocats sont chargés de défendre les citoyens. Tout comme les juges ont pour mission de vérifier la légalité d’une action judiciaire.

Tout juriste est pleinement conscient des dérives potentielles et tout juriste a inéluctablement pour mission d’être le gardien de la loi et de la justice, dans la sphère privée comme publique.

Mais la révolte armée, comme les coups d’état, entraîne historiquement un régime pire que le précédent.

En discuter est légal, mais attention à ne pas franchir la ligne rouge de l’appel public à l’insurrection. Déjà que tu ignorais l’existence de ce prérequis pénal, ça commence mal… Il y a déjà eu suffisamment de membres de ZdS ayant eu des problèmes judiciaires comme cela…

+2 -0

Bien, vu que le sujet a commencé à glisser plus ou moins vers la direction que j’avais prévu, il est maintenant temps de dresser un (premier ?) bilan (intermédiaire ?) de ce que je tire de cette discussion.

D’abord, je remercie tout le monde d’avoir participé jusque là. Au vu de la nature politique du sujet, je suis assez impressionné par le fait que ces quatre premières pages soient 100% constructives. :)

Une petite précision d’abord sur la façon dont je l’ai approché. Il me semble que c’est évident, mais je préfère l’expliciter : j’ai volontairement lancé ce sujet en partant de très loin, c’est-à-dire en posant la question de l’utilité de militer, avec une question presque rhétorique en titre. J’ai adopté un point de vue naïf, partial et très partiel (même encore plus partiel que ce que je l’imaginais, en fait), « je pense ça, faites moi changer d’avis », « expliquez-moi comme si j’avais 5 ans ». Mine de rien, je pense que c’était la bonne façon de faire. Ni trop provocateur, ni trop neutre. Mais bref, passons au résumé. :)

Militer sert-il à quelque chose ? Oui, bien sûr que oui.

Très tôt, il m’est apparu qu’en écrivant le post initial, je n’avais pas en tête la grande variété de raisons pour lesquelles on peut être amené à militer. Dans une société dans laquelle tout le monde peut faire entendre sa voix, militer pour une cause ou une autre est plus ou moins le seul moyen d’attirer l’attention sur :

  • Une situation urgente dans laquelle on juge impératif d’agir vite (par ex. l’accueil et l’hébergement de réfugiés),
  • Une situation d’inégalité de droit à régler (par ex. le mariage pour tous),
  • Une situation d’inégalité de fait (par ex. les causes féministes, les antiracistes),
  • Une cause morale (par ex. le bien-être animal et le véganisme, ou encore le mariage pour tous, mais du point de vue de l’opposition),
  • Et j’en oublie encore certainement…

En somme, militer ne sert pas, comme je l’avais posé de façon un peu trop simpliste au départ, qu’à faire changer les mentalités ou lancer un débat. Un point qui a été soulevé à plusieurs reprises est qu’un combat ne s’arrête pas quand le débat arrive à consensus, ni quand le résultat est obtenu (une loi promulguée ou un projet abandonné…), mais qu’il dure parfois indéfiniment pour protéger les acquis de la lutte.

Ensuite, sur la question comment on en est arrivé là ?, à propos de la systématisation des causes militantes, du fait que plus rien ne soit une cause non-militante aujourd’hui, on vient précisément de mettre les deux pieds dans la réponse, celle-ci est multiple, mais pas surprenante, et pas belle non plus.

Une raison qui a été tout juste impliquée est que tout le monde, de nos jours, a une voix audible en public. Par conséquent, pour faire entendre parler de quelque chose, il faut soit crier plus fort que les autres, soit faire sensation (choquer, buzzer) : en quelque sorte, c’est déjà un combat en soi que d’arriver à être entendu…

Une autre raison, autrement plus inquiétante, est la dégradation du climat politique et social, le durcissement des tensions et de la défiance entre le peuple et son gouvernement. J’aurais envie de résumer ça par un dysfonctionnement majeur de nos démocraties : plus ça va, plus la moindre revendication politique devient prétexte d’une lutte, plus celle-ci repose sur l’emploi de moyens violents (je ne dirai pas "extrêmes", enfin si, je l’ai dit, tant pis je le garde).

Je pense avoir à peu près fait le tour des questions initiales qui ont trouvé une réponse. Mais corrigez-moi s’il y a quelque chose à ajouter.


Cela dit, je le dis depuis un moment, il persiste chez moi plusieurs malaises, ou plutôt, plusieurs craintes, et je pense que c’est important de les verbaliser ici aussi.

La première est liée à cette remarque de @Spacefox : le langage des militants fait très volontiers appel au registre émotionnel, parce que ça fait mieux passer les messages. Je crains (et mes observations suggèrent, quoi qu’on ait pu me dire, que cette crainte est fondée) que cela soit une porte d’entrée au registre émotionnel dans les débats, où celui-ci ne devrait pas avoir sa place (du moins, pas dans les argumentaires). Si l’on replace ce risque dans le contexte d’une lutte, et plus particulièrement une lutte sur un sujet qui nous tient à cœur, cela nous donne un cocktail explosif, et les premières victimes de l’explosion sont l’objectivité, la rationalité (et l'ouverture d’esprit sera tôt ou tard emportée par le souffle). Sans elles, il est impossible de s’entendre, ou plutôt, il n’est plus possible de s’entendre qu’avec les gens qui pensent exactement comme nous, et je maintiens que c’est ce qui polarise (dans le sens où l’on n’a plus un continuum d’opinions, mais une collection de pôles mutuellement exclusifs), binarise (soit t’es d’accord avec tout ce que je dis, soit t’es un ennemi) et de ce fait paralyse les débats. Quand je lis ici que certaines personnes ne voient même plus la nécessité d’un débat, précisément en réponse à cette crainte de polarisation et de paralysie, cela me fait ouvertement flipper, parce que c’est très exactement le symptôme du durcissement à l’extrême des positions qui en résulte : « fais tout ce que je dis, comme je te le dis, sinon je continuerai de lutter, et NON, je ne discuterai de rien, je continuerai juste à me battre ». Sauf que des choses à discuter, il y en a toujours. Il ne suffit pas de dire « On en a gros, vous nous utilisez bon gré mal gré pour arriver sur la fin » pour que la personne en face y pige quelque chose. Sans discussion possible, il ne se passe rien.

Ma seconde crainte est celle de l’agressivité inhérente à toute lutte. On me dira qu’il y a des militants pédagogues, qui savent débattre et s’expliquer calmement et de façon rationnelle. Oui, y’en a (j’connaissais une polonaise qui en buvait au p’tit dej). Par contre, toujours par expérience, la plupart des occasions où j’ai pris part à ce genre de discussions, je me suis retrouvé face à un degré plus ou moins prononcé d’agressivité et d’hostilité avant même d’avoir exprimé le moindre point de vue, en ayant simplement posé des questions, et ce quel que soit le sujet. Et bien que je parle d’expérience personnelle, le nombre de fois où (et de personnes différentes avec qui) c’est arrivé est significatif. Je l’ai déjà dit : je ne supporte pas que l’on m’agresse. Si on milite, on a plutôt intérêt à rallier des gens à sa cause, mais si au lieu de ça on les agresse dès qu’ils posent des questions, faut pas s’étonner si on se fait envoyer chier, ou pire, si la personne en face finit par se placer sur la défensive (et à raison), ou encore, à l’extrême, qu’elle devient hostile à la cause. C’est particulièrement valable quand on est soi-même en pleine lutte, et que la personne en face est a priori neutre, hors de la lutte : c’est peut-être pas volontaire, peut-être que c’est le niveau d’échauffement naturel qui diffère entre le milieu de militants et celui des gens qui vivent en paix, si j’ose dire, mais c’est clairement pas quelque chose à négliger.

Troisième crainte : lorsque l’on mélange la perte de rationalité et d’objectivité avec l’agressivité et le besoin d’en découdre, on obtient ce que j’ai lu ici, une agression sans discernement des mauvaises personnes. Non, quand on milite contre les violences sexistes, s’en prendre à tous les hommes sans discernement est un non sens. Je suis un homme, je suis juste coupable d’être né avec un chromosome Y, et je refuse que l’on me mette dans le même panier que les violeurs. Si vous me ciblez pour me gueuler dessus, allez mourir, je n’ai rien à me reprocher, et prenez bien conscience que vous ne valez guère mieux qu’un flic qui fait du contrôle au faciès. Stop ! Pas la peine de répondre, je ne vous écoute déjà plus : gardez votre sexisme pour vous.

Quatrième crainte : on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs. Comme je l’ai dit plus haut : plus ça va, plus les luttes se systématisent, et comme je l’ai évoqué plus haut en prenant pour exemple le dernier mouvement de grève qui a bloqué les transports pendant plus d’un mois, toute lutte est susceptible de faire des dommages colatéraux. Au final, ma crainte réelle est celle de vivre dans un monde où chacun et chacune, en plus d’avoir ses propres combats à mener, doit en plus se préparer à être pris entre les feux de combats qui ne le ou la concernent pas. Je revendique mon droit fondamental à ne pas vivre sur le champ de bataille de guerres qui ne sont pas les miennes, parce que je suis un individu et que j’ai parfois des choses autrement plus graves et plus prioritaires, à mon échelle individuelle, à faire. S’il faut que je lutte pour une cause qui m’est importante, je le ferai, mais je revendique le droit de ne pas être en guerre infinie et permanente, et de ne pas faire les frais de celle des autres. C’est un acquis, je compte bien le défendre et faire en sorte qu’il soit généralisé à tous dans la mesure de mes moyens, mais je ne compte, évidemment, pas militer pour ça.

Parce que ça aussi, je le relève dans ce thread : dans pratiquement tous les messages que je lis ici, toutes les luttes, toute la violence, toutes les actions dont il est question sont présentées comme inévitables. Et je continue de le refuser.

Je refuse de croire qu’ils soit absolument nécessaire de lutter, et qu’il n’existe pas une autre façon de vivre que d’enchaîner les combats. Je refuse de croire que notre société est incurable, et qu’il n’existe pas de modèle social où on peut prendre des décisions, changer les choses et protéger ses acquis sans avoir à se battre. Et je pense même qu’il est vital que l’on commence à l’imaginer.

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